Améliorer la survie et la qualité de vie des patients atteints de cancer en misant sur des biomarqueurs innovants et la biopsie liquide

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Valérie TALY
Par Magali DRONIOU

METHYS Dx conçoit et déve­loppe des tests inno­vants, hau­te­ment sen­sibles, faciles à uti­li­ser et à un coût com­pé­ti­tif pour un meilleur sui­vi des patients atteints de can­cers. Valé­rie Taly, pré­si­dente et CSO, et Maga­li Dro­niou, Direc­trice géné­rale de METHYS Dx, nous en disent plus.

METHYS Dx est la continuité de larges travaux de développement technologique impliquant différents acteurs du monde de la recherche. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Valé­rie Taly : En effet ! METHYS Dx, fon­dée en sep­tembre 2021, est le fruit de plus d’une dizaine d’années de recherches aca­dé­miques qui ont été réa­li­sées au sein de deux labo­ra­toires. Tout d’abord, le labo­ra­toire MEPPOT (méde­cine per­son­na­li­sée, phar­ma­co­gé­no­mique et opti­mi­sa­tion thé­ra­peu­tique, centre de recherche des Cor­de­liers, Paris) et le labo­ra­toire Gul­li­ver (ESPCI Paris), sous les tutelles de l’INSERM, du CNRS, de l’APHP, d’Université Paris Cité, de l’université PSL et de Sor­bonne Université.

Dans le cadre de ces tra­vaux de recherches, nous nous sommes concen­trés sur les déve­lop­pe­ments tech­no­lo­giques et notam­ment le déve­lop­pe­ment de stra­té­gies de détec­tion de l’ADN tumo­ral cir­cu­lant pré­sent dans les effluents bio­lo­giques tels que le sang ou les urines (Biop­sie liquide) pour le sui­vi des per­sonnes atteintes de can­cer. Pour ce faire, nous avons déve­lop­pé et vali­dé cli­ni­que­ment des bio­mar­queurs de méthy­la­tion qui per­mettent de détec­ter cet ADN tumo­ral cir­cu­lant avec un focus sur les can­cers diges­tifs (côlon esto­mac et pan­créas), gyné­co­lo­giques, et pulmonaires.

Dès 2015, le labo­ra­toire MEPPOT a tra­vaillé sur un pro­gramme de pré­ma­tu­ra­tion avec la SATT Erga­neo, qui a notam­ment co-finan­cé le déve­lop­pe­ment de nos pre­miers bio­mar­queurs pour les can­cers du pan­créas et de l’estomac. En 2017, nous avons noué une nou­velle col­la­bo­ra­tion avec la SATT et l’institut de recherche Ser­vier pour déve­lop­per des mar­queurs pulmonaires.

Afin de gagner en sen­si­bi­li­té de détec­tion de ces bio­mar­queurs par rap­port aux tech­no­lo­gies com­mer­cia­le­ment dis­po­nibles, nous nous sommes orien­tés vers une méthode de détec­tion inno­vante, ini­tia­le­ment déve­lop­pée au sein du labo­ra­toire Gulliver.

Nous avons ensuite été lau­réats du pro­gramme Start-up Fac­to­ry de la SATT Erga­neo, une étape clé qui nous a don­né les moyens de créer et struc­tu­rer la socié­té. Notre pro­jet a éga­le­ment béné­fi­cié d’un finan­ce­ment, en col­la­bo­ra­tion avec nos labo­ra­toires fon­da­teurs, de la région Ile-de-France, pour pour­suivre nos déve­lop­pe­ments tech­no­lo­giques et recru­ter notre direc­teur technique. 

À l’origine de l’entreprise, on retrouve 5 cofon­da­teurs : Valé­rie Taly, Pierre Laurent-Puig, Ben­ja­min Naya­gom, Yan­nick Ron­de­lez et Guillaume Gines. Maga­li Dro­niou a quant à elle rejoint METHYS Dx en avril 2023, et est éga­le­ment action­naire de la société.

Comment résumeriez-vous l’ambition de METHYS Dx ?

