Le collège Le Village de Trappes (78)

Contre le décrochage : mieux orienter les élèves de troisième

Dossier : ExpressionsMagazine N°717 Septembre 2016
Par Jacques DENANTES (49)
Par Dominique MOYEN (57)

C’est en fin de troi­sième que se fait l’o­rien­ta­tion entre les ensei­gne­ments géné­raux, tech­no­lo­giques ou pro­fes­sion­nels. Pour évi­ter un choix sim­ple­ment basé sur le niveau sco­laire cer­tains col­lèges mettent en place un pro­gramme sur l’an­née cen­tré sur l’o­rien­ta­tion. C’est le cas à Trappes, avec l’ap­pui de la mai­rie et des retrai­tés de l’association AGIRabcd. 

En vue du pas­sage en seconde, les élèves de col­lège et leurs familles doivent effec­tuer un choix entre des lycées d’enseignement géné­ral et tech­no­lo­giques et des lycées professionnels. 

“ Les élèves n’ayant pas de bonnes notes n’ont accès qu’aux lycées professionnels ”

Ce choix est lar­ge­ment déter­mi­né par le niveau sco­laire, de sorte que les élèves n’ayant pas de bonnes notes dans les matières prin­ci­pales n’ont accès qu’aux lycées professionnels. 

Cela entraîne pour eux le choix d’un métier, avec le risque de les voir décro­cher en pre­mière année de lycée pro­fes­sion­nel quand, se per­ce­vant mal orien­tés, ils ont le sen­ti­ment d’être enga­gés dans une impasse. 

AGIRABCD INTERVIENT AU COLLÈGE

Le col­lège Le Vil­lage de Trappes (Yve­lines) est situé dans une zone urbaine sen­sible où la plu­part des familles ne dis­posent pas du capi­tal cultu­rel qui leur per­met­trait d’accompagner la sco­la­ri­té de leurs enfants et de gui­der leur orien­ta­tion (voir encadré). 

LES CHIFFRES DE TRAPPES

D’après le recensement de 2005 :
  • 31 000 habitants dont 26 % nés à l’étranger ;
  • 61 % des jeunes de moins de 18 ans ont au moins un parent immigré ;
  • plus de 70 nationalités ;
  • 51 % âgés de moins de trente ans.

La mai­rie de Trappes a mis en place un « dis­po­si­tif de réus­site édu­ca­tive » dans le cadre duquel est assu­ré l’accompagnement des élèves en dif­fi­cul­té. Des retrai­tés de l’association AGI­Rabcd (voir enca­dré) par­ti­cipent à ce dis­po­si­tif, mais leur prin­ci­pale inter­ven­tion, conduite au contact direct du col­lège, porte sur l’orientation des élèves en fin de troisième. 

C’est pour enquê­ter sur cette action qu’avec un inter­ve­nant d’AGIR, nous sommes allés au collège. 

Nous avons admi­ré en arri­vant la qua­li­té de l’architecture des bâti­ments et celle de l’aménagement des espaces alen­tour : rien à voir avec nos col­lèges pari­siens, leurs bâti­ments rec­tan­gu­laires à trois niveaux et leurs cours étri­quées pour la récréation. 

UN PROGRAMME CENTRÉ SUR L’ORIENTATION

Dans ce bel éta­blis­se­ment, nous avons ren­con­tré Mme Ala­ry-Jean, la prin­ci­pale, et Mme San­chez, pro­fes­seure prin­ci­pale d’une classe de troi­sième et coor­di­na­trice pour l’ensemble des classes de troi­sième d’un pro­gramme cen­tré sur l’orientation.

Ce pro­gramme compte à la fois des actions des­ti­nées à l’ensemble des élèves de troi­sième et, pour un groupe de volon­taires, la par­ti­ci­pa­tion à un « module de décou­verte des entreprises ». 

DES ACTIONS DESTINÉES À L’ENSEMBLE DES ÉLÈVES

“ Le professeur principal consacre une heure par semaine à l’orientation ”

Dans ce col­lège de 480 élèves, ils sont 115 en troi­sième qui se répar­tissent en 5 classes. 

Le pro­fes­seur prin­ci­pal de chaque classe, assis­té ponc­tuel­le­ment par un conseiller d’orientation, consacre une heure par semaine à l’orientation : chaque classe éla­bore un par­cours de décou­verte des filières de for­ma­tion et des métiers et met en œuvre un pro­gramme de visites d’entreprises où se rend la classe entière (par exemple, visite du siège de Coca- Cola France). 


Dans ce col­lège de 480 élèves, ils sont 115 en troi­sième qui se répar­tissent en 5 classes.

AGIRaBCD

AGIRabcd est une association de séniors bénévoles mobilisant plus de 3 000 retraités dans une centaine de représentations. AGIR, qui a une forte implantation en Île-de-France, envoie des experts en mission dans les pays en voie de développement.
L’association a également des activités en France, auprès des publics en difficulté, notamment dans le domaine de l’éducation.

