Alain Bugat (68), ingénieur, chercheur et entrepreneur

Dossier : TrajectoiresMagazine N°743 Mars 2019
Par Jacques BONGRAND (68)
Par Henri CESBRON LAVAU (68)

Alain Bugat est décédé le 20 jan­vi­er 2019. Spé­cial­iste du monde nucléaire, il avait mené une car­rière remar­quable au ser­vice tant de la France que des techniques.

Notre cama­rade ne fai­sait pas la une des médias. Pour­tant, les hautes respon­s­abil­ités qu’il a exer­cées lui ont per­mis de servir deux enjeux majeurs pour la col­lec­tiv­ité nationale : la capac­ité énergé­tique et la dif­fu­sion des tech­nolo­gies de pointe. 

Un parcours diversifié et cohérent

Pas­sion­né par les sci­ences au tra­vers d’une excel­lente émis­sion de vul­gar­i­sa­tion qui précé­dait chaque same­di le tournoi des cinq nations, Alain a forgé très tôt sa voca­tion. À l’X, c’est encore le sport qui suiv­ait les études : sur les stades, il rival­i­sait en triple saut avec son cama­rade Gérard Mes­tral­let. Comme 39 élèves de la pro­mo­tion 1968, Alain Bugat rejoignit à la sor­tie de l’École le corps de l’armement récem­ment con­sti­tué et s’orienta vers le CEA.

Il y effec­tua un pre­mier par­cours d’une quin­zaine d’années à la direc­tion des appli­ca­tions mil­i­taires, entre­coupé d’un pas­sage de deux ans au min­istère de l’Industrie dans l’équipe d’un autre grand servi­teur de l’État, Louis Gallois.

Il entra ensuite à la société CISI Ingénierie, fil­iale du CEA, dont il devint directeur général. Puis revint au CEA pour occu­per de 1992 à 1999 le poste de directeur des tech­nolo­gies avancées. Il avait pour mis­sion de dif­fuser dans le tis­su indus­triel, notam­ment vers les petites et moyennes entre­pris­es, les con­nais­sances tech­nologiques acquis­es au titre des pro­grammes nucléaires. Il dirigea ensuite la société Tech­ni­catome qui avait pour activ­ités prin­ci­pales la pro­duc­tion et la main­te­nance des réac­teurs nucléaires de sous-marins et porte-avions de la Marine nationale. Il en élar­git l’activité aux travaux d’ingénierie et de con­cep­tion dans le domaine nucléaire civ­il. Il réal­isa notam­ment les bancs d’assemblage de l’A380 et fut chargé de la maîtrise d’ouvrage des nou­velles rames du métro MF 2000.

À la tête du Commissariat à l’énergie atomique

La recon­nais­sance des tal­ents d’Alain Bugat dans tous ces postes, tech­niques et de direc­tion, éta­tiques ou indus­triels, s’est traduite par sa nom­i­na­tion en 2003 au poste pres­tigieux d’administrateur général du CEA, renou­velée jusqu’en 2009. Ses prédécesseurs étaient pour la plu­part des ingénieurs généraux des Mines dont trois exer­cèrent plus tard des fonc­tions min­istérielles (Pierre Guil­lau­mat, André Giraud et Gérard Renon). 

Afin de mieux répon­dre aux pri­or­ités du moment, il s’agissait pour le CEA d’étendre ses activ­ités au-delà de la mis­sion d’origine assignée par le général de Gaulle en 1945 : la recherche en vue de l’utilisation de l’énergie nucléaire notam­ment pour la pro­duc­tion d’électricité et la défense. Alain Bugat a con­duit l’orientation vers les éner­gies non émet­tri­ces de gaz à effet de serre, les tech­nolo­gies de l’information et celles de la san­té. Sa réus­site dans cet élar­gisse­ment est illus­trée par le change­ment de nom annon­cé en 2009 par le prési­dent de la République, le CEA devenant « Com­mis­sari­at à l’énergie atom­ique et aux éner­gies alter­na­tives ». Elle n’est prob­a­ble­ment pas étrangère à une nou­velle mis­sion d’intérêt nation­al con­fiée au CEA en 2012, qui s’est con­crétisée par l’installation d’équipes régionales chargées d’accompagner les entre­pris­es dans leurs démarch­es d’innovation.

Des fonctions de direction au rayonnement intellectuel

À l’issue de son man­dat au CEA, Alain Bugat est par­ti vers une nou­velle aven­ture en par­tic­i­pant à la créa­tion de la société de con­seil, Nucad­vi­sor, au car­refour de ques­tions tech­niques, stratégiques et de sécu­rité. Il est act­if jusqu’au bout, puisqu’en 2018 ses parte­naires lui demandaient de pour­suiv­re encore au moins deux ans. Par­al­lèle­ment, il est élu en 2010 à l’Académie des tech­nolo­gies. Il en devient le prési­dent en 2015.

De grandes qualités humaines

Alain Bugat laisse le sou­venir d’un homme à la fois droit et direct, sim­ple et chaleureux. Il n’est pas indif­férent de se dire qu’en choi­sis­sant de pra­ti­quer le hand­ball à l’X, il mon­trait son goût pour l’action en équipe. Ceux qui l’ont con­nu savent com­bi­en il était atten­tif à sa famille. Et tel de ses cama­rades lui est encore recon­nais­sant de l’avoir aidé dans une péri­ode dif­fi­cile de son par­cours. Quant à sa tra­jec­toire dans la société, on ne peut s’empêcher de penser qu’elle a été mar­quée par une fidél­ité à la patrie et aux sci­ences et, quelle que fût la mod­estie de l’homme, empreinte de gloire.

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