Interview de Sophie Monnier (X09) présidente du groupe X IA

X IA, un dynamisme polytechnicien à la pointe de l’IA

Dossier : TrajectoiresMagazine N°793 Mars 2024
Par Alix VERDET

Fon­dé en 2018, le groupe X IA est fort de 1 100 membres actifs et impli­qués dans des thé­ma­tiques d’intelligence arti­fi­cielle, qui ont connu un gain d’intérêt majeur en 2023 avec l’émergence notable de ChatGPT. Boos­té par cette impor­tance accrue de l’IA dans les entre­prises et dans l’innovation, le groupe X IA attire tou­jours plus de jeunes poly­tech­ni­ciens et d’acteurs de pre­mier plan de l’IA et sou­haite dou­bler en 2024 sa force de frappe évé­ne­men­tielle, pour répondre aux besoins crois­sants de la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne dans ce sec­teur en ébul­li­tion constante.

Inter­view de Sophie Mon­nier (X09) pré­si­dente du groupe X IA

Quel est le bilan du groupe X IA depuis sa création ?

On ne s’attendait pas à un tel engoue­ment quand on a créé le groupe en 2018 avec Jéré­my Har­roch (X03) et quelques-uns de chez Quant­me­try. 2018 était une année char­nière pour l’IA, avec des POC (proof of concept), des démons­tra­tions de valeur presque uni­ver­si­taires, mais peu de déploie­ments en pro­duc­tion qui aient un vrai ROI quan­ti­fié pour les entre­prises. Le commen­cement de la matu­ra­tion des déploie­ments en pro­duc­tion, c’était en 2019. Quand X IA a été créé en 2018, nous avons consta­té que beau­coup de poly­techniciens tra­vaillaient dans le domaine de l’IA à des postes inté­res­sants dans le domaine uni­ver­si­taire, dans les cabi­nets de conseil, dans les grandes entre­prises, et dans les licornes. X IA était un moyen de les atteindre et de les fédérer.

En 2023, X IA a vrai­ment décol­lé au moment où l’IA géné­ra­tive (GenAI) a mis les pro­jec­teurs sur l’IA, et pas seule­ment pour les gens qui y tra­vaillent, mais pour tous les gens qui s’y inté­ressent et qui ont sen­ti qu’il fal­lait mon­ter à la vitesse supé­rieure. Nous sommes ain­si pas­sés de 800 à 1 100 membres. 

Pen­dant l’année, nous avons orga­ni­sé quatre évé­ne­ments avec beau­coup de listes d’attente sur des sujets à la fois théo­riques et pra­tiques : pri­va­cy ; un sujet research to prod, com­ment est-ce qu’on passe de la recherche et des POC à la pro­duc­tion avec Dee­zer et Ins­ta­Deep ; un sujet sur l’état de l’art de l’IA géné­ra­tive avec Mis­tral AI et Pho­to­room ; et le sujet IA géné­ra­tive sous l’angle des retex de per­sonnes qui ont mis en pro­duc­tion des LLM (large lan­guage models), les choix tech­niques qu’ils ont faits, et concrè­te­ment pour­quoi ils n’ont pas rete­nu ChatGPT ou GPT‑4 comme solu­tion (coûts, latence).

Le bureau X IA lors de l’édition GenAI de septembre 2023.
Le bureau X IA lors de l’édition GenAI de sep­tembre 2023.

Quelles sont les motivations des polytechniciens pour rejoindre le groupe ? Est-ce un besoin professionnel, un centre d’intérêt ?

On dis­tingue trois types de membres. Tout d’abord, beau­coup de jeunes qui ont rejoint le groupe parce qu’ils veulent tra­vailler dans l’IA. C’est une tech­no­lo­gie qui arrive au moment où ils sont encore en train de faire leurs études ou leur thèse, ils veulent béné­fi­cier d’une approche assez large de ce qui se passe pour mieux se positionner. 

