Le tiers de confiance qui interconnecte l’écosystème agricole et agroalimentaire

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°795 Mai 2024
Par Sébastien PICARDAT

Pla­te­forme d’intermédiation des don­nées agri­coles et agroa­li­men­taires, Agda­ta­hub se posi­tionne comme un tiers de confiance incon­tour­nable au ser­vice de l’interconnexion et de l’interopérabilité de ces data à une échelle fran­çaise et euro­péenne. Sébas­tien Picar­dat, direc­teur géné­ral, nous pré­sente la pla­te­forme, ses par­ties pre­nantes, sa valeur ajou­tée et ses pers­pec­tives de développement.

“L’enjeu d’Agdatahub est de permettre une meilleure valorisation des données agricoles et agroalimentaires afin d’améliorer le revenu de l’exploitant agricole en augmentant son chiffre d’affaires et/ou en optimisant ses charges d’exploitation.”

Agdatahub est une plateforme française d’échange de données agricoles. Qu’est-ce que ce positionnement implique ? Pourquoi avoir fait le choix de valoriser cette data agricole ?

Agda­ta­hub est, en effet, une pla­te­forme d’intermédiation de don­nées agri­coles et agroa­li­men­taires qui a la capa­ci­té à inter­con­nec­ter 400 000 exploi­ta­tions agri­coles avec leurs 85 000 par­te­naires, tout au long de la chaîne de valeur, de l’amont à aval. Ces par­te­naires sont essen­tiel­le­ment des coopé­ra­tives, des négo­ciants, des indus­triels agroa­li­men­taires, des chambres d’agriculture, des ins­ti­tuts tech­niques, des start-up et les col­lec­ti­vi­tés, mais aus­si l’État qui sou­haite avoir une meilleure visi­bi­li­té et com­pré­hen­sion des modes de pro­duc­tion agri­cole afin de pro­po­ser des ser­vices com­plé­men­taires aux exploi­tants agri­coles en termes de ges­tion éco­no­mique, tech­nique et envi­ron­ne­men­tale. Dans cette démarche, il s’agit aus­si de mieux valo­ri­ser les modes de pro­duc­tion à une échelle ter­ri­to­riale et de mettre en place une tra­ça­bi­li­té plus fine pour répondre aux besoins des agri­cul­teurs. L’enjeu d’Agdatahub est ain­si de per­mettre une meilleure valo­ri­sa­tion des don­nées agri­coles et agroa­li­men­taires afin d’améliorer le reve­nu de l’exploitant agri­cole en aug­men­tant son chiffre d’affaires et/ou en opti­mi­sant ses charges d’exploitation. La pres­ta­tion d’intermédiation de don­nées, qui est notre cœur de métier, est une nou­velle acti­vi­té qui a été iden­ti­fiée et enca­drée sur le plan régle­men­taire par le nou­veau règle­ment euro­péen Data Gover­nance Act, qui est entré en vigueur le 23 sep­tembre 2023. Cette acti­vi­té, qui vise donc à mettre en place des rela­tions entre les déten­teurs de don­nées et les uti­li­sa­teurs via un pres­ta­taire neutre, comme Agda­ta­hub, a été pla­cée sous la régu­la­tion de l’Arcep – Auto­ri­té de régu­la­tion des com­mu­ni­ca­tions élec­tro­niques, des postes et de la dis­tri­bu­tion de la presse – en France. Agda­ta­hub va offi­cia­li­ser son sta­tut d’intermédiaire de don­nées en se noti­fiant auprès de l’Arcep dès la pro­mul­ga­tion de la loi SREN – Sécu­ri­ser et Régu­la­ri­ser l’Economie Numé­rique – en mai.

Concrètement, qu’est-ce que Agdatahub ?

Nous sommes avant tout une pla­te­forme SaaS des­ti­née aux par­te­naires des agri­cul­teurs, qui sont à 80 % des PME et des TPE. Ces der­nières peuvent y accé­der moyen­nant un abon­ne­ment. Véri­table tiers de confiance, notre pla­te­forme d’intermédiation per­met ain­si de gérer de manière sécu­ri­sée des tran­sac­tions et la moné­ti­sa­tion des don­nées entre l’ensemble des par­ties pre­nantes. Pour exer­cer cette acti­vi­té d’intermédiation de don­nées, nous nous appuyons exclu­si­ve­ment sur des solu­tions tech­no­lo­giques sou­ve­raines fran­çaises afin de ne pas être sou­mis aux mesures et lois extra­ter­ri­to­riales amé­ri­caines, compte tenu de la cri­ti­ci­té et de la sen­si­bi­li­té des don­nées agri­coles. Nous tra­vaillons avec le Cloud d’Orange Busi­ness, IN Groupe (ancienne Impri­me­rie Natio­nale) pour les iden­ti­tés numé­riques et la solu­tion tech­no­lo­gique Dawex pour l’échange sécu­ri­sé de données.

À quels enjeux et problématiques répondez-vous ? Pouvez-vous nous partager des cas d’usage concrets ?

