Comment créer une nouvelle assurance-maladie

Dossier : La Santé, l'inéluctable révolutionMagazine N°630 Décembre 2007
Par Claude BÉBÉAR (55)

Il y a dix ans, je lançais l’idée d’une « Sécu­rité sociale privée ». L’ex­pres­sion fit grand bruit. Dans mon esprit, il s’agis­sait d’ou­vrir la ges­tion de l’as­sur­ance-mal­adie oblig­a­toire aux insti­tu­tions privées ou para­publiques et non bien évidem­ment de la sup­pres­sion de la Sécu­rité sociale. Le sujet est tou­jours d’ac­tu­al­ité mais la sit­u­a­tion s’est aggravée ! La Sécu­rité sociale est pro­gres­sive­ment dev­enue un véri­ta­ble organ­isme pub­lic directe­ment gou­verné par l’É­tat qui est à la fois l’ini­ti­a­teur des règles, l’or­gan­isa­teur de l’of­fre de soins, le financeur de cette offre et l’as­sureur de la demande.
 

L’as­sur­ance san­té aujourd’hui
La Sécu­rité sociale définit ce qui est rem­boursé et ce qui ne l’est pas. L’ac­cès à l’assurance mal­adie repose sur la rési­dence et non plus sur l’exercice d’une activ­ité pro­fes­sion­nelle. Une grande part du finance­ment repose sur la masse salar­i­ale des entre­pris­es. Out­re la CSG qu’ils paient directe­ment, peu de salariés sont con­scients de ce que leur con­tri­bu­tion à l’assurance mal­adie représente annuelle­ment plus de deux mois de salaire. Ils ne savent pas ce qui est le coût de leur risque pro­pre et ce qui est une coti­sa­tion de solidarité.
C’est la Caisse nationale d’assurancemaladie qui paie les médecins, l’hôpital, les médica­ments. On ne peut pas dire qu’elle gère le risque mal­adie. Il suf­fit d’observer les péripéties du Dossier médi­cal per­son­nel et partagé, la répar­ti­tion anar­chique des médecins sur le ter­ri­toire, la paupéri­sa­tion de nos hôpi­taux publics et enfin, ce qui paraît le plus grave, l’absence totale d’évaluation a pos­te­ri­ori.

Une augmentation inéluctable

Le risque mal­adie des Français
On peut répar­tir les per­son­nes pro­tégées par groupes représen­tant 5 % de la pop­u­la­tion (20 groupes au total), en allant de ceux qui dépensent le moins à ceux qui dépensent le plus.
Dans les trois pre­miers groupes (30 % de la pop­u­la­tion), la dépense est nulle ou insignifi­ante. Dans le 10e groupe, elle atteint 529 euros par per­son­ne et par an.
Pour 50 % de la pop­u­la­tion, la dépense annuelle moyenne des soins n’excède pas 530 euros.
Dans le 17e groupe, la dépense moyenne est de 1 717 euros. Dans le dernier groupe réu­nis­sant les derniers 5 % de la pop­u­la­tion, elle est de 21 687 euros.
Seule­ment 1 à 2 % de la pop­u­la­tion représente le « grand risque » avec des dépens­es moyennes annuelles de l’ordre de 82 000 euros.
Jacque­line Simon (revue Com­men­taires)

Les dépens­es de san­té aug­mentent et con­tin­ueront à évoluer plus vite que le PIB (plus de 11 % du PIB aujour­d’hui, 15 % dans les dix ans à venir). C’est inéluctable et dû à l’al­longe­ment de la durée de la vie, aux pro­grès tech­niques, au fait que les Français — et c’est nor­mal — veu­lent se soign­er pour se main­tenir en bonne santé.

On voit claire­ment depuis quelques années au fil des « réformes » mis­es en place à quel point l’as­sur­ance-mal­adie oblig­a­toire échappe aujour­d’hui à tout con­trôle. Les réformes ont essen­tielle­ment con­sisté à accom­pa­g­n­er la dérive des coûts par une hausse des prélève­ments et une baisse des rem­bourse­ments sans remise en cause de la struc­ture du sys­tème mis en place. Notre sys­tème actuel est man­i­feste­ment à bout de souf­fle. Nous ne pou­vons répon­dre aux défis de l’avenir qu’en changeant de paradigme.

