Le tiers de confiance qui permet de connecter les acteurs de la recherche scientifique au service de la médecine de précision

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Paul RINAUDO (E2019)

ADLIN se posi­tionne comme un tiers de confiance entre les acteurs publics de la recherche scien­ti­fique et les acteurs pri­vés du sec­teur de la san­té, qui capi­ta­lisent sur leurs tra­vaux de recherche afin de déve­lop­per les trai­te­ments de demain. Paul Rinau­do, CEO d’ADLIN Science, nous en dit plus.

Au cœur de votre positionnement, on retrouve la volonté de valoriser la recherche et l’innovation en santé. Comment cela se traduit-il ?

C’est bien plus qu’une ambi­tion, il s’agit là de notre rai­son d’être. Créée en 2021, ADLIN est une Entre­prise à Mis­sions et sa rai­son d’être est de « contri­buer à la valo­ri­sa­tion scien­ti­fique et éco­no­mique des tra­vaux de la recherche ». En effet, nous nous posi­tion­nons comme un tiers de confiance, un inter­mé­diaire, qui va faci­li­ter et sécu­ri­ser la struc­tu­ra­tion et le par­tage de la connais­sance, du savoir-faire et des don­nées géné­rées par les acteurs publics de la recherche vers la sphère pri­vée afin de leur don­ner les moyens d’innover en santé. 

Dans ce cadre, nous nous concen­trons donc sur la valo­ri­sa­tion scien­ti­fique en accom­pa­gnant les cher­cheurs à toutes les étapes de ce pro­ces­sus, depuis l’identification des pistes de recherches jusqu’à la publi­ca­tion et la struc­tu­ra­tion de ce savoir-faire afin de le rendre plus faci­le­ment acces­sible à des acteurs pri­vés qui contri­buent, quant à eux, à sa valo­ri­sa­tion économique. 

Aujourd’hui, ADLIN emploie une tren­taine de per­sonnes et a connu une très belle crois­sance en moins de trois ans. Près de la moi­tié de nos équipes sont des doc­teurs en bio­lo­gie molé­cu­laire, en bio-infor­ma­tique et en data science. ADLIN s’appuie sur une base Tech essen­tielle en déve­lop­pant une pla­te­forme digi­tale qui doit jus­te­ment per­mettre aux cher­cheurs de mener à bien leurs pro­jets de recherche, de struc­tu­rer les don­nées, et qui doit aus­si favo­ri­ser la mise en place de col­la­bo­ra­tions afin de nour­rir et de rendre encore plus per­ti­nente leur réflexion scientifique.


Lire aus­si : ADLIN Science : une socié­té à mis­sion et à impact au ser­vice de la recherche en bio­lo­gie moléculaire


Les chercheurs et les acteurs du monde de la recherche disposent d’ores et déjà d’outils digitaux qu’ils utilisent au quotidien. Qu’est-ce qu’ADLIN leur apporte en plus ? 

En effet, les cher­cheurs aus­si bien dans le domaine public que pri­vé ont des outils de ges­tion de pro­jet, de labo­ra­toire et d’analyses de plus en plus déve­lop­pés. Néan­moins, on constate que les cher­cheurs n’exploitent réel­le­ment que 15 à 20 % de leurs fonc­tion­na­li­tés. En paral­lèle, le prin­ci­pal enjeu de la science et de la recherche aujourd’hui est de réus­sir à faci­li­ter la col­la­bo­ra­tion entre les équipes grâce à des outils inter­con­nec­tés et inter­opé­rables. À par­tir de là, ADLIN, avec sa pla­te­forme, se posi­tionne comme une brique com­plé­men­taire qui va jus­te­ment per­mettre de connec­ter ces dif­fé­rents outils. 

