Livraison de colis par drone

A la recherche d’un nouveau cadre juridique

Dossier : Les dronesMagazine N°718 Octobre 2016
Par Didier GAZAGNE

Ici sont abor­dées les évo­lu­tions juridiques néces­saires pour faire évoluer la régle­men­ta­tion. Ceci dans un cadre inter­na­tion­al, mais aus­si pour que la France puisse garder dans ce domaine l’a­vance qui a per­mis un essor indus­triel remar­quable. Il faut adapter le cadre aux nou­veaux usages, presta­tions de ser­vices et trans­port de per­son­nes et de marchandises. 

La néces­saire évo­lu­tion du cadre juridique de l’emploi des drones aériens civils présente des enjeux pour l’État.

Ceux-ci ont été iden­ti­fiés par un groupe de tra­vail sous l’autorité du Secré­tari­at général de la défense et de la sécu­rité nationale, dont les recom­man­da­tions ont été pub­liées dans un rap­port du 16 octo­bre 2015. 

REPÈRES

La France a été l’un des premiers pays à réglementer l’activité des drones aériens civils dès 2012, en se limitant aux usages professionnels. Depuis lors, le marché du drone civil a connu un développement important au bénéfice des opérateurs et une augmentation du nombre des survols de zones interdites ou sensibles, ainsi que des vols de drones en agglomération pouvant présenter des risques pour la sécurité publique.
Des incidents répétés au cours de l’année 2014 ont conduit les pouvoirs publics à faire évoluer le cadre juridique à partir de 2015.

DES ENJEUX POUR L’ÉTAT


Trans­port de col­is par drone. © FOTOLIA

Dans ce rap­port, le SGDSN a dressé trois constats : 

  • la néces­sité de faire évoluer la régle­men­ta­tion, et en par­ti­c­uli­er de respon­s­abilis­er davan­tage les télépi­lotes avec pour objec­tif de réduire les com­porte­ments à risques ou malveillants ; 
  • l’absence de moyens adap­tés pour détecter les usages malveillants ; 
  • et enfin le ren­force­ment de la coopéra­tion inter­na­tionale en vue d’une action coor­don­née vis-à-vis des instances telles que l’Organisation de l’aviation civile inter­na­tionale ou l’Union européenne. 

Le SGDSN a fait état de lacunes juridiques et capac­i­taires et iden­ti­fié des pistes d’évolutions du cadre juridique. 

UNE AMORCE D’ÉVOLUTION

Les deux arrêtés du 17 décem­bre 2015 (dits « Util­i­sa­tion » et « Con­cep­tion ») ont abrogé les deux arrêtés de 2012. Toute­fois, les grands principes sont inchangés. 

Les prin­ci­pales mod­i­fi­ca­tions con­cer­nent les modal­ités d’évolution en espace aérien con­trôlé civil : 

  • notam­ment la pos­si­bil­ité d’évoluer sans vue en espace aérien con­trôlé si un pro­to­cole d’accord a été établi entre le respon­s­able de l’activité et l’organisme de con­trôle de la cir­cu­la­tion aérienne ; 
  • l’extension du périmètre de cer­tains scénarios ; 
  • l’utilisation de drones à l’intérieur d’espaces clos et cou­verts, qui n’est plus soumise aux pre­scrip­tions de l’arrêté dit utilisation ; 
  • la sim­pli­fi­ca­tion de nom­breuses démarches ; 
  • et enfin le vol de nuit qui est ren­du pos­si­ble sur autori­sa­tion du préfet après avis de la Direc­tion de la sécu­rité de l’aviation civile. 

UNE PROPOSITION DE LOI

27 PROPOSITIONS

L’AESA a publié le 18 décembre 2015 un avis technique sur le concept d’opérations de drones. Cet avis inclut 27 propositions pour un cadre réglementaire centré sur les opérations et sur la manière dont les drones sont utilisés, plutôt que sur leurs caractéristiques.
L’avis distingue trois catégories d’opérations : ouvertes (faible risque), spécifiques (risque moyen) et certifiées (risque élevé), et définit, pour chaque catégorie, des exigences de sécurité en fonction des risques.

La propo­si­tion de loi (141) adop­tée en pre­mière lec­ture par le Sénat le 17 mai 2016, rel­a­tive au ren­force­ment de la sécu­rité de l’usage civ­il des drones civils, s’inscrit dans le pro­longe­ment des lacunes juridiques iden­ti­fiées par le SGDSN. 

La propo­si­tion met en place une stratégie reposant sur qua­tre piliers : 

  • l’obligation d’enregistrement en ligne des drones comme aux États-Unis ; 
  • la for­ma­tion des télépi­lotes d’aéromodèles ;
  • l’obligation d’information des util­isa­teurs par les fab­ri­cants de drones sur les con­di­tions d’utilisation en con­for­mité avec la régle­men­ta­tion en vigueur ; 
  • le sig­nale­ment élec­tron­ique et lumineux des drones. 

ADAPTER LE CADRE AUX NOUVEAUX USAGES

Le drone est un vecteur de trans­port pour des secteurs d’activité qui envis­agent de nou­veaux usages de plus en plus intel­li­gents et autonomes, mais aus­si un champ d’investigation pour le juriste qui s’interroge sur la régle­men­ta­tion, et en par­ti­c­uli­er sur les prob­lé­ma­tiques de respon­s­abil­ité résul­tant de l’usage de drones autonomes. 