DES STAGES EN ENTREPRISE

Comme les élèves de troi­sième sont tenus de faire un stage en entre­prise d’une semaine au cours du deuxième tri­mestre, les retrai­tés d’AGIRabcd les aident à pros­pec­ter en ani­mant des ate­liers de rédac­tion de CV et de lettres de motivation. 

Au retour du stage, chaque élève pré­sente son rap­port ora­le­ment avec un Power Point devant un jury consti­tué d’un pro­fes­seur et d’unmembre d’AGIR. Ils sont notés sui­vant la pro­cé­dure du socle com­mun, qui éva­lue les com­pé­tences en expres­sion orale, la capa­ci­té à uti­li­ser des sup­ports numé­riques, l’autonomie et la prise d’initiatives.

Cet entre­tien est aus­si l’occasion de dis­cu­ter avec l’élève de son pro­jet d’orientation.

UN SUIVI INDIVIDUEL

Les retrai­tés d’AGIR assistent aus­si les ensei­gnants dans la pré­pa­ra­tion des conseils de classe du deuxième tri­mestre : au mois de mars, chaque élève est reçu indi­vi­duel­le­ment par un ensei­gnant accom­pa­gné d’un ou deux retrai­tés afin d’examiner ses résul­tats sco­laires et le pro­jet d’orientation qu’il pré­sen­te­ra lui-même en conseil de classe. 

Enfin, chaque année, des retrai­tés d’AGIR accom­pagnent les élèves au forum annuel des métiers de Guyan­court ain­si qu’à la jour­née portes ouvertes du lycée pro­fes­sion­nel ter­tiaire Hen­ri-Matisse de Trappes. 

LA DÉCOUVERTE DU MONDE DU TRAVAIL

Une classe du collège Le Village de Trappes (78)
Par­mi les options ouvertes aux élèves (latin, anglais ren­for­cé, foot­ball, etc.), on trouve le module « Décou­verte des entreprises ».

Par­mi les options ouvertes aux élèves (latin, anglais ren­for­cé, foot­ball, etc.), on trouve le module « Décou­verte des entre­prises ». Une ving­taine d’élèves de troi­sième y sont ins­crits, l’activité prin­ci­pale étant la créa­tion, pilo­tée par le club FACE, d’une « graine d’entreprise » (voir enca­dré). Il s’agit de mettre en œuvre une démarche de pro­jet sur la durée de l’année scolaire. 

Deux membres du club FACE de Saint-Quen­tin-en-Yve­lines pré­sentent la démarche aux élèves et accom­pagnent son dérou­le­ment. Dans le cadre d’une simu­la­tion, les élèves doivent défi­nir un objet à pro­duire, pla­ni­fier sa réa­li­sa­tion et assu­rer sa com­mer­cia­li­sa­tion en se répar­tis­sant les rôles. 

Ils sont récom­pen­sés par une sor­tie en fin d’année s’ils ont fait un béné­fice. Pour l’année 2015–2016, ils avaient choi­si d’importer et de vendre des char­geurs solaires de smartphones. 

DES VISITES D’ENTREPRISES

Paral­lè­le­ment à cette acti­vi­té, les retrai­tés d’AGIR pré­parent et orga­nisent des visites d’entreprises d’une demi-jour­née de façon à mettre les élèves en contact avec le monde du tra­vail, à leur faire prendre conscience de sa diver­si­té mais aus­si à mul­ti­plier les ren­contres avec des adultes en activité. 

Chaque visite, qu’accompagne un retrai­té, s’effectue par groupes de quatre élèves au maxi­mum, chaque élève béné­fi­ciant de trois visites. Une liste d’entreprises est dif­fu­sée de façon à ce que les élèves puissent faire leur choix en fonc­tion des orien­ta­tions qui les intéressent. 

L’éventail est très large : BTP avec Bouygues, trans­port avec la SNCF et une com­pa­gnie d’autocars, haute tech­no­lo­gie avec Zodiac Aeros­pace, soins aux per­sonnes avec un éta­blis­se­ment d’accueil des per­sonnes âgées, conces­sion auto­mo­bile, etc. 

Chaque visite est sui­vie d’une res­ti­tu­tion orale par le groupe d’élèves.

DES RETRAITÉS TÉMOIGNENT

LE CLUB FACE

FACE (Fondation agir contre l’exclusion), club d’entreprises socialement impliquées et régionalement responsables, développe ses actions autour de trois axes majeurs :
  • l’égalité de traitement : lutter contre les exclusions par l’emploi ;
  • l’emploi : accompagner, accéder et retourner à l’emploi par le réseau FACE ;
  • la prévention : poursuivre sa scolarité avec l’accompagnement d’entreprises.

Par­mi les treize retrai­tés qui inter­viennent à Trappes, il y a des ingé­nieurs, un DRH, des com­mer­ciaux, un cadre de col­lec­ti­vi­té locale, un ensei­gnant, un jour­na­liste, un vété­ri­naire, etc. Ils témoignent. 

