Équipe AlloHouston

AlloHouston : créer des produits numériques sur mesure

Dossier : TrajectoiresMagazine N°772 Février 2022
Par Hervé KABLA (84)

En 2016 Aurélien Debacq (2008) a cofondé Allo­Hous­ton, société qui est spé­cial­isée dans la com­préhen­sion des besoins infor­ma­tiques busi­ness-méti­er et la réal­i­sa­tion des solu­tions qui y répon­dent, en accom­pa­g­nant le client de bout en bout. L’idée est qu’il n’y a pas besoin de cahi­er des charges ; le four­nisseur par­le le lan­gage opéra­tionnel du client, l’aide à choisir son cap et réalise tous les aspects liés à la tech­nique (rela­tions DSI, con­trac­tu­al­i­sa­tion, développe­ment, mise en ser­vice, main­te­nance, suivi).

Quelle est l’activité de AlloHouston ? 

Notre cœur de méti­er, c’est de con­cevoir, de con­stru­ire et de met­tre en appli­ca­tion des pro­duits numériques sur mesure, pour aider les entre­pris­es à mieux fonc­tion­ner (revoir les proces­sus métiers) ain­si que pour les aider à innover (lancer de nou­veaux ser­vices). Notre vision du marché de la trans­for­ma­tion numérique, c’est qu’on promet aux entre­pris­es monts et mer­veilles depuis des années, en leur dis­ant qu’elles seront plus effi­caces, plus rapi­des, plus inno­vantes, etc. Mais en réal­ité elles n’en voient pas encore les béné­fices, parce qu’il leur manque la capac­ité à fournir à cha­cun de leurs métiers les moyens numériques spé­ci­fiques qui leur per­me­t­tront de se trans­former et d’innover.

Excel a été un for­mi­da­ble accéléra­teur de busi­ness, mais il a atteint ses lim­ites. Pour pass­er à la vitesse supérieure, les entre­pris­es ont besoin de s’équiper d’une mul­ti­tude de pro­duits numériques, un mix d’outils dévelop­pés sur mesure et de logi­ciels stan­dard. Et, pour fournir la meilleure solu­tion à chaque fois, il ne faut plus d’intermédiaire entre les util­isa­teurs et les développeurs : nous sommes tous des consultants-développeurs. 

Quel est le parcours des fondateurs d’AlloHouston ?

Nous sommes trois fon­da­teurs. Je suis entré à l’X en 2008 et ai suivi un MSc en Aero­space Engi­neer­ing en 4A, à Geor­gia Tech (Atlanta), suivi d’un MBA au Col­lège des ingénieurs. J’y ai ren­con­tré mes deux asso­ciés, Guil­laume Macherey passé par Supélec et Geor­gia Tech et Vic­tor Par­poil passé par l’ENS Cachan et la North­west­ern Uni­ver­si­ty (Chica­go).

Avant de mon­ter notre entre­prise, nous nous sommes ren­con­trés au MBA, puis nous avons tra­vail­lé cha­cun dans son coin, moi-même en con­seil chez Renault Nis­san Con­sult­ing, ce qui m’a don­né plein d’idées. Guil­laume a aus­si fait du con­seil ; Vic­tor a été directeur des opéra­tions d’une société qui pro­po­sait une solu­tion SaaS sur un marché de niche. 

Comment t’est venue l’idée ?

Plus que l’idée, c’est une con­jonc­tion de fac­teurs qui nous a poussés à mon­ter notre struc­ture : nous formions une équipe, avec des valeurs et des envies com­munes, nous avons donc cher­ché une idée. Nous avons éval­ué plusieurs dizaines de busi­ness mod­èles, sur le trans­port, le bar à salade, etc. 

À un moment, il a fal­lu se lancer et nous avons créé une appli­ca­tion. Nous menions à l’époque dans nos métiers respec­tifs beau­coup d’ateliers col­lab­o­rat­ifs à base de post-it qui appor­taient de la valeur mais se finis­saient tou­jours tard le soir par la réal­i­sa­tion d’un joli Pow­er­Point. Nous avons donc indus­tri­al­isé cela et pos­tulé avec cette solu­tion SaaS dans un accéléra­teur qui nous a recalés. Mais nous avons appris de cette expéri­ence et cela nous a per­mis de piv­ot­er et de traiter d’autres problématiques. 

Il y a cinq ans, dans les grands groupes, la mode était aux POC (proof of con­cept). Mais ils étaient sou­vent mal cal­i­brés, mal dévelop­pés, et ne don­naient en général lieu à aucune suite. Nous étions capa­bles, nous, de les réalis­er très rapi­de­ment, lors de mis­sions cour­tes, avec des ate­liers d’intelligence col­lab­o­ra­tive et quelques jours de développe­ment et de tests, l’idée étant de prou­ver la valeur puis de pass­er la main à une ESN (SSII) ou à la DSI du client. 