Maga­li Dro­niou : Le can­cer est un enjeu majeur de san­té publique avec une inci­dence et une mor­ta­li­té en constante aug­men­ta­tion. On estime qu’il y a près de 50 mil­lions de per­sonnes qui vivent avec un can­cer diag­nos­ti­qué au cours des 5 der­nières années. Notre prin­ci­pale ambi­tion est d’améliorer la sur­vie et la qua­li­té de vie de ces patients. Pour ce faire, nous tra­vaillons sur le déve­lop­pe­ment de tests sen­sibles, fiables et à un coût rai­son­nable pour offrir à tous un sui­vi per­son­na­li­sé et adap­té. Pour amé­lio­rer la qua­li­té de vie, il s’agit aus­si d’éviter aux patients des trai­te­ments qui ne sont pas néces­saires. Les bio­mar­queurs ont une valeur pré­dic­tive qui per­met, par exemple, de savoir assez rapi­de­ment si une chi­mio­thé­ra­pie est effi­cace ou non, et, in fine, pro­ba­ble­ment d’éviter des cycles lourds, dou­lou­reux et de nom­breux effets secondaires.

En quoi les tests développés par METHYS Dx sont-ils innovants ? 

M.D : L’innovation en ce qui concerne les tests déve­lop­pés par METHYS Dx repose pre­miè­re­ment sur les bio­mar­queurs spé­ci­fiques qui sont pro­té­gés par 5 bre­vets pour les­quels nous avons une licence d’exploitation exclu­sive. Nous sommes actuel­le­ment capables de détec­ter ces bio­mar­queurs en uti­li­sant une tech­no­lo­gie dis­po­nible com­mer­cia­le­ment (la PCR digi­tale). Nous déve­lop­pons éga­le­ment une nou­velle tech­no­lo­gie de détec­tion, basée sur la pro­gram­ma­tion molé­cu­laire, un outil de bio­lo­gie molé­cu­laire hau­te­ment inno­vant, dif­fé­rent de la PCR tra­di­tion­nel­le­ment uti­li­sée dans les labo­ra­toires. Elle va, en effet, per­mettre de détec­ter un grand nombre de mar­queurs à par­tir d’un seul et même échan­tillon du patient. On parle alors de mul­ti­plexage. L’ADN tumo­ral cir­cu­lant est pré­sent en quan­ti­té extrê­me­ment limi­tée dans le sang. Il est donc cru­cial de capi­ta­li­ser sur les échan­tillons afin de pou­voir tes­ter plu­sieurs élé­ments en une seule réac­tion. C’est une mani­pu­la­tion par­ti­cu­liè­re­ment com­plexe que les tech­no­lo­gies actuelles basées sur la PCR peuvent dif­fi­ci­le­ment faire, car elles ne sont pas faci­le­ment mul­ti­plexables. Et notre but est jus­te­ment de réus­sir à détec­ter un nombre plus impor­tant de bio­mar­queurs à par­tir d’une seule et unique réaction. 

Vos déve­lop­pe­ments et recherches peuvent donc ouvrir la voie à une détec­tion plus pré­coce des cancers… 

VT : Au niveau des appli­ca­tions de nos tech­no­lo­gies, à terme, nous visons aus­si la détec­tion de mala­dies rési­duelles. L’idée est, par exemple, de pou­voir déter­mi­ner si une chi­rur­gie a été effi­cace et d’adapter ain­si la chi­mio­thé­ra­pie à par­tir d’une biop­sie liquide. Aujourd’hui, il y a un réel manque d’outils pour affi­ner la détec­tion de mala­die rési­duelle, aider à la pres­crip­tion d’un trai­te­ment adap­té et suivre, à par­tir de là, l’évolution de la maladie. 

Pour des patients qui ont un can­cer pré­coce ou de plus petites masses tumo­rales, l’enjeu est d’augmenter encore la sen­si­bi­li­té cli­nique de nos tests grâce à nos déve­lop­pe­ments tech­no­lo­giques. Cette démarche per­met­trait de cibler plus de patients, de diag­nos­ti­quer des can­cers pré­coces et donc poten­tiel­le­ment les chances de sur­vie de ces patients. Cette acti­vi­té intense de R&D occupe actuel­le­ment 13 per­sonnes au sein de METHYS Dx !

Aujourd’hui, où en METHYS Dx ?