L’Ehang 184, premier drone de transport de passagers
Pre­mier drone de trans­port de pas­sagers, l’Ehang 184, est au stade de vols d’essais. © EHANG

TRANSPORTER DES PERSONNES

Le pre­mier drone de trans­port de pas­sagers, l’Ehang 184, a été présen­té au Con­sumer Elec­tron­ics Show en 2016. Il est au stade des vols d’essais.

Néan­moins, on image aisé­ment avec l’évolution des tech­nolo­gies que cette nou­velle forme d’usage pour­rait se dévelop­per, compte tenu des avan­tages con­cur­ren­tiels qu’elle présenterait. 

PRESTATIONS DE SERVICES ET TRANSPORT DE MARCHANDISES

POUR RASSURER PETITS ET GRANDS

L’article 1er de l’arrêté du 15 décembre 2015 précise que « ses dispositions ne s’appliquent pas aux ballons captifs ni aux cerfs-volants ». Nos lecteurs pourront donc continuer à faire voler des cerfs-volants sur la plage sans autorisation préfectorale.

De nou­veaux usages des drones, dont cer­taines fonc­tions pri­maires sont autonomes, sont déjà testés en grandeur réelle. Compte tenu de l’état de l’art et des tech­nolo­gies disponibles, il ne s’agit pas encore de drones autonomes pour l’ensemble des fonc­tions, mais seule­ment de déporter le télépi­lotage à dis­tance d’une cinquan­taine ou d’une cen­taine de kilomètres. 

À titre d’exemple, une fil­iale du groupe La Poste pour­suit la phase de test d’un drone de livrai­son de col­is. Il en est de même des postes aus­trali­enne ou suisse. 

De nuit, un avion et un drone se croisent
Les drones devront pou­voir être opérés sans ségré­ga­tion de l’espace aérien, avec l’aviation habitée. © JAG_CZ / FOTOLIA

UN NOUVEAU CADRE RÉGLEMENTAIRE

Les drones possèdent un fort potentiel d’applications dans le domaine civil. Avec l’évolution des technologies et notamment lorsque les technologies de détection et d’évitement pourront être suffisamment miniaturisées pour être intégrées dans un drone avec un niveau de maturité suffisant, le cadre réglementaire devra nécessairement être adapté à ces nouveaux usages ainsi qu’aux évolutions technologiques.

DANS L’ESPACE AÉRIEN MONDIAL

La Com­mis­sion européenne a défi­ni une feuille de route en qua­tre péri­odes pour l’intégration des drones dans l’espace aérien européen, puis mon­di­al. De la deux­ième péri­ode (2014–2018) à la qua­trième (2024–2028), la Com­mis­sion a fixé des objec­tifs réglementaires. 

L’intégration des drones dans l’espace aérien mon­di­al non ségrégé ne sera pleine­ment réal­isée que durant la péri­ode 2024–2028. Dans cette qua­trième péri­ode du plan d’action, les drones devront pou­voir être opérés sans ségré­ga­tion de l’espace aérien, avec l’aviation habitée et en suiv­ant les mêmes procé­dures de ges­tion du traf­ic aérien, tout en assur­ant un même niveau de sécu­rité et de sûreté. 

Cette inté­gra­tion ne pour­ra se faire que lorsque les recherch­es stratégiques auront pu ren­dre disponibles les tech­nolo­gies nécessaires. 

C’est la rai­son pour laque­lle la feuille de route de la Com­mis­sion présente un plan de recherche stratégique iden­ti­fi­ant les exi­gences pour l’intégration des drones dans l’espace aérien non ségrégé, ain­si que les facil­i­ta­teurs tech­nologiques et opérationnels. 

Un drone survole la ville
Sur­vol d’une zone urbaine. © ICHOLAKOV / FOTOLIA

PLUS DE PEUR QUE DE MAL

La multiplication des incidents entre drones et avions de ligne inquiète. Un avion de la compagnie British Airways a heurté ce dimanche un objet supposé être un drone alors qu’il s’apprêtait à atterrir à l’aéroport Heathrow de Londres, a annoncé la police.
Le pilote de l’appareil en provenance de Genève « a rapporté à la police qu’il pensait qu’un drone avait heurté l’avion », a déclaré une porte-parole de la police de Londres. L’avion, avec 132 passagers et cinq membres d’équipage à bord, a atterri sans encombre (La Tribune.fr, 17 avril 2016).

UNE NOUVELLE RÉGLEMENTATION POUR LES DRONES COMMERCIAUX AUX ÉTATS-UNIS ÉTABLIE PAR LA FAA

L’administration fédérale de l’aviation américaine (FAA) vient d’adopter une nouvelle réglementation pour les drones commerciaux. Tout en assurant un niveau de sécurité important, cette nouvelle réglementation offre une flexibilité et ouvre la voie aux drones de livraison.
Depuis l’adoption de cette réglementation, la FAA prévoit pas moins de 600 000 drones commerciaux opérant aux États-Unis en 2017.

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