Mais nous avons vite réal­isé que les clients ne voulaient pas chang­er de parte­naire et nous demandaient d’assurer les évo­lu­tions, la main­te­nance et le suivi, car nous avions bien com­pris le prob­lème et le méti­er. C’est ce que nous pro­posons main­tenant : un accom­pa­g­ne­ment de l’idée à la mise en place du proces­sus ou du ser­vice idéal et la main­te­nance de la solu­tion tech­nique asso­ciée. Le tout fourni bien sûr par une seule et même per­son­ne : le consultant-développeur !

Qui sont les concurrents ? 

Les prin­ci­paux con­cur­rents d’AlloHouston, ce sont les ESN, desquelles on essaie de se démar­quer, ain­si que les agences d’innovation, par­fois adossées à de grands cab­i­nets de con­seil. Notre approche con­sul­tant-développeur est sin­gulière. Les ESN pro­posent le plus sou­vent des équipes com­plètes, avec un chef de pro­jet, des con­sul­tants et des développeurs : un scrum mas­ter, un data sci­en­tist, un développeur front, un développeur back, etc. Bref, rien de vrai­ment léger par rap­port à nous. 

De nou­veaux con­cur­rents émer­gent avec un nou­v­el univers d’outils devenus très à la mode : les solu­tions no code. De nos jours, la tech­nolo­gie est dev­enue plus sim­ple, plus facile à met­tre en œuvre. Mais avec le no code c’est encore plus sim­ple, on peut con­stru­ire des applis en drag and drop. Nous util­isons aus­si ces out­ils lorsque cela est pos­si­ble sur nos pro­jets. Enfin, il y a la con­cur­rence des solu­tions SaaS très spé­cial­isées, sur cer­taines prob­lé­ma­tiques. Dans pareil cas, nous recom­man­dons au client de par­tir sur le pro­duit adapté. 

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

La société a été créée en août 2016. Le lance­ment s’est effec­tué sur le sec­ond semes­tre 2016, avec deux pro­jets pour Renault. Puis nous avons effec­tué un pre­mier piv­ot qui con­sis­tait à expli­quer qu’il ne s’agissait pas unique­ment de com­pren­dre le prob­lème et de « cra­quer le prob­lème puis de pass­er la main », mais que nous devions pro­pos­er un accom­pa­g­ne­ment de bout en bout. 

En 2018–2019, nous avons ten­té de lancer une start-up fac­to­ry et de créer des pro­duits SaaS fondés sur des pro­duits créés pour cer­tains clients, puis nous nous sommes recen­trés sur ce que nous savions faire de mieux : créer des pro­duits numériques sur mesure ; et nous avons for­mal­isé notre méthodolo­gie en 6 étapes à ce moment. D’où le change­ment de nom de la société en 2018. 

La crise Covid a freiné notre crois­sance, car nous n’étions pas struc­turés dans le domaine com­mer­cial. Cela nous a mal­gré tout per­mis de con­stru­ire la vision qui est la nôtre actuelle­ment, à savoir trans­former notre savoir-faire et notre expéri­ence en un pro­duit util­is­able par d’autres et for­mer des con­sul­tants-développeurs chez nos clients pour leur per­me­t­tre d’accélérer eux-mêmes leur trans­for­ma­tion numérique. 

L’enseignement de l’informatique en France est d’un bon niveau, mais le niveau des entreprises reste globalement faible. Pourquoi ? 

L’informatique est un domaine où il faut beau­coup tester, essay­er, par­fois se planter, mais où on réus­sit sou­vent de très belles choses en se lançant sans avoir prévu et en tes­tant de nou­velles tech­nos. Il faut oser, pren­dre des risques. C’est peut-être cela qui manque en France, aux niveaux tant de l’éducation que du pro­fes­sion­nel. Nous sommes suréquipés en con­nais­sances théoriques, mais man­quons sou­vent de sens pratique. 

Dans mon cur­sus à Geor­gia Tech, les étu­di­ants en mas­ter ne savaient en général pas résoudre d’équations dif­féren­tielles, mais avaient tous déjà lancé une fusée ou fait vol­er un avion minia­ture ! Il y a peut-être aus­si un effet « grosse entre­prise ». En France, elles se regar­dent pas mal le nom­bril, c’est dif­fi­cile de con­trac­tu­alis­er avec elles, alors que dans d’autres pays les PME et les ETI col­la­borent plus facile­ment à l’échelle d’un ter­ri­toire. Cela crée une osmose entre le savoir-faire des petites struc­tures et celui des plus grands groupes, au béné­fice des deux. 

Avec l’essor du no code, où va-t-on arriver ? 

Je ne fais pas de dif­férence entre l’essor du no code et l’évolution de la tech­nolo­gie en général. C’est le même type d’évolution que lorsqu’on fait aujourd’hui du big data sans être un expert du cal­cul dis­tribué. La chaîne de valeur, du développeur qui con­stru­it un out­il tech­no jusqu’à celui qui va l’utiliser via 12, 15 ou 20 couch­es d’abstraction plus tard, est en train de se couper en deux, entre ceux qui font des out­ils génériques et ceux qui savent les inté­gr­er. Par exem­ple, Wat­son sait résoudre plein de prob­lèmes dif­férents, mais ce n’est pas IBM qui se charge de la mise en œuvre. 