Dans cette logique, nous accom­pa­gnons notam­ment le pro­jet Share4kids por­té par le Dr. Marie Cas­tets, qui nous tient par­ti­cu­liè­re­ment à cœur chez ADLIN. Ce pro­jet est finan­cé par l’INCa et a pour but de fédé­rer une par­tie de l’écosystème de can­cé­ro­lo­gie en France, soit plus de 17 ins­ti­tu­tions, une qua­ran­taine d’équipes et plus 400 cher­cheurs qui sou­haitent pou­voir col­la­bo­rer pour déve­lop­per une meilleure com­pré­hen­sion des méca­nismes d’apparition des patho­lo­gies en can­cé­ro­lo­gie pédia­trique. Nous met­tons à leur dis­po­si­tion notre pla­te­forme pour les aider à mieux gérer les pro­to­coles, mieux struc­tu­rer les don­nées afin qu’elles soient exploi­tables par l’ensemble des par­ties pre­nantes. Der­rière cet enjeu de valo­ri­sa­tion scien­ti­fique des recherches, il y a éga­le­ment un enjeu d’accès à des don­nées de qua­li­té par les bio­techs et labo­ra­toires phar­ma­ceu­tiques afin de pou­voir déve­lop­per des trai­te­ments et des médi­ca­ments adap­tés aux patients. À l’heure actuelle, pour trai­ter les enfants, on leur admi­nistre majo­ri­tai­re­ment les trai­te­ments déve­lop­pés pour des adultes après en avoir réduit la dose ce qui entraîne de nom­breux effets secon­daires, car les méca­nismes cel­lu­laires et molé­cu­laires des enfants sont très dif­fé­rents de ceux des adultes. Il y a là aus­si un enjeu d’accompagnement des équipes de recherche pour accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment de nou­veaux trai­te­ments adap­tés à des appli­ca­tions pédia­triques. Et pour ce faire, ADLIN se posi­tionne sur toute la chaîne de valeur dans l’accompagnement de cet éco­sys­tème grâce à notre pla­te­forme qui fait le lien entre toutes les par­ties prenantes.

Qu’en est-il du côté des acteurs privés ? Quels sont leurs besoins ?

Pour déve­lop­per des trai­te­ments et de nou­veaux médi­ca­ments, les acteurs pri­vés (bio­techs, labo­ra­toires phar­ma­ceu­tiques…) ont besoin d’avoir accès à ces don­nées qui émanent de la recherche et des hôpi­taux. Or les méthodes de par­tage actuelles ne sont pas adap­tées. Le « Data sha­ring » est confron­té à de nom­breuses dif­fi­cul­tés : le res­pect du RGPD, la tra­ça­bi­li­té des usages des don­nées, la valo­ri­sa­tion, et sur­tout le cadre éthique ren­dant la vente de don­nées un sujet extrê­me­ment sensible. 

Au sein d’ADLIN, nous déve­lop­pons un concept nova­teur de « Data visi­ting », offrant aux acteurs pri­vés la pos­si­bi­li­té d’avoir accès à l’analyse de don­nées, sans pour autant avoir la pro­prié­té ou même l’accès aux données. 

En tant qu’intermédiaire et tiers de confiance, notre rôle est donc de leur faci­li­ter l’accès, sous toutes ses formes, à ces don­nées struc­tu­rées pour qu’ils puissent accé­lé­rer et rendre encore plus per­ti­nents leurs déve­lop­pe­ments de médi­ca­ments et de traitements.

Il est éga­le­ment impor­tant de sou­li­gner l’importance de l’accès à l’expertise de la recherche, avant même l’exploitation des don­nées. L’innovation en san­té dépen­dant aujourd’hui d’efforts mul­ti­dis­ci­pli­naires, à la fron­tière entre la bio­lo­gie, l’informatique, les mathé­ma­tiques, la chi­mie, etc. (Poly­tech­nique en est un exemple par­fait !). Faci­li­ter l’accès à ces exper­tises autour d’une ques­tion scien­ti­fique pré­cise sera l’un des fac­teurs clés de pro­grès de demain.

Revenons plus particulièrement à votre outil, qui est la première plateforme digitale collaborative dédiée aux équipes de recherche. Que permet-elle d’accomplir ?

Cet outil col­la­bo­ra­tif a voca­tion à mieux struc­tu­rer les pro­jets scien­ti­fiques, depuis la ques­tion bio­lo­gique jusqu’à la publi­ca­tion. Cette struc­tu­ra­tion lon­gi­tu­di­nale des pro­jets est essen­tielle, car elle doit per­mettre à des bio­lo­gistes, des bio-infor­ma­ti­ciens et des data scien­tists de col­la­bo­rer dans un même envi­ron­ne­ment, de struc­tu­rer les don­nées afin d’en exploi­ter toute la valeur scien­ti­fique et de faci­li­ter la col­la­bo­ra­tion avec des acteurs externes autour de cette donnée. 

Aujourd’hui, il y a une perte de temps consi­dé­rable dans la chaîne de valeur, car les don­nées sont très mal struc­tu­rées, ce qui ralen­tit consi­dé­ra­ble­ment leur exploi­ta­tion. En paral­lèle se pose aus­si la ques­tion de l’amélioration de l’entraînement des modèles d’IA, une tech­no­lo­gie qui a un rôle clé à jouer en matière d’identification de nou­velles molé­cules, de déve­lop­pe­ment de bras syn­thé­tiques dans les essais cli­niques, l’IA Gene­ra­tive… Pour exploi­ter tout le poten­tiel de l’IA, les modèles doivent être entraî­nés sur des don­nées de qualité.

