Rendre la localisation accessible aux objets connectés

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°784 Avril 2023
Par Ambroise POPPER (X95)

Crée en 2014, la socié­té Nest­wave déve­loppe des solu­tions de géo­lo­ca­li­sa­tions inno­vantes et vient d’être rache­tée par l’américain Next­nav. Ambroise Pop­per (X95), cofon­da­teur et direc­teur géné­ral de Nest­wave depuis 2020, nous explique de son point de vue com­ment s’articulent loca­li­sa­tion et objets connectés.

Quelle est l’idée au cœur de Nestwave ?

Nest­wave s’est construite autour de la géo­lo­ca­li­sa­tion pour les objets connec­tés prin­ci­pa­le­ment. L’idée est de pou­voir suivre la loca­li­sa­tion d’un objet pré­cieux (un por­te­feuille ou un porte-clés par exemple). Néan­moins, le poten­tiel d’application réside sur­tout dans le monde indus­triel, au niveau de la logis­tique (colis ou palettes, voire contai­ner). Il y a éga­le­ment des débou­chés au niveau du trans­port : sui­vi des véhi­cules divers, en par­ti­cu­lier autour de la pro­blé­ma­tique du vol. En cachant un tra­ceur sur un vélo ou une voi­ture, il est facile de retrou­ver le véhi­cule. Mais cette solu­tion peut aus­si s’appliquer à d’autres domaines, comme les ani­maux domes­tiques. L’un de nos pre­miers clients a été Invoxia, qui a créé un dis­po­si­tif sui­vant la san­té d’un ani­mal, avec une fonc­tion­na­li­té loca­li­sa­tion. En fait, nous avons devant nous un large éven­tail d’applications, avec un grand poten­tiel dans la logis­tique et le transport.

Quels sont les éléments distinctifs de votre technologie ?

L’avantage de notre tech­no­lo­gie est sa per­for­mance en termes de consom­ma­tion de bat­te­rie. Nous par­ve­nons à faire de la géo­lo­ca­li­sa­tion en impac­tant le moins pos­sible la consom­ma­tion, prin­ci­pa­le­ment parce que nous adres­sons des appli­ca­tions où la posi­tion n’est pas néces­saire en conti­nu, et que nous fai­sons une par­tie des cal­culs sur le cloud (et pas sur l’objet lui-même). Notre tech­no­lo­gie est un pur soft­ware. Nous avons déve­lop­pé un logi­ciel embar­qué qui va fonc­tion­ner sur les puces de com­mu­ni­ca­tion 4G ou 5G, indi­quant leur loca­li­sa­tion. À cette fin, nous dis­po­sons aus­si de ser­veurs sur le cloud qui font fonc­tion­ner des algo­rithmes per­met­tant d’obtenir la position.

Comment Nestwave s’intègre-t-elle dans Nextnav ?

Next­nav appar­tient aus­si au domaine de la géo­lo­ca­li­sa­tion, mais avec un spectre un peu plus large : auto­mo­bile, avia­tion, drone, infra­struc­tures de télé­com, infra­struc­tures ban­caire, éner­gé­tique. Next­nav déve­loppe une offre PNT (posi­tion, navi­ga­tion and timing). Nous pro­po­sons non seule­ment la loca­li­sa­tion, mais aus­si une réfé­rence tem­po­relle, impor­tante pour les tran­sac­tions ban­caires par exemple.

Toutes ces appli­ca­tions ont besoin de solu­tions qui ne s’appuieront pas uni­que­ment sur le GPS (ou sys­tèmes satel­lites équi­va­lents comme Gali­leo), mais sur une infra­struc­ture ter­restre. Il faut en effet savoir que le GPS peut être faci­le­ment brouillé (en temps de guerre par exemple), et pour­rait même être pos­sible que un ou plu­sieurs satel­lites soient détruits. Cer­tains gou­ver­ne­ments, notam­ment en Europe et aus­si celui des Etats-Unis d’Amérique, s’intéressent donc à des solu­tions com­plé­men­taires de celles qui sont liées aux satel­lites. Ils garan­tissent une conti­nui­té de ser­vice (en termes de loca­li­sa­tion et de timing) des réseaux télé­com et ban­caires, mais aus­si du réseau élec­trique et de l’énergie. De manière géné­rale, Nex­nav s’adresse donc à des infra­struc­tures cri­tiques, aux véhi­cules auto­nomes, aux drones, à l’aviation.

Dans ce contexte, Nest­wave apporte une brique tech­no­lo­gique sup­plé­men­taire pour déve­lop­per chez Next­nav des nou­veaux sys­tèmes de loca­li­sa­tion et de timing. Nest­wave emploie main­te­nant une ving­taine de per­sonnes, et Next­nav nous donne des moyens finan­ciers sup­plé­men­taires. Ce chan­ge­ment de dimen­sion nous ouvre d’autres mar­chés. Même si nos clients se situaient déjà beau­coup à l’étranger, notre mar­ché devient main­te­nant plus large et nous sommes en com­mu­ni­ca­tion avec davan­tage d’acteurs.