Le risque mal­adie est bien dis­tribué (voir encadré), il évolue lente­ment et régulière­ment, et n’est jamais très élevé. Il n’est donc pas dif­fi­cile à assurer.

Il y a des solutions

Les solu­tions pos­si­bles ont pour pos­tu­lat de départ que ces dépens­es con­tribuent à la crois­sance, c’est-à-dire à la créa­tion de richess­es et d’emplois, et même qu’elles en seront demain un fac­teur essen­tiel. Qu’elles sont à la source des pro­grès sci­en­tifiques et tech­nologiques. Qu’elles sont égale­ment fac­teur d’amélio­ra­tion de la qual­ité de vie de nos concitoyens.

Pour avoir une chance de sauver les principes aux­quels les Français sont attachés : cou­ver­ture mal­adie pour tous, sol­i­dar­ité et grande qual­ité de soins, les mesures pro­posées doivent être poli­tique­ment accept­a­bles, effi­caces et pragmatiques.

Chacun dans son rôle

Redéfinir le rôle de l’État

Son rôle est pri­mor­dial. Il fixe les règles et il est garant de leur appli­ca­tion. Si l’É­tat le souhaite, ces fonc­tions pour­raient être celles de la Sécu­rité sociale redéfinie.

Définir les soins remboursables

Peu de salariés sont con­scients de ce que leur con­tri­bu­tion à l’assurancemaladie représente annuelle­ment plus de deux mois de salaire

C’est aux pou­voirs publics de décider de ce qui relève de l’as­sur­ance-mal­adie uni­verselle, c’est-à-dire réper­to­ri­er les soins et ser­vices qui sont pris en charge inté­grale­ment pour toute la pop­u­la­tion définie. C’est ce que l’on appelle « le panier de soins ».

Nous pré­con­isons de lier la prise en charge à l’ob­ser­va­tion de pro­to­coles thérapeu­tiques décrivant avec pré­ci­sion l’ensem­ble des soins néces­saires au traite­ment d’une patholo­gie ou d’une sit­u­a­tion médi­cale, quels qu’ils soient. Un même acte peut être rem­boursé ou ne pas l’être, selon que le pro­to­cole thérapeu­tique est respec­té. Il est évi­dent que le bon sens doit guider cette démarche qui doit com­porter sou­p­less­es et déro­ga­tions afin de per­me­t­tre le bon fonc­tion­nement du sys­tème et bien sûr être évolutive.

Par ailleurs, cette cou­ver­ture inté­grale des soins et ser­vices n’ex­iste que si la per­son­ne est assurée (l’équiv­a­lent d’ad­hérent à la Sécu­rité sociale aujour­d’hui) et si le pre­scrip­teur est agréé.

Cette liste de soins et ser­vices rem­boursés doit être élaborée avec une grande atten­tion afin de ne laiss­er en dehors de l’as­sur­ance-mal­adie uni­verselle que des actes que cha­cun peut assumer de façon cor­recte à tra­vers des assur­ances sup­plé­men­taires ou des dépens­es personnelles.

Définir la population couverte (population assurée)

C’est aux pou­voirs publics de définir qui peut béné­fici­er de « l’as­sur­ance-mal­adie uni­verselle ». Nous sommes par­ti­sans de con­serv­er le sys­tème actuel basé sur la non-dis­crim­i­na­tion par l’ar­gent de ceux qui béné­fi­cient de l’ac­cès aux soins : toutes les per­son­nes rési­dentes en France et en sit­u­a­tion régulière, c’est-à-dire Français ou étrangers pos­sé­dant un per­mis de séjour, doivent béné­fici­er de l’as­sur­ance-mal­adie uni­verselle. Tous les autres présents sur le ter­ri­toire doivent, bien sûr, être soignés, mais doivent payer.