ADLIN est au cœur des réflexions autour de ces sujets stra­té­giques et co-coor­donne, par exemple, à la task force de France Bio­tech sur l’usage des don­nées en san­té. Si l’ensemble de l’écosystème est conscient de la néces­si­té vitale d’avoir accès à des don­nées struc­tu­rées, dans les faits, très peu d’acteurs s’intéressent de façon sys­té­mique à cet enjeu. Avec notre pla­te­forme, c’est un frein que nous ambi­tion­nons de lever en struc­tu­rant de manière sys­té­mique les don­nées de la recherche pour qu’elles puissent être uti­li­sées demain, entre autres, pour l’entraînement des modèles d’IA et le déve­lop­pe­ment de nou­veaux trai­te­ments. Dans cette démarche, il est impor­tant de sou­li­gner qu’ADLIN n’a jamais accès aux don­nées. Nous déployons donc notre pla­te­forme on-pre­mise ou dans le cloud de nos clients ce qui leur per­met de conser­ver la main sur leurs don­nées, mais aus­si de sécu­ri­ser tous les élé­ments qu’ils ne sont pas en mesure de par­ta­ger, notam­ment tout ce qui relève de leur pro­prié­té indus­trielle ou intel­lec­tuelle. Ils conservent ain­si le contrôle sur leurs don­nées, leurs codes et leurs algo­rithmes. Enfin, parce que nous nous posi­tion­nons comme un tiers de confiance, notre licence est gra­tuite pour les acteurs de la recherche. 

Comment avance votre déploiement ? Quelles sont les prochaines étapes ?

Depuis juin der­nier, la pla­te­forme est en phase de test au sien de l’Inserm afin de l’intégrer à leur envi­ron­ne­ment numé­rique et qu’elle puisse être acces­sible à l’ensemble des cher­cheurs de cet orga­nisme de recherche dans les pro­chains mois. Actuel­le­ment, une cen­taine de cher­cheurs de l’Inserm, qui tra­vaillent sur des thé­ma­tiques très dif­fé­rentes, testent jus­te­ment notre pla­te­forme afin d’en éva­luer la per­ti­nence au regard de leurs besoins. Elle est aus­si tes­tée par des cher­cheurs de l’Université Paris-Saclay, du Centre Lyon Bérard, du Centre de Recherches en Can­cé­ro­lo­gie de Tou­louse (CRCT). En paral­lèle, notre pla­te­forme est aus­si uti­li­sée par nos clients pri­vés, notam­ment des bio­techs, afin de digi­ta­li­ser leurs envi­ron­ne­ments de R&D pour struc­tu­rer leurs pro­to­coles et leurs don­nées et per­mettre ain­si leur analyse.

Au cours des trois der­nières années, nous avons démon­tré notre pro­po­si­tion de valeur et avons la volon­té forte de conti­nuer à mailler cet éco­sys­tème, au sein duquel nous sommes très actifs. Nous sommes issus de l’Executive Mas­ter de Poly­tech­nique et avons rapi­de­ment été incu­bés au sein du Geno­pole et d’Agoranov. Nous avons la chance aujourd’hui d’être accom­pa­gné dans notre déve­lop­pe­ment par Pari­San­té Cam­pus et par Biolab@Hotel-Dieu. Nous vou­lons main­te­nir et ren­for­cer cette pré­sence au cœur de l’écosystème afin qu’ADLIN soit iden­ti­fié comme un acteur qui fédère l’écosystème aux côtés des prin­ci­pales par­ties pre­nantes de cet uni­vers. Au-delà, nous conti­nuons à échan­ger avec l’Inserm, le CNRS ou encore le CEA, qui sont de grands ins­ti­tuts de recherche, mais aus­si avec des bio­clus­ters qui ont des enjeux de digi­ta­li­sa­tion que nous adres­sons avec notre pla­te­forme. Il s’agit en 2024 et 2025 d’accélérer notre déve­lop­pe­ment, de gagner en visi­bi­li­té et d’être un acteur clai­re­ment iden­ti­fié. Enfin, nous lan­çons aus­si notre pre­mière levée de fonds en 2024 auprès d’acteurs de la san­té afin de pour­suivre cette mis­sion de valo­ri­sa­tion de la recherche scien­ti­fique.

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