M.D : En capi­ta­li­sant sur la tech­no­lo­gie pré­cé­dem­ment citée et qui est com­mer­cia­le­ment dis­po­nible, nous avons com­men­cé à réa­li­ser des études fin 2022 pour des groupes phar­ma­ceu­tiques, des hôpi­taux…, notam­ment dans le cadre de leurs essais cli­niques. Le déve­lop­pe­ment de cette acti­vi­té démontre l’intérêt qui existe pour nos bio­mar­queurs ce qui conforte, bien évi­dem­ment, aus­si notre stra­té­gie de développement. 

Sur la nou­velle tech­no­lo­gie de détec­tion, nous sommes actuel­le­ment en phase de R&D, avec des avan­cées rapides. Nous avons d’ores et déjà des preuves de fai­sa­bi­li­té, notam­ment en matière de mul­ti­plexage éle­vé et sur des échan­tillons humains. Sur ce pro­jet à très forte valeur ajou­tée tech­no­lo­gique, nous avons, en outre, des col­la­bo­ra­tions avec des centres de recherche et d’autres acteurs clés du domaine ce qui accroît le poten­tiel de recherche.

V.T : Actuel­le­ment, nous avons un port­fo­lio en construc­tion de 8 bre­vets. METHYS Dx est, par ailleurs, copro­prié­taire d’un de ces bre­vets qui a été dépo­sé en juillet 2023. Ce port­fo­lio pour­rait rapi­de­ment s’élargir avec de nou­veaux déve­lop­pe­ments en cours. 

Nous sommes aus­si l’un des 10 lau­réats du Grand Prix i‑Lab 2023 pour notre pro­jet de kits de sui­vi de patients atteints de can­cers diges­tifs (esto­mac, côlon et pan­créas). Nous sommes par­ti­cu­liè­re­ment heu­reux et fiers de cette recon­nais­sance de notre éco­sys­tème. Au-delà, sur un plan finan­cier, nous béné­fi­cions de finan­ce­ments de Bpi­france et nous avons réa­li­sé un tour de finan­ce­ment au prin­temps 2023.

Nous nous diri­geons donc vers la mise en pro­duc­tion puis la com­mer­cia­li­sa­tion de nos pre­miers kits qui vont asso­cier les bio­mar­queurs et la tech­no­lo­gie actuel­le­ment dis­po­nible sur le mar­ché. En paral­lèle, nous accé­lé­rons le déve­lop­pe­ment de notre nou­velle tech­no­lo­gie asso­ciée à nos bio­mar­queurs pour lan­cer la com­mer­cia­li­sa­tion en 2026. Pour ce faire, nous recru­tons et envi­sa­geons de démé­na­ger afin de regrou­per toutes nos com­pé­tences sur un seul et même site. 

Dans cette continuité, quels sont vos enjeux ? 

V.T : Ils sont d’ordre tech­nique, com­mer­cial et finan­cier. Le mar­ché de la biop­sie liquide, qui per­met d’analyser des com­po­sants issus de la tumeur au sein d’effluents bio­lo­giques, comme le sang, est extrê­me­ment concur­ren­tiel et dyna­mique. Le seg­ment de la détec­tion de l’ADN tumo­ral cir­cu­lant, sur lequel METHYS Dx se posi­tionne, connaît notam­ment une crois­sance annuelle de 30 %. La biop­sie liquide en géné­ral béné­fi­cie, d’ores et déjà, d’un cadre pour le rem­bour­se­ment dans cer­tains pays. 

M.D : Sur ce mar­ché de la biop­sie liquide, on retrouve des acteurs qui pro­posent des tech­no­lo­gies plus au moins com­plexes à mettre en œuvre et/ou qui ont un coût éle­vé. METHYS Dx apporte une approche dif­fé­ren­ciante : une faci­li­té d’utilisation et d’interprétation, un coût com­pé­ti­tif et accep­table pour les sys­tèmes de san­té. Nous avons encore des déve­lop­pe­ments à réa­li­ser avant l’accès au mar­ché, et pour ce faire réa­li­sons une levée de fonds en 2024 afin d’accélérer notre déve­lop­pe­ment et la com­mer­cia­li­sa­tion de nos pro­duits. 

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