Contrôler l’application de ces règles et sanctionner les acteurs qui ne les respectent pas

En ces­sant d’être opéra­teur, l’État cessera d’être juge et partie

C’est un rôle essen­tiel et qui garan­tit que le sys­tème mis en place fonc­tionne bien et qu’il respecte les choix poli­tiques qui ont présidé à sa mise en place. Si une insti­tu­tion d’as­sur­ance san­té ne respecte pas les principes édic­tés par l’É­tat (non-dis­crim­i­na­tion, refus d’as­sur­ance viagère par exem­ple), cette insti­tu­tion doit se voir retir­er l’ha­bil­i­ta­tion de tra­vailler dans le domaine de la santé.
Déf­i­ni­tion des règles, con­trôle et sanc­tions sont les respon­s­abil­ités essen­tielles de l’É­tat dans le domaine de la san­té. Mais il n’est plus opéra­teur et, de ce fait, cessera d’être juge et partie.

Collecter et redistribuer la partie du financement de ces dépenses qui relève de la solidarité

Nous y revien­drons lorsque nous abor­derons le finance­ment de l’as­sur­ance-mal­adie universelle.

Accréditer les professionnels de la santé

Entre désert et surenchère
La con­cur­rence entre les insti­tu­tions les incit­era à veiller à l’implantation des pro­fes­sion­nels en fonc­tion de l’existence de clients dans cer­tains endroits. Cela résoudra l’énorme prob­lème actuel résul­tant de la dis­par­ité entre désert médi­cal (grave pour les assurés) et la sur­pop­u­la­tion médi­cale (entraî­nant une surenchère médicale).

Les pro­fes­sion­nels qui appor­tent des soins aux assurés sont de deux types : des étab­lisse­ments comme les hôpi­taux ou les clin­iques et des indi­vidus comme les médecins, les infir­mières, les kinésithérapeutes, etc.

S’ils veu­lent que leurs clients soient rem­boursés pour tout ou par­tie (selon le « panier de soins » défi­ni) des soins qu’ils leur don­nent, ils doivent être accrédités par une ou plusieurs insti­tu­tions d’as­sur­ance san­té : mutuelles, com­pag­nies d’as­sur­ances, Caisse d’as­sur­ance-mal­adie. Ils doivent, bien sûr, respecter les pro­to­coles thérapeu­tiques défi­nis par les pou­voirs publics. S’ils n’ont pas cette accrédi­ta­tion, leurs patients ne seront pas pris en charge. De cette sit­u­a­tion, on peut atten­dre deux résultats :

une amélio­ra­tion de la qual­ité des soins, les résul­tats obtenus par les pro­fes­sion­nels de san­té étant suiv­is de près par les insti­tu­tions de san­té : en cas de mau­vais résul­tats, les insti­tu­tions peu­vent désagréer les pro­fes­sion­nels concernés ;
 une répar­ti­tion de l’of­fre de soins sur le ter­ri­toire français répon­dant à la demande de soins (voir encadré).

Obligations et choix des clients assurés

Le client doit souscrire un contrat universel

Chaque indi­vidu pou­vant béné­fici­er de l’as­sur­ance-mal­adie uni­verselle a l’oblig­a­tion de souscrire un con­trat auprès d’une insti­tu­tion d’as­sur­ance san­té de son choix, que ce soit à titre indi­vidu­el ou à tra­vers un groupe (entre­pris­es, asso­ci­a­tion, etc.). Il n’y a pas de sélec­tion de risque de la part de l’in­sti­tu­tion et la cou­ver­ture est viagère.

Nous ver­rons au chapitre finance­ment com­ment cette coti­sa­tion d’as­sur­ance est financée.

Le client peut s’assurer pour d’autres actes

Out­re cette assur­ance-mal­adie uni­verselle oblig­a­toire, les assurés peu­vent égale­ment choisir d’être rem­boursés pour des actes qui ne sont pas inclus dans la nomen­cla­ture fixée par les pou­voirs publics. Il s’ag­it là d’une démarche volon­taire lais­sée au choix de cha­cun, la coti­sa­tion cor­re­spon­dante fixée par l’opéra­teur varie en fonc­tion du degré de cou­ver­ture choisi pour ces soins « hors norme ».