La don­née agri­cole, qui est mise à dis­po­si­tion des dif­fé­rents par­te­naires, doit per­mettre de créer et de gérer des cas d’usage concrets comme :
• La décar­bo­na­tion des filières agri­coles et agro-ali­men­taires ou com­ment l’agriculture peut contri­buer à cap­ter le car­bone dans les sols : les bonnes pra­tiques agri­coles en la matière, comme la pho­to­syn­thèse, per­mettent, par ailleurs, de géné­rer des cré­dits car­bone qui sont ensuite valo­ri­sés auprès d’entreprises qui opèrent dans le trans­port aérien ou rou­tier, l’énergie… Grâce à la don­née sécu­ri­sée issue des exploi­ta­tions agri­coles et leur trai­te­ment par des par­te­naires indus­triels, nous allons être en mesure de cer­ti­fier des cré­dits car­bone d’origine France ;
• La ges­tion des équi­pe­ments agri­coles : aujourd’hui, les mois­son­neuses-bat­teuses sont deve­nues de véri­tables objets connec­tés qui captent des don­nées télé­mé­triques sur le moteur, la consom­ma­tion de car­bu­rant… à des fins de main­te­nance pré­dic­tive et des don­nées métiers sur le ren­de­ment ou la qua­li­té de la récolte. Actuel­le­ment, l’agriculteur n’a pas for­cé­ment accès à ces don­nées qui peuvent être trans­mises sans son auto­ri­sa­tion par le construc­teur à des par­te­naires. Notre solu­tion va leur per­mettre de reprendre en main l’usage de leurs don­nées, de choi­sir avec qui ils veulent les par­ta­ger, pour quelle durée et quel usage… ;
• L’évolution des pra­tiques agri­coles pour s’adapter au chan­ge­ment cli­ma­tique, inté­grer les der­nières inno­va­tions en matière de trai­te­ment des mala­dies, de lutte contre les insectes et d’optimisation des pro­duits phy­to­sa­ni­taires : les tech­no­lo­gies du numé­rique cou­plées aux don­nées per­mettent, en effet, de faire des simu­la­tions ou des pré­dic­tions au ser­vice d’une meilleure uti­li­sa­tion et ges­tion de ces produits ;
• Le déploie­ment des poli­tiques publiques notam­ment la pla­ni­fi­ca­tion éco­lo­gique confor­mé­ment aux actions décrites dans la feuille de route France Nation Verte publiée par le Gou­ver­ne­ment en décembre dernier.

Quels sont les premiers retours des utilisateurs de votre plateforme ?

Nos clients et prin­ci­paux uti­li­sa­teurs sont donc les indus­triels, les groupes coopé­ra­tifs ou encore les chambres d’agriculture… Ces acteurs en rela­tion directe avec les agri­cul­teurs ont besoin d’accéder à leurs don­nées pour diverses rai­sons : opti­mi­sa­tion de leurs ser­vices et de leurs pro­duits, déve­lop­pe­ment de nou­velles solu­tions (météo connec­tée, ges­tion des par­celles, sui­vi des cultures ou des éle­vages, de la consom­ma­tion de l’eau)… Alors qu’une exploi­ta­tion agri­cole peut géné­rer plus d’une tren­taine de sources de don­nées dif­fé­rentes, notre pla­te­forme va les agré­ger et per­mettre à ces dif­fé­rents uti­li­sa­teurs de les exploi­ter, suite à l’autorisation préa­lable des agri­cul­teurs. Nous nous posi­tion­nons ain­si comme un tiers de confiance dans cet éco­sys­tème en garan­tis­sant un accès sim­pli­fié, sécu­ri­sé et trans­pa­rent à l’ensemble de ces données.
Début 2023, vous avez levé 4,8 mil­lions d’euros. Quelques mots sur cette levée de fonds et sur vos ambi­tions dans cette continuité.
Aujourd’hui, Agda­ta­hub est une SAS déte­nue à 55 % par la pro­fes­sion agri­cole au tra­vers d’une hol­ding qui réunit 30 par­te­naires, aux côtés des groupes InVi­vo et Avril, côté sec­teur pri­vé, et la Caisse des Dépôts et des Consi­gna­tions et IN Groupe, côté sec­teur public, à hau­teur de 45 %.
En paral­lèle, nous avons éga­le­ment béné­fi­cié du sou­tien de l’État au tra­vers du PIA 3 et de finan­ce­ments dans le cadre de France 2030. Ces fonds vont nous per­mettre de pour­suivre notre déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique et com­mer­cial, mais aus­si de gagner en visi­bi­li­té au sein des filières agri­coles et agroa­li­men­taires, de les sen­si­bi­li­ser à la ques­tion de l’intermédiation, de la cir­cu­la­tion et de l’usage des don­nées, mais aus­si de les accom­pa­gner et de les conseiller en amont de l’utilisation de la plateforme.

Votre ambition est aussi de devenir et de devenir l’intermédiaire européen officiel des données agricoles. Quelles sont donc les prochaines étapes pour Agdatahub ?

Agda­ta­hub est par­tie pre­nante d’un des deux pro­jets phares label­li­sés par l’association Gaia‑X qui défi­nit les stan­dards d’interopérabilité et contri­bue au déploie­ment des espaces de don­nées sec­to­riels en cohé­rence avec les objec­tifs de la Com­mis­sion euro­péenne. En paral­lèle, Agda­ta­hub est en charge de la coor­di­na­tion d’AgriDataSpace, un consor­tium euro­péen consti­tué de 15 par­te­naires repré­sen­tant 10 États membres, dont un des objec­tifs est de pré­fi­gu­rer le déploie­ment de l’espace de don­nées euro­péen dédié à l’agriculture et l’agroalimentaire.

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