Plus de 30 % de nos membres sont étu­diants ou ont moins de cinq ans d’expérience pro­fes­sion­nelle. Je crois que c’est une sin­gu­la­ri­té du groupe X IA par rap­port à d’autres groupes X. Puis viennent ceux qui se retrouvent dans des entre­prises qui ne sont pas AI native. Il y a eu comme un effet FOMO (Fear of mis­sing out) dans les entre­prises à pro­pos de la GenAI. Comme il est très dif­fi­cile de suivre l’actualité colos­sale de l’IA depuis 2023 avec un papier dif­fu­sé presque toutes les dix minutes, X IA per­met de suivre les grandes ten­dances avec des inter­ve­nants au centre de l’état de l’art du domaine.

“Plus de 30 % des membres d’X IA sont étudiants ou ont moins de cinq ans d’expérience professionnelle, une singularité par rapport à d’autres groupes X.”

Et il y a une troi­sième caté­go­rie de per­sonnes. Ce sont des pion­niers sur cette tech­no­lo­gie comme Ins­ta­Deep où je tra­vaille, qui est une entre­prise AI native ; des per­sonnes qui tra­vaillent chez Meta, dans des start-up GenAI comme Jimi­ni dont le CTO est membre du bureau d’X IA. Ces per­sonnes veulent se main­te­nir à la pointe pour décou­vrir les nou­veaux papiers ou échan­ger sur ce qu’ils font dans leur entre­prise, avec d’autres X ou d’autres acteurs du secteur.

X IA #7 IA & Climat dans l’espace Leonard de Vinci.
X IA #7 IA & Cli­mat dans l’espace Leo­nard de Vinci.

En tant que présidente du groupe X IA, comment choisis-tu les sujets ?

C’est un peu un chal­lenge impos­sible parce que nous avons un rythme de quatre édi­tions par an. Nous veillons à équi­li­brer entre ce qui est du res­sort de l’innovation ten­dance, qui va beau­coup atti­rer comme la GenAI et Mis­tral AI, et des pro­blé­ma­tiques qui paraissent moins atti­rantes mais pour les­quelles la valeur métier est beau­coup mieux iden­ti­fiée et avec des tech­no­lo­gies plus matures : main­te­nance pré­dic­tive, pré­vi­sion des ventes, sup­ply chain. 

Pour ce faire, je fais de la veille sur Lin­ke­dIn, sur Twit­ter. Ins­ta­Deep a beau­coup de canaux internes de veille tech­no­lo­gique par les­quels je me tiens au cou­rant. Je suis abon­née à quatre ou cinq news­let­ters à plu­sieurs niveaux de tech­ni­ci­té ; j’écoute régu­liè­re­ment plu­sieurs pod­casts pour avoir une idée des inter­ve­nants et des thèmes per­ti­nents ; et j’ai la chance d’avoir l’aide du bureau d’X IA, d’une dizaine de membres très impli­qués de pro­mos allant de la X80 à la X19, qui tra­vaillent dans des ver­ti­cales très dif­fé­rentes (expli­ca­bi­li­té, GenAI, légal, art, thèses de méde­cine). Et depuis 2023 nous com­men­çons à avoir des demandes d’entreprise pour pré­sen­ter leurs sujets à X IA. Pour un inter­ve­nant sélec­tion­né, on en inter­viewe trois ou quatre. La sélec­tion n’est donc pas garantie !

Tugdual Ceillier (X08), Sophie Monnier (X09) et David Cortés (X97) à X IA #11.
Tug­dual Ceillier (X08), Sophie Mon­nier (X09) et David Cor­tés (X97) à X IA #11.

Quel est l’intérêt pour ces entreprises de faire ces présentations ?

Les deux centres d’intérêt qui sont évi­dents sont d’une part la visi­bi­li­té de leur entre­prise auprès d’un public extrê­me­ment qua­li­fié tech­ni­que­ment ; et d’autre part le recru­te­ment de jeunes talents qui seront peut-être les stars de demain ou de per­sonnes très qua­li­fiées en IA. 