Des institutions d’assurance santé en concurrence

Il s’ag­it des Caiss­es d’as­sur­ance-mal­adie, des groupes de prévoy­ance, des mutuelles et des com­pag­nies d’as­sur­ances. Pour pou­voir exercer l’ac­tiv­ité d’as­sur­ance san­té, ces insti­tu­tions doivent être agréées et obéir à un cahi­er des charges défi­ni par l’É­tat. Elles tra­vail­lent en con­cur­rence totale entre elles, sans avan­tages par­ti­c­uliers con­cédés à une caté­gorie ou à l’autre.

Il y a lib­erté de tar­i­fi­ca­tion pour cette assur­ance-mal­adie uni­verselle qui prend en charge la total­ité des soins défi­nis par les pou­voirs publics. La coti­sa­tion de base peut vari­er en fonc­tion d’op­tions pris­es par l’as­suré, par exem­ple choix d’une fran­chise, actions de prévention…

Leur métier est le remboursement des dépenses de santé de tous les résidents en situation régulière en France

Gér­er sur des critères de qual­ité et sor­tir enfin de la sit­u­a­tion de payeur aveugle

En pre­mier lieu, elles rem­boursent les actes et soins défi­nis par l’as­sur­ance-mal­adie uni­verselle à con­di­tion qu’ils soient pre­scrits et effec­tués par des pro­fes­sion­nels agréés (voir ci-con­tre) et que, s’il existe des pro­to­coles thérapeu­tiques défi­nis, ils aient été respec­tés. Il s’ag­it là de leur con­trat de base avec leurs clients. Ce con­trat de base peut com­porter des dif­férences mar­ginales : choix de fran­chise, accep­ta­tion d’une poli­tique de prévention…

En aucun cas elles ne peu­vent exclure des patholo­gies ou des actes prévus par l’as­sur­ance-mal­adie universelle.

En sec­ond lieu, elles bâtis­sent des offres d’as­sur­ance san­té sup­plé­men­taires pour répon­dre aux désirs de cer­tains de cou­vrir leurs dépens­es cor­re­spon­dant à des choix par­ti­c­uliers : homéopathie, acupunc­ture, esthé­tique, cures d’amaigrissement…

Elles agréent les professionnels de santé et passent des contrats avec eux pour garantir qualité et contrôle des coûts

Un réseau de soins
Pour les actes réper­toriés par les pou­voirs publics comme faisant par­tie de l’assurancemaladie uni­verselle, le rem­bourse­ment ne peut avoir lieu que si les assurés se font soign­er dans des étab­lisse­ments ou chez des pro­fes­sion­nels de san­té agréés par leur insti­tu­tion d’assurance-maladie. On peut imag­in­er des accords entre cer­taines insti­tu­tions afin d’élargir les réseaux de soins aux­quels leurs clients ont accès.

Comme ce sont elles qui gèrent la base des clients et des pre­scrip­teurs et qui subis­sent les con­séquences finan­cières occa­sion­nées par les soins pre­scrits et don­nés, elles sont donc à même d’analyser les meilleures pra­tiques, les dérives, les abus.

Ces analy­ses nous per­me­t­tent de gér­er notre sys­tème de soins sur des critères de qual­ité et de sor­tir enfin de la sit­u­a­tion de « payeur — aveu­gle » que nous vivons.

On peut même imag­in­er que ces insti­tu­tions d’as­sur­ance, en parte­nar­i­at avec les pro­fes­sion­nels de san­té, sus­ci­tent des ini­tia­tives qui relèvent aujour­d’hui du tabou, par exemple :

- rem­bours­er des actes de préven­tion aujour­d’hui non couverts,
— ouvrir pour les pro­fes­sion­nels de san­té qui le souhait­ent un finance­ment par­tiel à la capitation,
— négoci­er avec des groupes de médecins un auto­con­trôle des pre­scrip­tions sur des critères de qual­ité avec en con­trepar­tie une reval­ori­sa­tion notable des actes médi­caux de base,
— dévelop­per à grande échelle de réels réseaux de soins per­me­t­tant d’of­frir des ser­vices de qual­ité aux adhérents,
— met­tre en œuvre des procé­dures d’é­val­u­a­tion médi­cale a pos­te­ri­ori par des organ­ismes indépen­dants des insti­tu­tions d’as­sur­ance dont les résul­tats seraient com­mu­niqués à l’ensem­ble de leurs assurés, démoc­ra­ti­sant ain­si l’ac­cès à des soins de qualité.

