Adrien Burlacot (X12)

Adrien Burlacot (X12), le phytoplancton dans le sang

Dossier : TrajectoiresMagazine N°784 Avril 2023
Par Jérôme BASTIANELLI (X90)

Adrien Burla­cot a été récem­ment dis­tin­gué par le mag­a­zine Forbes par­mi les « 30 Under 30 », com­pren­dre : les trente per­son­nal­ités de moins de trente ans qui pour­raient chang­er le monde.

« Il faut imag­in­er que la cel­lule d’une plante est comme une mai­son avec de grandes baies vit­rées, et la pho­to­syn­thèse comme une sorte de four à l’intérieur de cette mai­son, qui crée de la nour­ri­t­ure en trans­for­mant la lumière et le CO2 ambiant. Mais le ren­de­ment n’est pas très élevé : seule­ment 2 % du ray­on­nement solaire est ain­si util­isé. Pour les algues, ce taux monte à 5 %, parce qu’elles pos­sè­dent une sorte de “com­presseur” qui “pousse” le CO2 vers le “four”. Mes recherch­es por­tent sur ce mécan­isme et sur la pos­si­bil­ité de l’adapter aux plantes ter­restres, afin qu’elles syn­thé­tisent davan­tage de CO2. » Voilà résumé, en une image certes très sim­pli­fi­ca­trice, les travaux qu’Adrien Burla­cot mène à Stanford.

La magie du phytoplancton 

L’histoire qui con­duit à cette belle récom­pense appa­raît comme une sorte de long bal­ance­ment entre atti­rance et répul­sion pour la biolo­gie. Né à Riom de par­ents ingénieurs chez Miche­lin, Adrien Burla­cot com­mence à s’intéresser aux microalgues durant son ado­les­cence, après avoir été impres­sion­né par un doc­u­men­taire de Yann Arthus-Bertrand. Au lycée, il décide de con­sacr­er son pro­jet de recherch­es (le TIPE) aux bio­car­bu­rants : « C’était sym­pa­thique, mais en fait j’étais rebuté par la biolo­gie : je trou­vais les cours trop ency­clopédiques, par rap­port à ceux des sci­ences physiques qui me per­me­t­taient, eux, de mieux com­pren­dre le monde. »

Après deux années de pré­pa, l’une à Cler­mont-Fer­rand (lycée Blaise-Pas­cal), l’autre à Paris (lycée Stanis­las), c’est au cours du ser­vice mil­i­taire, effec­tué dans la marine, que le jeune homme est à nou­veau con­fron­té à la magie du phy­to­planc­ton. Mal­gré le mal de mer, il nav­igue dans le golfe de Guinée au titre de la mis­sion Corymbe et accom­pa­gne le pacha de son navire dans ses ren­dez-vous pro­to­co­laires. Mais ce n’est ni en mer ni dans les opu­lents palais min­istériels qu’il renoue avec la biolo­gie marine, non, c’est dans les bases de Toulon et de Brest, aux murs desquels sont accrochées de mag­nifiques pho­togra­phies de planc­ton : ce choc esthé­tique sera essentiel.

De par le vaste monde… 

À l’X, par curiosité, Adrien Burla­cot reprend des cours de biolo­gie, tra­vaille sur un pro­jet de bac­téries dévoreuses de plas­tique, envis­age même d’en étudi­er les appli­ca­tions pra­tiques au sein d’une start-up, mais les investis­seurs ne sont pas au ren­dez-vous. Il apprend alors que la King Abdul­lah Uni­ver­si­ty of Sci­ence and Tech­nol­o­gy accueille des sta­giaires poly­tech­ni­ciens. « J’aimerais étudi­er le phy­to­planc­ton de la mer Rouge », leur écrit-il, et le voici qui débar­que dans ce cam­pus ultra­mod­erne, forter­esse de savoir juchée entre le désert et un petit vil­lage de pêcheurs. Il passe alors des heures à étudi­er des microalgues (essayant de prou­ver, ce qui ne sera pas le cas, que la résis­tance des phy­to­planc­tons aux virus est pro­por­tion­nelle à leur taille) et décide de leur con­sacr­er la suite de sa carrière. 

In extrem­is, il renonce à un cur­sus de biotech­nolo­gie en Suède pour s’inscrire au mas­ter de biolo­gie des plantes de l’Université Paris-Saclay. « Je ne con­nais­sais rien sur les plantes, tout le monde se moquait gen­ti­ment de moi », se sou­vient-il. Mais qu’importe ? Il rat­trape vite son retard et peut rejoin­dre à Cadarache un lab­o­ra­toire spé­cial­isé dans ces microalgues qui lui sont chères. Il y fera sa thèse, sur les mécan­ismes de la photo­synthèse au sein de ces minus­cules com­posés aqua­tiques, puis, après un petit détour par l’université de Cal­i­fornie à Berke­ley, sera recruté par la Carnegie Insti­tu­tion pour mon­ter son lab­o­ra­toire et y men­er libre­ment ses recherches. 

Sauver le monde ? 

Face au défi que représente le dérè­gle­ment cli­ma­tique, on lui demande naïve­ment où il se situe, entre ceux qui pensent que la sci­ence sauvera le monde et ceux qui esti­ment que la décrois­sance est notre seule issue. « Il est tou­jours déli­cat de prévoir si des recherch­es sci­en­tifiques peu­vent débouch­er sur des solu­tions con­crètes, répond-il. Mais au moins elles per­me­t­tent de faire des choix éclairés : quelles plantes cul­tiv­er avec le meilleur ren­de­ment, dans le cli­mat que con­naî­tra Cler­mont-Fer­rand en 2050 ? » 

Quelles plantes cultiver avec le meilleur rendement, dans le climat que connaîtra Clermont-Ferrand en 2050 ?

Un dernier détail, plus per­son­nel. On lui demande ce que fait sa com­pagne, ren­con­trée pen­dant sa thèse. « Elle étudie aus­si les microalgues et leur capac­ité à trans­former l’azote atmo­sphérique en ammo­ni­um. Un prob­lème rel­a­tive­ment peu médi­atisé, mais encore plus impor­tant que celui du CO2 », répond-il en esquis­sant un sourire à la fois mali­cieux et confiant. 

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