Dans la sélec­tion des 125 start-up sur six ver­ti­cales stra­té­giques du pro­gramme French Tech 2030 annon­cé par Emma­nuel Macron à Viva Tech 2023, dans 45 % des entre­prises on trouve des poly­techniciens sou­vent à des postes de cadre supérieur. 

Ils sont très actifs dans la sphère IA, pour la sou­ve­rai­ne­té fran­çaise, dans les plus grandes entre­prises mon­diales où ils sont pion­niers de l’IA comme chez Hug­ging Face où Julien Chau­mond (X03) et Tho­mas Wolf (X03) sont cofon­da­teurs res­pec­ti­ve­ment CTO et CSO ; beau­coup tra­vaillent ou ont tra­vaillé chez Meta, dont les deux X11 Arthur Mensch et Guillaume Lample qui ont fon­dé Mis­tral AI. Il y a plus de demandes que d’offres pour ces présentations.

Comment abordez-vous 2024 ? Quels sont vos sujets ?

Le chan­ge­ment le plus impor­tant réside dans le fait que le groupe X IA devient en 2024 une asso­cia­tion loi de 1901, ce qui nous per­met­tra de fonc­tion­ner sur un modèle de spon­so­ring tout en main­te­nant nos évé­ne­ments gra­tuits. Cher­cher un héber­geur pour nos évé­ne­ments nous pre­nait trop de temps et les salles étaient sou­vent trop petites pour accueillir les par­ti­ci­pants. Le but est ain­si d’avoir accès à des salles plus grandes de manière récur­rente, pour per­mettre à davan­tage de per­sonnes d’y par­ti­ci­per, et de pas­ser de quatre à huit éditions.

Nous venons de bou­cler un tour de spon­so­ring. Sur la par­tie fonc­tion­nelle nous sou­hai­tons créer des ver­ti­cales d’X IA ; nous tes­tons en 2024 une ver­ti­cale san­té avec le pro­jet d’organiser quatre édi­tions dédiées sur le sujet et quatre édi­tions sur les autres sujets. Si cela fonc­tionne bien, on peut ima­gi­ner d’autres ver­ti­cales ciblées. Et, si tout se passe bien, on veut aus­si se don­ner les moyens de tes­ter d’autres for­mats, des ses­sions de ques­tions-réponses avec un seul inter­ve­nant de manière infor­melle, en plus petit comité.

X IA #4 : IA et santé à l’institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM).
X IA #4 : IA et san­té à l’institut du cer­veau et de la moelle épi­nière (ICM).

Actuellement, que perçois-tu comme grandes tendances dans l’IA ?

Il y a ce que je vois de manière géné­rale et il y a mon prisme Ins­ta­Deep. Chez Ins­ta­Deep, j’ai un fort prisme vers le rein­for­ce­ment lear­ning et les LLM appli­qués à la bio­lo­gie. D’autre part, je garde un contact fort avec le reste de l’écosystème parce que, ayant tra­vaillé pour Quant­me­try et d’autres entre­prises, beau­coup d’autres thé­ma­tiques machine lear­ning au-delà de la GenAI sont inté­res­santes. La GenAI est en effet le sujet du moment, comme le montre le State of AI Report de 2023, qui indique que la GenAI a repré­sen­té 18 mil­liards de dol­lars d’investissements sur les 22 mil­liards inves­tis en IA au glo­bal, ce qui a boos­té l’investissement dans une période post-Covid et géo­po­li­tique assez incertaine.

On a assis­té à des valo­ri­sa­tions astro­no­miques d’entreprises qui n’existaient pas il y a un an comme Mis­tral AI, l’exemple fran­çais le plus emblé­ma­tique qui, après six mois d’existence, a été valo­ri­sé à près de 2 mil­liards de dol­lars et a levé 450 mil­lions de dol­lars (385 mil­lions d’euros) ; AWS a inves­ti 4 mil­liards de dol­lars dans Anthro­pic, une entre­prise fon­dée par des anciens d’OpenAI spé­cia­li­sée sur l’alignement des LLM ; Inflec­tion AI qui veut déve­lop­per l’intelligence arti­fi­cielle géné­rale (IAG, sys­tème hau­te­ment auto­nome capable de sur­pas­ser l’humain dans la plu­part des tâches ayant un inté­rêt éco­no­mique) a levé plus d’un mil­liard de dol­lars en 2023.