Elles agis­sent en stricte con­cur­rence entre elles dans le respect du cahi­er des charges défi­ni par l’É­tat et con­trôlées par lui
Cela nous paraît une con­di­tion essen­tielle de la garantie de qual­ité du sys­tème de san­té, de son effi­cac­ité et de sa capac­ité d’innovation.

Cela élim­ine le risque d’en­tente et de car­tels qu’on a pu voir dans cer­tains pays, ou celui de la dérive des coûts qui peut résul­ter d’une cen­tral­i­sa­tion trop grande telle qu’on la vit aujour­d’hui en France.

Que faire ?

Le financement des dépenses de santé

Financer par une com­bi­nai­son de coti­sa­tion d’assurance et d’impôt de solidarité

Aujour­d’hui, les dépens­es de san­té sont financées par la CSG (5,10 % du revenu brut des ménages, + 2,9 % au titre du RDS) et par des coti­sa­tions payées par l’employeur (12,6 %), arti­fice qui rend assez indo­lore le coût de la mal­adie pour chaque Français. Est-on con­scient de pay­er comme coti­sa­tion d’as­sur­ance env­i­ron 20 % de ce qu’on coûte à son employeur ? Si cette somme nous était ver­sée, ferait-on un chèque d’un tel mon­tant sans se pos­er des ques­tions de qual­ité, de choix de con­som­ma­tion, de con­trôle des dépenses ?

Il nous paraît aujour­d’hui impor­tant de revoir l’ensem­ble du sys­tème de finance­ment pour qu’il puisse :

 répon­dre au principe de sol­i­dar­ité, indis­cutable pour faire face aux iné­gal­ités face à la mal­adie et aux dis­par­ités de revenu,
 met­tre en con­ver­gence d’in­térêt tous les acteurs de la san­té pour un meilleur rap­port qual­ité prix dans le domaine de la santé.

Nous pro­posons, dans la refonte de l’as­sur­ance-mal­adie, que les dépens­es de san­té soient scindées en deux grands domaines :

 celui défi­ni par l’É­tat et cou­vert par l’as­sur­ance-mal­adie obligatoire,
 celui cor­re­spon­dant à une con­som­ma­tion médi­cale sup­plé­men­taire, et donc hors du champ de l’as­sur­ance-mal­adie oblig­a­toire. Ces dépens­es exis­tent déjà large­ment en France : homéopathie, acupunc­ture, cures, esthétique…

Elles sont générale­ment payées directe­ment par les indi­vidus. Elles peu­vent bien évidem­ment faire l’ob­jet d’une offre d’as­sur­ance clas­sique de la part des insti­tu­tions d’as­sur­ance san­té. En aucun cas leur champ ou leur cou­ver­ture ne doit résul­ter d’une inter­ven­tion de l’État.

Il nous faut donc cou­vrir les dépens­es d’as­sur­ance-mal­adie oblig­a­toire. Nous pro­posons de les financer par une com­bi­nai­son de coti­sa­tion d’as­sur­ance et d’im­pôt de sol­i­dar­ité, la pro­por­tion de l’une ou de l’autre ayant un car­ac­tère haute­ment politique.

Une cotisation d’assurance

Pour pou­voir être rem­boursée de ses dépens­es de san­té, toute per­son­ne appar­tenant à la pop­u­la­tion déter­minée par les pou­voirs publics doit oblig­a­toire­ment souscrire un con­trat d’as­sur­ance auprès d’une insti­tu­tion d’as­sur­ance san­té agréée (Voir p. 27). Elle la choisit libre­ment et les insti­tu­tions sont en con­cur­rence. Le con­trat souscrit peut être indi­vidu­el ou collectif.

