Avant-propos de Yann Arthus-Bertrand

Dossier : Croissance et environnementMagazine N°627 Septembre 2007
Par Yann ARTHUS-BERTRAND

La Con­ven­tion des Nations Unies sur le Cli­mat a quinze ans, le Pro­to­cole de Kyoto dix ans déjà. D’un côté, on sait que ce sera insuff­isant pour échap­per aux con­séquences des change­ments cli­ma­tiques. De l’autre, on a trop longtemps douté de la réal­ité du réchauf­fe­ment cli­ma­tique. C’est pour cela que j’ai soutenu la dif­fu­sion du film d’Al Gore Une Vérité qui dérange, en obtenant qu’il soit pro­jeté à Paris devant les par­lemen­taires français en présence de l’an­cien vice-prési­dent améri­cain, con­sid­érant que nos poli­tiques étaient à la traîne. 


Feuil­lages d’automne dans la province de Neuquén, Argen­tine (40°55′ S – 71°37′ O).
Au sud de la province de Neuquén, les Andes sont surnom­mées la « Suisse argen­tine » pour leurs paysages rap­pelant les Alpes. Cette forêt tem­pérée, unique en Amérique latine, s’étend plus par­ti­c­ulière­ment sur le Chili voisin. Enchâssée entre le désert d’Atacama au nord et la pam­pa à l’est, bor­dée par l’océan à l’ouest, c’est une île végé­tale qui présente un endémisme excep­tion­nel : près de 90 % des espèces de plantes qu’on y trou­ve ne poussent nulle part ailleurs. À la diver­sité des essences s’ajoute la beauté des com­po­si­tions autom­nales, où le rouge flam­boy­ant des hêtres tranche avec le vert som­bre des résineux. Mais les deux pays du cône améri­cain ont déjà per­du près de la moitié de ces boise­ments. En Argen­tine, la forêt naturelle est sou­vent rem­placée par des mono­cul­tures de pin ou d’eucalyptus. Forte­ment appau­vries sur le plan biologique, les forêts plan­tées sont alors plus frag­iles aux mal­adies et autres per­tur­ba­tions. Dans cer­tains pays, ce type de sylvi­cul­ture con­tribue néan­moins à frein­er la déforesta­tion sauvage, et égale­ment à pro­téger les sols de l’érosion.

J’ai salué les con­clu­sions du rap­port de l’é­con­o­miste Nicholas Stern qui mon­trent que lut­ter con­tre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique coûtera beau­coup moins cher que le réchauf­fe­ment cli­ma­tique lui-même. Puis, il y a eu en févri­er 2007 la pub­li­ca­tion du qua­trième rap­port du Groupe d’ex­perts inter­gou­verne­men­tal sur l’évo­lu­tion du cli­mat (GIEC) dont les con­clu­sions sont uni­vo­ques. Non seule­ment, nous ne pou­vons plus nous per­me­t­tre de douter de la réal­ité du change­ment cli­ma­tique mais nous avons peut-être moins de dix ans si nous voulons échap­per aux con­séquences les plus dra­ma­tiques. Face au juge­ment de l’his­toire, nous ne pou­vons con­damn­er les généra­tions futures mais aus­si nous-mêmes désor­mais à vivre sur une planète chaude, sèche, inondée, affamée… 

La pre­mière fois que j’ai enten­du par­ler de développe­ment durable — c’é­tait en 1992 -, il m’a sem­blé alors que c’é­tait une notion abstraite, absente du ter­rain et très éloignée de mes préoc­cu­pa­tions immé­di­ates. Aujour­d’hui, je sais que cette expres­sion porte en elle un véri­ta­ble human­isme, que nous sommes nom­breux à nous rejoin­dre sur ce pro­jet de change­ment et que les solu­tions exis­tent. La recherche peut nous aider à déter­min­er ce qui est pos­si­ble, tech­nique­ment, économique­ment, sociale­ment. C’est notam­ment le rôle des ingénieurs que vous êtes. C’est un for­mi­da­ble défi à relever. Et je suis heureux de pou­voir apporter ma vision de pho­tographe aux arti­cles de ce numéro de La Jaune et La Rouge.

Pour autant il ne faut pas croire que la sci­ence seule pour­ra tout résoudre. C’est col­lec­tive­ment que nous sauverons notre planète. Prenons con­science que c’est à cha­cun d’en­tre nous d’a­gir dès main­tenant dans nos façons de vivre, dans nos métiers, dans nos villes, dans nos cam­pagnes. Don­nons un sens à nos actions quo­ti­di­ennes. Il en est temps. 

www.yannarthusbertrand.com
www.goodplanet.org
www.actioncarbone.org

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