“Nous sommes dans un contexte complètement fou de bulle avec un développement et une adoption de technologies extrêmement rapides.”

Nous sommes dans un contexte com­plè­te­ment fou de bulle avec un déve­lop­pe­ment et une adop­tion de tech­no­lo­gies extrê­me­ment rapides, deux exemples étant ChatGPT et Lang­Chain qui faci­litent le déve­lop­pe­ment d’applications à par­tir de LLM. Ces pro­jets ont à peine un an et, aujourd’hui, il est deve­nu dif­fi­cile de s’en pas­ser pour créer un pro­to­type de pro­jet GenAI. En 2024 ce qui va être inté­res­sant, c’est de voir au-delà de la bulle qui sont les gagnants et les perdants. 

Je pense qu’on va voir deux types de com­por­te­ments. D’une part des entre­prises qui vont com­plè­te­ment assu­mer cette matu­ra­tion et cette adop­tion de la GenAI et qui vont se déve­lop­per. Et des entre­prises qui ne vont pas y arri­ver pour plu­sieurs rai­sons, notam­ment des start-up. Un des pro­blèmes est le sui­vant : quel posi­tion­ne­ment busi­ness prendre, sachant qu’une nou­velle start-up com­pé­ti­trice se lance presque tous les jours ; ou bien quand Ope­nAI ou des Gafam sortent une nou­velle fonc­tion qui est exac­te­ment celle que je vou­lais déve­lop­per avec mon entre­prise ; ou une entre­prise plus mature comme Ligh­tOn qui pivote sur le déve­lop­pe­ment de pla­te­formes end-to-end pour entraî­ner et déployer des LLM. Très vite, des start-up peuvent se retrou­ver sans busi­ness model et doivent pivo­ter extrê­me­ment vite pour survivre.

À côté de ces sujets, j’ai un prisme rein­for­ce­ment lear­ning (RL).

Peux-tu préciser ce qu’est le reinforcement learning ?

Le rein­for­ce­ment lear­ning, ou appren­tis­sage par renfor­cement, est un para­digme qui per­met de faire inter­agir un agent dans un cer­tain envi­ron­ne­ment qui est un jumeau numé­rique de la réa­li­té. Cet agent peut prendre un cer­tain nombre d’actions pré­dé­fi­nies. En inter­agis­sant avec son envi­ron­ne­ment, l’agent va rece­voir des récom­penses ou des péna­li­tés qui vont lui faire apprendre une stra­té­gie opti­male à adop­ter pour atteindre le maxi­mum de sa récom­pense à long terme. Cette stra­té­gie – ou poli­cy en anglais – peut être modé­li­sée par un réseau de neu­rones. Dans ce cas on parle de deep rein­for­ce­ment lear­ning. Le Deep RL a été beau­coup popu­la­ri­sé par Deep­Mind, pour notam­ment battre les humains au jeu de go, aux jeux vidéo type Ata­ri ou Star­Craft. Ins­ta­Deep uti­lise le rein­for­ce­ment lear­ning pour un grand nombre de pro­jets indus­triels dans le monde réel, au-delà de l’univers des jeux.

Mais le RL a beau­coup fait par­ler de lui en 2023 pour une autre rai­son : le rein­for­ce­ment lear­ning from human feed­back (RLHF), car c’est ce qui a per­mis à des modèles fon­da­tion­nels de base comme GPT de deve­nir des chat­bots comme ChatGPT pou­vant inter­agir avec des uti­li­sa­teurs, par exemple dans un contexte de ques­tions-réponses. Le LLM à l’origine est un modèle qui va pré­dire le mot le plus pro­bable après un cer­tain mot. Mais il n’est pas pour autant capable de répondre à des ques­tions ni de varier le ton de sa réponse (expert, débu­tant, ami…). L’entraînement du LLM doit pas­ser par une phase d’instruction appe­lée fine-tuning, puis par une boucle de RLHF. On parle main­te­nant de plus en plus de RLAIF, rein­for­ce­ment lear­ning by arti­fi­cial intel­li­gence feed­back, car le choix des pré­fé­rences de réponse du LLM se fait par un LLM comme GPT‑4 au lieu d’humains.