Des tech­nos très avant-gardistes sont déjà disponibles dans du no code. Pour moi, ça ne va pas chang­er le méti­er des gens qui utilisent des out­ils pour résoudre des prob­lèmes. Il y aura for­cé­ment des lim­ites à cela. Les out­ils seront plus per­for­mants, mais on ne pour­ra pas tout faire avec : il restera des pro­jets com­plex­es qui auront besoin d’équipes spé­cial­isées. La vitesse crois­sante est aus­si une fuite en avant : on met de l’IA dans du no code, alors que la plu­part des boîtes ne savent pas faire des appli­ca­tions col­lab­o­ra­tives cor­recte­ment construites. 

L’envie d’entreprendre est-elle née de la rencontre ou existait-elle auparavant ? 

Prob­a­ble­ment aupar­a­vant. Dès les États-Unis, au tra­vers des cours aux­quels j’ai assisté. Mais la ren­con­tre avec les deux asso­ciés a été un catal­y­seur. Cela m’a per­mis sur le plan per­son­nel de dévelop­per un début de cul­ture de la dif­férence, de ne pas m’inscrire dans un par­cours tout tracé. 

Sur le papi­er nous avons tous les trois des par­cours sim­i­laires, mais nous avons en pra­tique des regards très dif­férents. Guil­laume a un côté très créatif, alors que Vic­tor est très ana­ly­tique. Nous avons des sen­si­bil­ités dif­férentes. Vic­tor est le plus calé sur la tech, c’est presque le CTO, alors que je suis le plus intéressé par le conseil. 

Nous avons récem­ment fait un test de per­son­nal­ité avec un cab­i­net RH qui nous accom­pa­gne, et cela a con­fir­mé notre com­plé­men­tar­ité. Je ne conçois pas l’aventure de l’entrepreneuriat comme une aven­ture en solo, c’est très dif­fi­cile. On a besoin d’échanger sur tout, on a besoin de s’appuyer les uns sur les autres. Si je devais recom­mencer, je com­mencerais par chercher un ou deux cofondateurs.

Comment fait-on pour travailler avec une grosse boîte quand on est 3 ou 4 ? 

On entre par un inter­stice de la porte ou une petite fenêtre… Je tra­vail­lais chez Renault Nis­san Con­sult­ing au bon moment. Quand on a fait un pro­jet dans une société comme Renault, on a l’expérience souhaitée, on est sen­si­bil­isé aux sujets impor­tants pour l’IT des gross­es struc­tures, par exem­ple en matière de sécu­rité informatique. 

Il faut aus­si se faire référencer aux achats, ce n’est jamais sim­ple. Je ne sais pas s’il y a une recette, on y va « à la guerre comme à la guerre ». On a un client qui a un niveau de respon­s­abil­ité pour déblo­quer le bud­get, et ensuite on y va. Pour un gros pro­jet, Allo­Hous­ton a dévelop­pé la V1 en neuf semaines et on a mis onze mois pour faire valid­er le con­trat. Mais cela a aus­si des avan­tages que nous pou­vons met­tre en avant auprès d’autres clients : par exem­ple nos appli­ca­tions ont été auditées par Orange Busi­ness Ser­vices, avec des retours dithyrambiques. 

Dans une si petite structure ne manque-t-il pas un commercial ? 

Nous sommes en train d’en recruter un. Nous avons eu jusqu’à présent un développe­ment fondé sur nos réseaux per­so et pro, avec des gens qui nous con­nais­saient déjà, et nous faisons par­tie des mem­bres fon­da­teurs d’un lab­o­ra­toire d’innovation impul­sé par Renault. Cet écosys­tème nous a apporté pas mal de clients et de vis­i­bil­ité, mais main­tenant il faut accélér­er sur la par­tie com­mer­ciale. En par­al­lèle, nous tra­vail­lons sur notre mar­ket­ing, ce qui avait été un peu nég­ligé jusqu’à présent. 

Le con­texte actuel est assez par­ti­c­uli­er. Il y a un truc fon­da­men­tal qui m’a mar­qué depuis le début de la crise Covid ; dans le monde du busi­ness, on a besoin d’interactions et nous avons ressen­ti un ter­ri­ble manque d’échanges : aller à des con­férences, ren­con­tr­er des parte­naires poten­tiels, des gens qui nous recom­man­dent. Tout cela s’est écroulé en mars 2020, cela nous a pénal­isés et je suis sûr que ça pénalise beau­coup d’autres sociétés. Aujourd’hui, nous avons rejoint de nom­breuses com­mu­nautés en ligne, pour recon­stituer ce réseau­tage informel, et cela porte ses fruits. Créer son entre­prise, cela demande de sor­tir de sa zone de confort…


Pour en savoir plus : https://www.allohouston.fr/

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