Nous pré­con­isons que désor­mais les employeurs versent à leurs col­lab­o­ra­teurs, en plus de leur salaire, la total­ité de la part salar­i­ale et patronale cor­re­spon­dant à la san­té soit env­i­ron 20 % du salaire net en plus. Ensuite, les indi­vidus paient eux-mêmes directe­ment leurs coti­sa­tions d’as­sur­ance santé.

18 % du salaire moyen des Français

Ces coti­sa­tions doivent être d’un ordre de grandeur équiv­a­lent pour cha­cun, quel que soit son revenu, les dif­férences pou­vant résul­ter de la con­cur­rence entre les insti­tu­tions et du choix indi­vidu­el d’ac­cepter une fran­chise, ou une poli­tique de préven­tion par exem­ple. À titre d’ex­em­ple, les coti­sa­tions d’as­sur­ance san­té pour­raient représen­ter de l’or­dre de 18 % du salaire moyen des Français. Ceux dont le salaire est plus élevé paieraient donc moins qu’au­jour­d’hui. Ceux dont le salaire est inférieur au salaire moyen paieraient plus, ce qui est con­traire à l’équité recher­chée. Les bas revenus se ver­raient donc attribuer une aide per­son­nal­isée d’au­tant plus impor­tante que leurs revenus sont faibles. Cette aide san­té serait payée par l’É­tat, soit à la per­son­ne, soit directe­ment à l’in­sti­tu­tion qui l’as­sure. Cette aide con­stituerait une par­tie de la solidarité.

L’ensem­ble de ces coti­sa­tions, col­lec­tées par les insti­tu­tion­nels de la san­té, cou­vri­raient les dépens­es de san­té jusqu’à un cer­tain seuil (voir ci-après) et pour­raient don­ner lieu à des démarch­es de responsabilisation.

Ces insti­tu­tions d’as­sur­ance san­té, en con­cur­rence, auront tout intérêt à bien coor­don­ner la chaîne de soins, à exiger de la qual­ité de la part des étab­lisse­ments et des pro­fes­sion­nels de la san­té, en bref, à nous main­tenir en « bonne santé ».

Il n’en reste pas moins qu’il faut met­tre au point un sys­tème de sol­i­dar­ité pour traiter des énormes iné­gal­ités face à la mal­adie, aux­quelles nous sommes confrontées.

Un impôt de solidarité

Il en existe déjà un : il s’ap­pelle la CSG. Il représente aujour­d’hui 5,1 % (plus les 2,9 % au titre du RDS) de l’ensem­ble des revenus de chaque Français et ne pénalise pas les entre­pris­es et le tra­vail et per­met que la con­tri­bu­tion des rich­es soit beau­coup plus élevée que celle des pau­vres. Faut-il un impôt sup­plé­men­taire de sol­i­dar­ité ? Aux pou­voirs poli­tiques à décider.

Les sommes, col­lec­tées à ce titre, auront deux destinations :

- pay­er l’aide per­son­nal­isée san­té à ceux dont la coti­sa­tion d’as­sur­ance san­té est plus élevée que celle qu’ils paient et que l’employeur paie pour leur compte aujour­d’hui. Cela con­stitue une sol­i­dar­ité par rap­port aux dis­par­ités de salaire ;
— pay­er aux insti­tu­tions d’as­sur­ance san­té les « sur­dépens­es » occa­sion­nées par les risques lourds que représen­tent cer­tains de leurs clients. Il fau­dra fix­er le seuil de dépens­es san­té par indi­vidu (30 000 euros de dépens­es annuelles ? 50 000 ? 80 000 ?) qui déclenchera le com­plé­ment de rem­bourse­ment par l’É­tat aux insti­tu­tions d’as­sur­ance santé.

Cela aura le mérite de banalis­er les affec­tions de longue durée (ALD) qui aujour­d’hui voient leurs dépens­es rem­boursées à 100 % avec exonéra­tion du tick­et mod­éra­teur, même si ceux qui en sont atteints ont les moyens de pay­er et si leur mal­adie ne requiert plus de soins coû­teux, alors qu’a con­trario cer­taines mal­adies ne relèvent pas d’une ALD alors que les malades atteints enga­gent d’énormes dépens­es qui ne relèvent pas du 100 %. Là, nous sommes dans le domaine de la sol­i­dar­ité face à la maladie.