Quels sont vos projets technologiques actuels ?

Nous tra­vaillons en ce moment à une nou­velle tech­no­lo­gie de loca­li­sa­tion hybride, uti­li­sant d’une part les infor­ma­tions à par­tir des réseaux cel­lu­laires exis­tant, d’autre part Next­nav déploie des infra­struc­tures ter­restres per­met­tant d’émettre des signaux (aux USA pour l’instant). Nous allons cor­ré­ler ces infor­ma­tions pour don­ner la meilleure source d’information de géo­lo­ca­li­sa­tion, qu’on soit à l’extérieur ou à l’intérieur des bâti­ments (où le GPS ne passe pas).

Quels sont pour vous les sujets d’avenir concernant les objets connectés ?

Nous sommes confron­tés à plu­sieurs pro­blé­ma­tiques. Il y a d’abord la ques­tion de la bat­te­rie. Les objets connec­tés souffrent de leur consom­ma­tion et cela limite les usages. Les uti­li­sa­teurs n’ont aucune envie de pas­ser leur temps à rechar­ger leurs mul­tiples objets connec­tés. Donc les acteurs de notre sec­teur s’attachent à allon­ger autant que pos­sible la durée de la batterie.
Ensuite, nous ren­con­trons éga­le­ment une pro­blé­ma­tique éco­lo­gique liée à la consom­ma­tion éner­gé­tique et à la durée de vie de la bat­te­rie (et son éven­tuel recy­clage). Nous tra­vaillons beau­coup à ces sujets, car les tech­no­lo­gies de GPS consomment beau­coup d’énergie et ne sont pas très adap­tées aux objets connec­tés. Enfin, la ques­tion de la cou­ver­ture s’impose à nous comme un autre grand défi. Est-ce que nos dis­po­si­tifs vont fonc­tion­ner dans les grandes zones ? C’est une ques­tion majeure et pour pou­voir y répondre, nous nous sommes appuyés sur la tech­no­lo­gie cel­lu­laire LTE‑M. Cette connec­ti­vi­té a été adop­tée par les plus grands opé­ra­teurs mon­diaux et s’impose de plus en plus. Elle per­met de réuti­li­ser les émet­teurs cel­lu­laires exis­tant (en 4G ou en 5G) pour connec­ter des objets, avec une consom­ma­tion réduite et des débit bas mais suf­fi­sants pour ces appli­ca­tions. On a donc à la fois l’avantage d’une cou­ver­ture mon­diale, une opti­mi­sa­tion entre le débit et la consom­ma­tion, et un signal de bonne qua­li­té car cette tech­no­lo­gie fonc­tionne dans des bandes appar­te­nant aux opérateurs.

Concernant cette question de la consommation, l’adaptation aux besoins exacts de l’objet revêt donc une importance majeure ?

Tout à fait. Une appli­ca­tion a typi­que­ment besoin de déter­mi­ner sa posi­tion trois ou quatre fois par jour. Or, un GPS tra­di­tion­nel aura besoin d’une ou deux minutes pour obte­nir une posi­tion et l’envoyer au réseau. Nous avons opti­mi­sé le sys­tème de manière à obte­nir cette posi­tion en une ou deux secondes seule­ment. C’est donc très économique.
Dans cette pers­pec­tive, notre démarche est tou­jours au préa­lable de déter­mi­ner avec le client les cas d’usages (com­bien de fois par jour la posi­tion de l’objet doit-elle être connue ?) de manière à déter­mi­ner la consom­ma­tion opti­male en fonction.

Quel message voudriez-vous adresser aux jeunes diplomés ?

Suite à l’acquisition par Next­nav, nous pou­vons tra­vailler sur des pro­jets très variés et pas­sion­nants, dans des domaines comme l’IA ou le machine lear­ning. Par exemple, nous construi­sons des bases de don­nées impor­tantes qui vont per­mettre de don­ner la posi­tion et le temps à des objets connec­tés aux USA, en Europe ou ailleurs. Nos tech­no­lo­gies passent donc par une phase de décou­verte et d’apprentissage des réseaux, pour laquelle nous fai­sons appel à du machine lear­ning et à l’IA.

Nous uti­li­sons aus­si des tech­niques très inté­res­santes de pro­pa­ga­tion radio ou de com­bi­nai­sons hybrides de dif­fé­rentes sources de loca­li­sa­tion. Beau­coup de nos pro­jets se situent entre la recherche avan­cée et la mise en place appli­quée à des usages concrets, dans une socié­té de taille humaine où on peut envi­sa­ger des évo­lu­tions de car­rière rapides et très intéressantes !

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