Un troi­sième point d’actualité qui m’est propre via Ins­ta­Deep, c’est la bio­lo­gie. La san­té IA en France a déjà un riche pas­sé avec des start-up comme Owkin, Aqe­mia, Iktos, The­ra­pixel, Glea­mer, Vol­ta Medi­cal, Car­dio­logs, toutes fon­dées par des poly­tech­ni­ciens et étant pas­sées par X IA il y a quelques années. Avec la GenAI, on com­prend qu’on peut appli­quer des modèles de lan­gage non seule­ment sur du texte mais aus­si sur tout type de séquence et même des séquences bio­lo­giques, comme les pro­téines, qui sont des séquences d’acides ami­nés, sur l’ADN et l’ARN consti­tués de séquences de nucléo­tides. Pour­quoi est-ce qu’on ne pour­rait pas entraî­ner des modèles à apprendre des repré­sen­ta­tions sous-jacentes du lan­gage de la vie et à faire des pré­dic­tions quant à ces représentations ?

Quelles en seraient les applications ?

Pen­dant la pan­dé­mie, Ins­ta­Deep a tra­vaillé à pré­dire la dan­ge­ro­si­té des variants de la Covid en pré­di­sant l’éloignement de leur séquence d’origine par rap­port à la souche d’origine, le wild type (type natu­rel ou type sau­vage, la forme natu­relle, ou de réfé­rence, d’un orga­nisme, d’un génome, d’un gène ou encore d’une pro­téine). Ins­ta­Deep a tra­vaillé avec BioN­Tech, a mis son tra­vail à dis­po­si­tion de l’Organisation mon­diale de la san­té et a per­mis de gagner deux mois d’avance sur la pré­dic­tion des nou­veaux variants dan­ge­reux, en vue d’adapter les nou­veaux vac­cins. Ce tra­vail de Ear­ly War­ning Sys­tem (EWS) a par la suite été publié dans des revues scientifiques.

Défilé de l’École polytechnique (2011).
Défi­lé de l’École poly­tech­nique (2011).

Peux-tu nous en dire plus sur toi et sur ton parcours ? De quand date ton intérêt pour l’IA ?

Ça peut paraître bizarre, mais quand j’étais petite j’adorais obser­ver les catas­trophes natu­relles. Mes films pré­fé­rés : Twis­ter qui met­tait en scène une chas­seuse de tor­nades ; Vol­ca­no, avec une femme vol­ca­no­logue ; j’adorais Star­gate SG‑1, la série avec des mili­taires qui vont explo­rer des pla­nètes, par­mi les­quels il y a une femme qui est la scien­ti­fique du groupe. Je vou­lais être cette per­sonne-là, la femme scien­ti­fique dans des milieux très mas­cu­lins, qui est le cer­veau du groupe [rires]. Quand je suis arri­vée à Poly­tech­nique dans la pro­mo 2009, il n’y avait pas de cours d’IA.

L’IA a com­men­cé à per­cer en 2012, avec la per­for­mance de cer­tains modèles de com­pu­ter vision dans une grande com­pé­ti­tion inter­nationale qui s’appelle Ima­ge­Net. Je crois que les cours de data science ont com­men­cé en 2014 à Télé­com, et ensuite à Poly­tech­nique. Après l’X j’ai fait ma 4A à l’Institut de phy­sique du globe de Paris (IPGP) pour tra­vailler la géo­phy­sique, la phy­sique et la simu­la­tion numé­rique appli­quées aux sciences de la Terre. J’ai fait ma thèse en géo­phy­sique sur la pré­dic­tion des risques sis­miques sur le conti­nent aus­tra­lien de 2015 à 2017, ce qui est assez éloi­gné de l’IA.