« Accom­pa­gner des col­lé­giens et des lycéens est un excellent moyen, pour un pra­ti­cien libé­ral retrai­té, de mettre en œuvre sa réac­ti­vi­té au pro­fit d’élèves en difficulté. 

Dans le cadre de l’aide inter­gé­né­ra­tion­nelle, il est très satis­fai­sant de pou­voir pré­sen­ter, à la faveur de visites d’entreprises, les diverses facettes des métiers et de déclen­cher, sinon l’intérêt, au moins le ques­tion­ne­ment de l’élève. Il peut nous sem­bler par­fois dif­fi­cile d’atteindre notre but. Pour cer­tains élèves, le déclic pour­ra s’opérer plus tard, notre inter­ven­tion n’aura donc pas été vaine. 

Avec la forte impli­ca­tion du corps ensei­gnant, tous les ingré­dients sont réunis pour pré­sen­ter aux jeunes les meilleurs espoirs d’une réus­site pro­fes­sion­nelle. De ce point de vue, il faut rendre un hom­mage appuyé à l’équipe péda­go­gique du col­lège Le Vil­lage de Trappes » (P.B.).

FAIRE QUELQUE CHOSE D’UTILE

« J’ai décou­vert cette année les acti­vi­tés d’AGIRabcd vers le col­lège Le Vil­lage. J’ai par­ti­cu­liè­re­ment appré­cié l’implication et la recherche per­ma­nente de l’équipe ensei­gnante pour faire res­sor­tir les points posi­tifs des élèves, pour les mettre en situa­tion de réus­site, notam­ment lors des entre­tiens pré­con­seils de classe. 

Les ren­contres inter­gé­né­ra­tion­nelles à tra­vers les visites d’entreprises, les pré­pa­ra­tions de conseils de classe et les sou­te­nances de rap­ports de stage me per­mettent de res­ter en contact avec ces jeunes et d’apporter quelques petites pierres à la construc­tion de leur avenir. 

Sur le plan per­son­nel cela m’apporte la satis­fac­tion de faire quelque chose d’utile » (G.M.).

RENDRE À L’ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE

« J’ai long­temps pen­sé que je devais rendre à l’école de la Répu­blique un peu de ce qu’elle m’avait don­né (même si j’ai failli, très tôt, être vic­time d’une mau­vaise orien­ta­tion). C’est pour cela que, grâce à AGI­Rabcd, j’ai sai­si l’occasion d’intervenir au col­lège Le Vil­lage dans ce pro­jet de remo­ti­va­tion et d’aide à l’orientation d’élèves de troisième. 

Après six années très riches avec ce col­lège, je peux témoi­gner sur quelques points qui me paraissent essen­tiels (il y en aurait beau­coup d’autres).

« Le temps du social ou du sco­laire n’est pas celui de l’entreprise : le retour sur nos actions auprès des élèves n’est pas, en géné­ral, immé­dia­te­ment visible. Il se fait en dif­fé­ré, sou­vent via les pro­fes­seurs. Mais il y a des excep­tions : lors des séances de rédac­tion de CV et de lettres de moti­va­tion, voir les élèves décou­vrir qu’ils ont des talents, des qua­li­tés, des acti­vi­tés inté­res­santes à mettre en avant et repar­tir en se disant que, fina­le­ment, ils ne sont “pas si nuls que ça”, est extrê­me­ment gratifiant. 

UN PARTENARIAT PÉRENNE

« Le partenariat avec l’association AGIRabcd est au cœur du projet d’établissement du collège Le Village. En effet, il entre dans la construction de parcours proposés à nos élèves, tels que les définit la réforme des collèges engagés en Éducation prioritaire.
« L’association intervient dans le parcours d’avenir des collégiens : aide à la connaissance de l’entreprise et à l’orientation, ainsi que dans le parcours citoyen : actions de solidarité et éducation aux médias.
« Il ne faut pas non plus mésestimer l’importance que revêt le lien intergénérationnel dans le partenariat. Nos élèves sont sensibles aux parcours des membres de l’association et le questionnement, notamment lors des entre – tiens individuels en fin de second trimestre, permet un échange éclairé d’un ancien vers un jeune en construction tel que le conçoit la notion de tutorat. Aussi est-il important d’ancrer ce partenariat dans un fonctionnement pérenne, gage de stabilité pour les équipes et les élèves de l’établissement. »

Isabelle Alary-Jean, principale

« Il existe des équipes péda­go­giques “de course” : ouvertes, dyna­miques, qui savent faire évo­luer leurs pro­jets et leurs méthodes, qui jouent le jeu de l’intergénérationnel, qui se battent pour faire réus­sir leurs élèves. C’est une condi­tion essen­tielle à la réus­site de tels pro­jets. « Il y a de (très) bons élèves par­tout » (M.J.).

Sur le stade au collège Le Village de Trappes (78)
Faire res­sor­tir les points posi­tifs des élèves, pour les mettre en situa­tion de réus­site.

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