Jonathan Landman (X03), à droite, avec son associé, Florent de Rocca-Serra.

Hyppo Se réendetter efficacement sur l’immobilier détenu

Dossier : TrajectoiresMagazine N°791 Janvier 2024
Par Hervé KABLA (84)

En 2023, Jona­than Land­man (X03) a cofon­dé Hyp­po, qui pro­pose des solu­tions inno­vantes pour déve­lop­per son patri­moine et per­mettre de finan­cer ses pro­jets. Hyp­po se veut le spé­cia­liste fran­çais du refi­nan­ce­ment immobilier.

Quelle est l’activité d’Hyppo ?

En quelques mots, Hyp­po per­met aux pro­prié­taires fon­ciers de se réen­det­ter sur leur immo­bi­lier déte­nu. Notre vision à terme est le déve­lop­pe­ment de solu­tions patri­mo­niales pour les pro­prié­taires immo­bi­liers fran­çais, en leur pro­po­sant d’activer leur patri­moine immo­bi­lier dor­mant : dans un pre­mier temps en les refi­nan­çant, puis dans un second temps en les aidant à investir.

Quel est le parcours des fondateurs ?

Après l’X et un pas­sage à Colum­bia, j’ai tra­vaillé pen­dant deux années en banque d’affaires à Londres (Bank of Ame­ri­ca), puis qua­torze années en exper­tise numé­rique et data dans dif­fé­rents contextes : accé­lé­ra­tion de la trans­for­ma­tion numé­rique de grands comptes, direc­tion d’équipes tech­niques (grands groupes, start-up), concep­tion-réa­li­sa­tion de solu­tions tech­niques dis­rup­tives. Mon asso­cié, Florent de Roc­ca-Ser­ra, a étu­dié à Boc­co­ni, à l’ESCP et à la Har­vard Busi­ness School. Il a pas­sé quinze années en start-up scale-up à déve­lop­per des acti­vi­tés en ligne – conseil chez Cap­ge­mi­ni, puis déve­lop­pe­ment et mana­ge­ment de BU au sein de Fin­tech, mar­ket­places et médias numériques.

Comment t’est venue l’idée ?

La genèse du pro­jet s’est faite avec Fran­çois Dur­vye (X03), direc­teur géné­ral d’Otium Capi­tal, autour de nos cas per­son­nels. Nous avons réa­li­sé qu’en France aucune solu­tion d’equity release n’était dis­po­nible pour le grand public. En effet, bien que déve­lop­pés dans d’autres mar­chés euro­péens comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou le Bene­lux, ces méca­nismes sont dis­po­nibles en France uni­que­ment de manière confi­den­tielle auprès de la clien­tèle de banque pri­vée. Nous sou­hai­tions popu­la­ri­ser ces méca­nismes, en com­men­çant par le prêt hypo­thé­caire, pour pro­po­ser aux pro­prié­taires de rechar­ger en dette leurs biens immo­bi­liers amortis.

Qui sont les concurrents ?

Les concur­rents prin­ci­paux res­tent les banques pri­vées, avec les­quelles nous tra­vaillons pour cibler une clien­tèle patri­mo­niale dans une stra­té­gie de pla­te­for­mi­sa­tion. Mobi­li­ser son patri­moine immo­bi­lier pour finan­cer un pro­jet néces­site un éven­tail d’expertises (juri­dique, fis­ca­li­té, finance, comp­ta­bi­li­té), un éco­sys­tème et des pro­duits aujourd’hui mécon­nus. Recoudre toutes ces briques dans une solu­tion simple est assez unique sur le mar­ché pour l’instant.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?

Après une phase d’incubation en octobre 2022 chez Otium Capi­tal, nous avons déve­lop­pé notre proof of concept début 2023. En juillet 2023 a eu lieu notre pre­mière levée de seed money.

Comment se porte le marché de l’immobilier en France ?