Au même moment, je voyais qu’en France la data science était en pleine effer­ves­cence et que beau­coup de poly­tech­ni­ciens tra­vaillaient dans le domaine. Comme je n’étais pas trop ins­pi­rée par l’idée de tra­vailler pour les groupes pétro­liers, ce à quoi me des­ti­nait assez natu­rel­le­ment ma thèse de géo­phy­sique, j’ai sui­vi tous les cours en ligne qui exis­taient sur l’IA à cette époque.

“Après ma thèse de géophysique, j’ai suivi tous les cours en ligne qui existaient sur l’IA.”

De retour en France, j’ai pris contact avec les alum­ni. Je dois beau­coup au réseau poly­tech­ni­cien qui m’a aidée à gérer cette tran­si­tion. J’ai contac­té une qua­ran­taine de per­sonnes en trois mois et tout le monde m’a répon­du ! J’ai choi­si Quant­me­try par­mi d’autres pro­po­si­tions, parce que je sou­hai­tais abor­der une grande diver­si­té de sujets, pour décou­vrir au fil de l’eau ce que je pré­fé­rais. J’ai pas­sé deux très belles années chez Quant­me­try, où j’ai tra­vaillé sur des pro­blé­ma­tiques de télécom­munica­tions avec des graphes de pré­dic­tion de risques de pol­lu­tion, sur des problé­matiques d’assurance, sur des pro­blé­ma­tiques médi­cales, dans l’alimentaire, sur des pro­jets plus ou moins matures : POC, indus­tria­li­sa­tion, les deux par­fois, stra­té­gie. C’était une expé­rience très riche. C’est pen­dant cette période qu’X IA a vu le jour. 

Ensuite j’ai conti­nué à tra­vailler dans le machine lear­ning, mais dans des envi­ron­ne­ments plus start-up, avec un sta­tut de free­lance car je vou­lais créer le pro­jet dès son début. J’ai ain­si tra­vaillé dans des entre­prises d’immobilier sur des cas d’usage variés (recom­man­da­tion de biens immo­bi­liers, pré­dic­tion de prix), dans une start-up de san­té orien­tée vers le sport où la com­pu­ter vision per­met­tait de suivre via la vidéo les mou­ve­ments des per­sonnes qui font du sport à domi­cile pour ana­ly­ser leurs pos­tures, tout ça dans un contexte de Covid, pour leur évi­ter de se bles­ser, etc. Et ensuite j’ai rejoint Ins­ta­Deep. Ça fait six ans main­te­nant que je me suis « recon­ver­tie » dans l’IA.

Remise des bicornes aux jeunes promos (2010).
Remise des bicornes aux jeunes pro­mos (2010).

Quel est ton poste chez InstaDeep ? Comment évolue ta carrière dans l’IA ?

C’est un rôle très inté­res­sant pour moi, de tran­si­tion entre la tech­nique et le busi­ness. C’est-à-dire que tous les postes que j’ai eus aupa­ra­vant, chez Quant­me­try, dans les start-up ou chez Zephyr où j’étais avant d’arriver chez Ins­ta­Deep, étaient des postes de data scien­tist, senior data scien­tist, tech lead, donc de déve­lop­peur sur les pro­jets et l’implémentation du modèle ou la mise en pro­duc­tion. Chez Ins­ta­Deep, c’est un rôle plus hybride de busi­ness deve­lop­ment engi­neer, avec une pers­pec­tive busi­ness beau­coup plus importante. 

C’est très inté­res­sant pour moi d’avoir une com­po­sante tech­nique, une bonne com­pré­hen­sion des modèles qu’on va déve­lop­per en aval et cette dimen­sion busi­ness. De plus, comme Ins­ta­Deep est une entre­prise très deep­tech et très orien­tée R & D, l’aspect de recherche y est très impor­tant, ce que j’apprécie et qui me per­met de conti­nuer à lire beau­coup de papiers. Le tout dans une entre­prise en forte crois­sance et bien posi­tion­née dans cet éco­sys­tème AI et GenAI.

