Le système de guidage qui optimise la prise de décision chirurgicale

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Philippe SAUDEMONT

Créée début 2023, CELEOS adapte la spec­tro­mé­trie de masse, tra­di­tion­nel­le­ment uti­li­sée en labo­ra­toire de recherche, afin de mettre à la dis­po­si­tion des chi­rur­giens un sys­tème de gui­dage temps réel, visant à opti­mi­ser le retrait des tumeurs et, in fine, à réduire le risque de rechute pour les patients. Expli­ca­tions de son CEO, Phi­lippe Saudemont.

Qu’est-ce que CELEOS ? 

CELEOS conçoit un dis­po­si­tif médi­cal inno­vant de gui­dage du chi­rur­gien. La start-up est le fruit de 15 ans de recherche du Pr. Isa­belle Four­nier au sein du labo­ra­toire PRISM de l’Université de Lille. Ce labo­ra­toire est spé­cia­li­sé en spec­tro­mé­trie de masse, qui est une méthode uti­li­sée pour la recherche de bio­mar­queurs, la stra­ti­fi­ca­tion des patients ou encore l’étude des méca­nismes phy­sio­lo­giques. L’ambition de CELEOS est de faire de cette tech­no­lo­gie, matu­rée avec la SATT Nord, un outil qui puisse être uti­li­sé en bloc opé­ra­toire par un chi­rur­gien, notam­ment dans le cadre d’opérations de patients souf­frant de can­cer, afin de faire une mesure sans reti­rer ou détruire de tis­sus. Notre tech­no­lo­gie va per­mettre de faci­li­ter la mesure et de lever le doute opé­ra­toire avec pré­ci­sion pour réduire les risques de rechutes ou les opé­ra­tions trop lourdes pour les patients. Néan­moins, ce geste n’a pas voca­tion, pour le moment, à rem­pla­cer le diag­nos­tic ulté­rieur par le méde­cin pathologiste.

Avec votre technologie innovante, quels sont les besoins auxquels vous répondez ?

Un chi­rur­gien ne peut pas être cer­tain d’avoir reti­ré inté­gra­le­ment une tumeur, ce doute est une épée de Damo­clès pour les patients. Ce phé­no­mène s’explique par le fait que le chi­rur­gien n’a pas accès à de l’information sur l’état des tis­sus pen­dant l’opération. Au-delà, ces ana­lyses dites extem­po­ra­nées sont com­plexes à réa­li­ser pen­dant l’intervention, à cause de la contrainte tem­po­relle. Le chi­rur­gien est ain­si assez dému­ni dans sa prise de déci­sions et dépen­dant lar­ge­ment de la pré­sence ou de la dis­po­ni­bi­li­té des méde­cins patho­lo­gistes. À la suite de l’opération, il faut en géné­ral 3 à 4 semaines avant d’obtenir un diag­nos­tic défi­ni­tif posé par le patho­lo­giste qui confirme, ou non, que tout s’est bien pas­sé. Aujourd’hui, on estime que 20 à 30 % des chi­rur­gies doivent être reprises parce que la tumeur n’a pas été reti­rée com­plè­te­ment (ce chiffre monte à 45% dans le cas du can­cer œso­gas­trique). 

Comment solutionnez-vous cette problématique majeure ? Et pourquoi votre approche est-elle disruptive ? 

Sur le plan tech­no­lo­gique, nous conce­vons un dis­po­si­tif médi­cal qui s’appuie sur un laser infra­rouge avec des impul­sions très courtes. Le but est d’« exci­ter » les molé­cules d’eau à la sur­face des tis­sus qui sont alors vapo­ri­sés. Nous aspi­rons ces vapeurs pour les ame­ner dans un spec­tro­mètre de masse, qui génère un « spectre », c’est-à-dire une signa­ture carac­té­ris­tique de l’état phy­sio­lo­gique ou patho­lo­gique du tis­sus. 

Nous uti­li­sons des bases de don­nées de ces signa­tures, conte­nant des cen­taines de bio­mar­queurs, pour géné­rer des modèles de clas­si­fi­ca­tion grâce à l’apprentissage machine (conven­tion­nel ou pro­fond), ce qui nous per­met ensuite de don­ner au chi­rur­gien, en temps réel, un résul­tat de clas­si­fi­ca­tion avec un niveau de sen­si­bi­li­té et de spé­ci­fi­ci­té très éle­vé. 

L’innovation por­tée par CELEOS réside dans le fait que nous avons ren­du pos­sible l’utilisation de la spec­tro­mé­trie de masse dans des condi­tions opé­ra­toires sans avoir à mobi­li­ser l’expertise d’un spé­cia­liste de ce domaine ou d’un méde­cin patho­lo­giste pour l’interprétation des résul­tats obte­nus. D’ailleurs, l’ensemble des briques tech­no­lo­giques de notre solu­tion sont pro­té­gées par 3 bre­vets. Au-delà, notre sys­tème est minia­tu­ri­sable et peut, par exemple, être inté­gré à des endo­scopes ce qui va per­mettre éga­le­ment de cou­vrir dif­fé­rentes condi­tions chi­rur­gi­cales. D’ailleurs, une étude de mar­ché que nous avons réa­li­sée indique qu’il y a déjà plus de 20 chi­rur­gies dans 8 spé­cia­li­tés dif­fé­rentes qui pour­raient béné­fi­cier de notre technologie.

Quelles sont les prochaines étapes pour CELEOS ? 

En amont de la créa­tion début 2023, nous avions réa­li­sé une preuve de concept dans un bloc opé­ra­toire à la cli­nique vété­ri­naire Onco­vet, ain­si qu’une étude cli­nique sur 220 volon­taires sur l’analyse de la peau. Les quinze années de recherche qui ont per­mis de déve­lop­per la tech­no­lo­gie de CELEOS ont aus­si fait l’objet de 18 articles scien­ti­fiques. 

Nous avons lan­cé le déve­lop­pe­ment ins­tru­men­tal pour adap­ter cette tech­no­lo­gie au bloc opé­ra­toire et à une uti­li­sa­tion en cli­nique. Nous visons une entrée en phase cli­nique mi-2025 et une mise sur le mar­ché au plus tard début 2028 en Europe et aux États-Unis. Pour finan­cer notre déve­lop­pe­ment, nous recher­chons des fonds et sommes en dis­cus­sion avan­cée avec des fonds d’investissement régio­naux et des Busi­ness Angels. Avis aux inté­res­sés !  

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