En France, l’immobilier est la classe d’actif majo­ri­taire et repré­sente 62 % du patri­moine de l’ensemble des ménages (Insee). Les Fran­çais ont un fort atta­che­ment à la pierre et s’endettent pour acqué­rir et conser­ver leurs biens. En 2023 et selon l’Insee, 30 mil­lions de biens sont déte­nus par des pro­prié­taires pri­vés, pour une valeur totale avoi­si­nant les 6 900 mil­liards d’euros. Au cours des vingt-cinq der­nières années, le parc immo­bi­lier fran­çais s’est en moyenne appré­cié de 40 %.

Récem­ment, la ten­dance infla­tion­niste a entraî­né une hausse des taux direc­teurs qui sont pas­sés en quelques mois de 1 % à 4 %, ce qui a ralen­ti d’environ 60 % la pro­duc­tion de cré­dit et par consé­quent les volumes de tran­sac­tion. Pour nous, ces élé­ments res­tent conjonc­tu­rels et conti­nue­ront vraisem­blablement à évo­luer au cours des pro­chains mois, avant de se sta­bi­li­ser. À moyen terme, nous sommes confiants sur la soli­di­té du mar­ché. Ce contexte est très por­teur pour nous, car nous per­met­tons pré­ci­sé­ment d’utiliser l’actif immo­bi­lier net des pro­prié­taires qui peinent à vendre dans ce contexte de marché.

La crise de 2008 n’a‑t-elle pas porté préjudice au prêt hypothécaire dans l’esprit des propriétaires ?

L’approche fran­çaise consiste à finan­cer une capa­ci­té de rem­bour­se­ment plu­tôt qu’un actif, comme en Alle­magne ou au Bene­lux. C’est pro­tec­teur, et c’est ce qui a pro­ba­ble­ment per­mis d’éviter l’emballement du cré­dit et les drames per­son­nels vécus aux USA en 2008. Néan­moins, bien uti­li­sés, ces méca­nismes sont utiles et ver­tueux. La dette est créa­trice de valeur lorsque les risques sont bien com­pris et qu’elle est uti­li­sée à bon escient. Nos pro­duits per­mettent de pro­lon­ger l’effet de levier dans le temps.

“Proposer des solutions simples et utiles qui auront un maximum d’impact.”

La hausse des taux qui semble s’installer pour un moment ne risque-t-elle pas de tout chambouler ?

La hausse des taux a effec­ti­ve­ment un impact impor­tant et cer­tains pro­jets seront peut-être retar­dés. Cela dit, nous consta­tons un fort engoue­ment de la part du mar­ché, avec 300 dos­siers à trai­ter en quelques mois. Les gens nous contactent pour rechar­ger en dette leurs biens sans avoir à les vendre. Ils peuvent ain­si réa­li­ser leurs pro­jets (tra­vaux de mise en confor­mi­té éner­gé­tique, acqui­si­tion immo­bi­lière, finan­ce­ment d’un compte cou­rant d’associé, ou sim­ple­ment inves­tis­se­ment) tout en pré­ser­vant leur patrimoine.

La Chine traverse actuellement une grave crise économique, dont l’explosion de la bulle immobilière semble être une des raisons. Y a‑t-il un risque que cela nous arrive également ?

L’économie est mon­dia­li­sée. La Chine connaît aus­si bien une crise immo­bi­lière qu’un bou­le­ver­se­ment pro­fond de son modèle éco­no­mique por­té vers l’extérieur. À mon sens la Chine doit réorien­ter son modèle de pro­duc­tion en pre­nant en compte une réin­dus­tria­li­sa­tion de ses par­te­naires his­to­riques et en pro­fi­ter pour déve­lop­per son mar­ché inté­rieur. Pour moi, la ten­dance bais­sière actuelle des prix de l’immobilier est a prio­ri plus liée à la hausse des taux et est donc passagère.

Tu en es à ta troisième ou quatrième création d’entreprise, qui plus est dans des secteurs différents ? Qu’est-ce qui te motive pour démarrer à chaque fois un nouveau challenge ?

L’envie de créer et d’apprendre. La manie de tou­jours cher­cher des occa­sions de mar­ché (seg­ments mal ser­vis, révo­lu­tion tech­no­lo­gique, contexte régle­men­taire évo­lu­tif) et d’essayer de pro­po­ser des solu­tions simples et utiles qui auront un maxi­mum d’impact.

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