C. MONTEVERDI : ORFEO

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°652 Février 2010Par : Dietrich Henschel, Les Arts Florissants, William ChristieRédacteur : Marc Darmon (83)

Quel autre thème que celui du pou­voir de la musique sur toutes les forces, y com­pris les Enfers, aurait pu être le sujet de l’opéra ori­gi­nel ? En effet l’Orfeo de Mon­te­ver­di est consi­dé­ré comme le pre­mier opé­ra de l’histoire (même si les puristes tiennent l’Euri­dice de Peri, de cinq ans plus vieux, pour le tout pre­mier, d’ailleurs sur le même sujet). Ce sujet (Orphée va cher­cher son amour Eury­dice dans les Enfers) a depuis été repris par de très nom­breux com­po­si­teurs, dont bien sûr Gluck et Haydn, jusqu’à Offen­bach qui en fit une fameuse paro­die, puis Stra­vins­ki et Darius Milhaud.

Coffret Opéra ORFEO par les Arts FlorissantsJoué à la cour de Man­toue en 1607, Orfeo est une œuvre très riche qui mélange réci­ta­tifs expres­sifs et airs poi­gnants ou entraî­nants. Nous avons une chance inouïe de dis­po­ser en DVD de l’interprétation de cet opé­ra, dans la mise en scène de Pier Lui­gi Piz­zi, par Les Arts Flo­ris­sants, diri­gés depuis trente ans par William Christie.

Cette pro­duc­tion de 2008 à Madrid est, à voir, une mer­veille. Le grand esthète Pier Lui­gi Piz­zi a pla­cé la scène devant le palais ducal de Man­toue, avec une scé­no­gra­phie, des décors et des cos­tumes du xviie. L’orchestre est devant la scène, très visible, et en cos­tume d’époque éga­le­ment (W. Chris­tie aus­si), mon­trant de superbes ins­tru­ments anciens (luth, théorbes, cuivres natu­rels des Sacque­boutiers de Tou­louse). L’ensemble est d’un effet visuel très mar­quant. William Chris­tie dirige depuis les cla­viers (orgue et cla­ve­cin), consi­dé­rant que, l’œuvre étant consti­tuée majo­ri­tai­re­ment de réci­ta­tifs, il doit accom­pa­gner constam­ment les chanteurs.

Par­mi les chan­teurs, don­nons une men­tion spé­ciale à Die­trich Hen­schel, magni­fique Orfeo, très théâ­tral. Ce bary­ton, spé­cia­liste de musique contem­po­raine, est connu pour ses inter­pré­ta­tions des rôles-titres de Car­dillac d’Hindemith, Faust de Buso­ni, Karl V de Kre­nek ou Woz­zeck de Berg. Il explique que chan­ter Mon­te­ver­di est reve­nir à la base du chant, et ne consi­dère pas comme anti­no­mique de chan­ter Orfeo et Woz­zeck. Comme au xviie siècle, une seule chan­teuse, Maria Gra­zia Schia­vo, cumule les rôles de la musique qui ouvre l’opéra, de Pro­ser­pine et natu­rel­le­ment d’Eurydice.

Par ailleurs, la qua­li­té des images et du son nous per­met de pro­fi­ter plei­ne­ment du côté excep­tion­nel de cette pro­duc­tion. Des nom­breuses œuvres lyriques de Mon­te­ver­di, toutes sur des sujets de l’Antiquité (Ariane, Andro­mède, Pro­ser­pine, Énée), seuls trois opé­ras com­plets nous sont par­ve­nus, ché­ris par les ama­teurs. Piz­zi mon­te­ra éga­le­ment Le Cou­ron­ne­ment de Pop­pée et Le Retour d’Ulysse (autre rôle fameux de D. Hen­schel) d’ici fin 2010. Sou­hai­tons qu’ils soient filmés.

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