Peux-tu nous faire partager une de tes meilleures expériences professionnelles, une expérience qui t’a vraiment fait vibrer ?

Il y en a deux, mais elles ont des choses en com­mun. La pre­mière expé­rience, c’était ma pre­mière mis­sion chez Quant­me­try pour un acteur de télé­com­mu­ni­ca­tions, qui a duré à peu près un an. Ce que j’ai vrai­ment aimé chez Quant­me­try en géné­ral, et dans cette mis­sion-là en par­ti­cu­lier, a été de tra­vailler avec des gens « bien câblés », curieux, effi­caces, des­quels j’ai énor­mé­ment appris dans une ambiance d’émulation extrê­me­ment posi­tive. Cer­tains sont deve­nus des amis proches et nous le sommes res­tés même après Quantmetry. 

Chez Ins­ta­Deep, la seconde, au-delà du fait de tra­vailler sur les LLM, j’apprécie l’esprit assez pion­nier de l’entreprise et je retrouve aus­si cette ambiance d’émulation et d’inspiration. J’aime mettre Ins­ta­Deep en rela­tion avec la com­mu­nau­té IA et celle que j’anime, X IA. Iden­ti­fier les gens à l’esprit vif et curieux et les mettre en rela­tion pour créer des col­la­bo­ra­tions inté­res­santes, c’est quelque chose que j’aime par­ti­cu­liè­re­ment faire. Ce qui me plaît le plus aujourd’hui dans mon tra­vail, c’est le fait de conju­guer l’aspect tech­nique et l’aspect humain que je retrouve chez Ins­ta­Deep, double aspect qui me man­quait aupa­ra­vant quand j’avais des postes 100 % techniques.

Bureau de X IA à X IA #15 décembre 2023. De gauche à droite et haut en bas : Jonas Botbol (X11), Frédéric Oru (X91), Sophie Monnier (X09), Nicolas Brosse (X12), Stanislas du Ché (X19), David Cortés (X97), Stéphane Béreux (X17), Sébastien Meyer (X19), Maxime Bourliatoux (X15).
Bureau de X IA à X IA #15 décembre 2023. De gauche à droite et haut en bas : Jonas Bot­bol (X11), Fré­dé­ric Oru (X91), Sophie Mon­nier (X09), Nico­las Brosse (X12), Sta­nis­las du Ché (X19), David Cor­tés (X97), Sté­phane Béreux (X17), Sébas­tien Meyer (X19), Maxime Bour­lia­toux (X15).

Y a‑t-il une réalisation qui te soit attribuable personnellement, qui te rende fière de toi ?

Ce dont je suis très fière, c’est du groupe X IA, le fait d’avoir par­ti­ci­pé à la créa­tion d’un groupe si jeune, avec aujourd’hui 1 100 membres très actifs et impli­qués sur du temps per­son­nel. J’en ai repris la pré­si­dence en 2020 ; j’ai un bureau très solide, très inves­ti, et des édi­tions qui à chaque fois font salle comble. C’est un peu trans­verse à tous mes postes, mais c’est ce dont je suis le plus fière. J’aime aus­si parce que ça sert la com­mu­nau­té des X et de l’IA.

En défi­ni­tive, ce n’est pas pour moi, ça sert à tout le monde. Je sais qu’il y a pro­ba­ble­ment des col­la­bo­ra­tions qui ont pu naître, des recru­te­ments qui se sont réa­li­sés, des contrats qui ont été conclus, sans que je le sache for­cé­ment ou que je sois impli­quée, mais dont je vois les retom­bées. C’est un impact dur à mesu­rer, mais très tan­gible par le fait que les gens en demandent plus. Aujourd’hui, mon sou­hait est de pro­po­ser à tous les membres de la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne qui ont envie de contri­buer à l’IA de nous contacter. 

Commentaire

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pierre.dulon.1985répondre
22 mars 2024 à 15 h 48 min

Bon­jour, bra­vo pour cette ini­tia­tive. J’ai­me­rais pou­voir m’ins­crire à ce groupe X IA , pou­vez vous m’in­di­quer la marche à suivre ?

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