Le mon­tant total de la CSG pour­rait être vari­able en fonc­tion des résul­tats de l’an­née précé­dente. Le cahi­er des charges pour­rait prévoir qu’une frac­tion des excé­dents réal­isés, soit par les insti­tu­tions d’as­sur­ance, soit par la CSG, pour­rait être con­sacrée au finance­ment d’opéra­tions de prévention.

« Ce sys­tème ne devait être qu’un pre­mier pas pour une pop­u­la­tion trop fruste économique­ment pour com­pren­dre que cha­cun doit cotis­er con­tre la mal­adie et le chô­mage et pour sa retraite. Aus­si ai-je d’abord obligé les patrons à assur­er les inscrip­tions et la plus grande par­tie des cotisations.
Puis les modal­ités auraient dû bas­culer pro­gres­sive­ment au cours des décen­nies jusqu’à ce que cha­cun assume en total­ité ses respon­s­abil­ités en coti­sant comme il veut et quand il veut à une caisse cen­trale d’État par exem­ple, sans que les patrons ne prélèvent plus rien des salaires, paies ou mêmes sol­des pour les mil­i­taires, et n’assument que ce qui leur revient de toute façon : les assur­ances con­tre les acci­dents du travail.
Ain­si n’aurait-on plus à dis­cuter indéfin­i­ment de la nature des activ­ités de cha­cun ni de l’inclusion des primes ou indem­nité dans la retraite, etc. Naturelle­ment, les chômeurs doivent être tou­jours sec­ou­rus par l’État et les sommes ver­sées par cha­cun pour sa sécu­rité doivent-elles être inté­grale­ment défis­cal­isées puisqu’elles ne sont pas des revenus disponibles. »
 
GÉNÉRAL DE GAULLE
(Extrait de Philippe de Gaulle – Mémoires acces­soires, 2000)

Impliquer la totalité des acteurs sans en créer de nouveaux

Notre sys­tème d’as­sur­ance-mal­adie oblig­a­toire est né après la Deux­ième Guerre mon­di­ale. Il a extra­or­di­naire­ment rem­pli son rôle, mais depuis de nom­breuses années, il est à bout de souf­fle, et les évo­lu­tions à la marge qui ont été réal­isées n’ar­rivent plus à enray­er les dérives tant en qual­ité qu’en coût.

Certes, ce que je viens de décrire est une vaste réforme qui implique la total­ité des acteurs.
Elle a l’a­van­tage de ne pas en créer de nou­veaux, de respon­s­abilis­er cha­cun sur ses domaines de com­pé­tence, de créer une véri­ta­ble con­ver­gence d’in­térêt. Et surtout de préserv­er trois principes aux­quels nous sommes attachés :

- la lib­erté de con­som­mer de la san­té pour chacun,
— la lib­erté de pre­scrire des professionnels,
— le rôle poli­tique de l’É­tat tant en matière de principe que d’é­val­u­a­tion et de contrôle.

Pour être faite, cette réforme néces­site une large cam­pagne d’ex­pli­ca­tion et du courage poli­tique. Le temps presse.

2 Commentaires

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Nico­las BALESTATrépondre
20 juin 2018 à 21 h 45 min

L’as­sur­ance mal­adie
Mer­ci, intéres­sant, même si le titre fait est un peu fort

François-Xavierrépondre
30 mars 2020 à 14 h 56 min

Mer­ci pour l’ar­ti­cle ! Si vous pou­vez nous con­seiller com­ment com­mencer une assur­ance mal­adie en Afrique et com­ment trou­ver le finance­ment, vu que les pop­u­la­tions n’ont pas assez de revenus et que les Etats con­tribuent peu aux impôts de sol­i­dar­ité, et que les coti­sa­tions de la part des béné­fi­ci­aires res­teront insignifi­antes s’il faut tenir compte que le coût de la mal­adie en Afrique dépend des indus­tries phar­ma­ceu­tiques étrangères, où tout est cal­culé en devise.

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