Pierre-André Martel (72) : À la barre des entreprises en difficulté

Dossier : ExpressionsMagazine N°676 Juin/Juillet 2012Par : Delphine INESTA, André LEBRUN (73), VincentT REVOL (97) ET Renaud SUEUR (98)

Pierre-André Mar­tel (72) a fondé et bâti Car­avelle, groupe indus­triel spé­cial­isé dans la reprise de sociétés en dif­fi­culté. Il a dis­paru, avec sa fille Wan­da (2010), dans un dra­ma­tique acci­dent d’avion. Il laisse der­rière lui un groupe solide et prospère.

Esprit bril­lant et rapi­de, pas­sion­né de lit­téra­ture autant que de théories math­é­ma­tiques, Pierre- André Mar­tel envis­age une car­rière de chercheur. Son goût de l’action et son envie de chang­er le monde l’orientent finale­ment vers le ser­vice de l’État et le corps des télé­com­mu­ni­ca­tions à sa sor­tie de l’X.

L’éveil d’un entrepreneur

Il part aux États-Unis suiv­re le MBA de Har­vard. Il y tra­vaille d’arrache-pied, avec le courage et la soif de tout appren­dre, tout décou­vrir, qui le car­ac­térisent. Il se plonge avec avid­ité dans les théories finan­cières, la stratégie des entre­pris­es, les prob­lé­ma­tiques de man­age­ment et le par­cours des entre­pre­neurs de l’époque. Il admire ce pays où l’on peut réus­sir sans diplôme, cette civil­i­sa­tion qui fait la part belle à l’audace et au mérite. Son pro­fond patri­o­tisme le ramène en France. Ce pays qu’il n’épargne pas de ses cri­tiques, car on est tou­jours exigeant envers ce que l’on aime, il veut se bat­tre pour lui. Et sa bataille, il décide de la men­er sur le ter­rain de l’économie.

Assurer la gestion opérationnelle
et le management des hommes

La création de Caravelle

Pierre-André Mar­tel sera l’un des précurseurs de l’investissement en entre­prise en France, à une époque où l’on ne par­lait pas encore de pri­vate equi­ty. Après un début de car­rière à la direc­tion générale des télé­coms et au min­istère de l’Industrie, il rejoint l’Institut de développe­ment indus­triel (IDI), puis Marceau Investisse­ment. Sa soif de lib­erté et d’indépendance le pousse à aban­don­ner une sit­u­a­tion con­fort­able et à se lancer dans l’aventure entre­pre­neuri­ale. En 1995, il crée sa pro­pre struc­ture d’investissement qu’il appelle Car­avelle, en écho au goût du large et de l’aventure de Christophe Colomb. Pierre-André Mar­tel installe Car­avelle dans l’appartement famil­ial. La société se spé­cialis­era dans la reprise d’affaires en difficulté.

Un capitaine à la barre

Il ne s’agit plus seule­ment d’investissement, mais surtout de ges­tion opéra­tionnelle et de man­age­ment des hommes. En 1996, il réalise sa pre­mière acqui­si­tion pour un franc sym­bol­ique. Les débuts sont dif­fi­ciles. Pierre-André Mar­tel prend lui-même les rênes de la société. Il prend des déci­sions dures mais indis­pens­ables à la survie de l’entreprise. Il redéfinit le cap, mod­i­fie l’organisation et les méth­odes de tra­vail, rétablit la con­fi­ance des salariés et des parte­naires. Au bout d’un an, l’entreprise est de nou­veau rentable et prête à con­quérir de nou­veaux marchés.


Un groupe diversifié

En dix-sept ans, il repren­dra avec son équipe dix-sept sociétés en dif­fi­culté et redressera durable­ment cha­cune d’entre elles. Non con­tent d’en être le précurseur, il devien­dra une fig­ure dis­crète mais pro­fondé­ment respec­tée du « retourne­ment ». Au fil des acqui­si­tions, il fera de Car­avelle un groupe indus­triel de plus d’un mil­liard d’euros de chiffre d’affaires présent dans la car­rosserie, l’informatique, la phar­ma­cie et le trans­port. Entre ces activ­ités, un lien : l’énergie d’un bâtisseur.


Une passion communicative

Pierre-André MARTEL (72) et sa fille Wanda (10)Dans chaque investisse­ment, le pro­jet indus­triel a tou­jours primé sur l’intérêt financier. Fer­vent défenseur de l’industrie française, Pierre-André Mar­tel s’interdit de délo­calis­er. Sans doute, au-delà des bonnes pra­tiques de ges­tion, la réus­site de Car­avelle tient-elle beau­coup à la pas­sion qu’il met dans son tra­vail. Rien ne lui plaît plus que de don­ner un nou­v­el élan à une entre­prise à bout de souf­fle, redonner de la fierté à un père qui croy­ait per­dre son tra­vail, redonner con­fi­ance à une équipe.

Garder son âme

Quand, quinze ans plus tard, Car­avelle s’installe dans les locaux cos­sus de la place des États-Unis, Pierre-André Mar­tel s’interroge : ne va-t-elle pas per­dre son âme ? Non, car mal­gré l’éclat de sa réus­site, il reste un homme dis­cret, moins présent dans les dîn­ers mondains que dans les usines qu’il aime tant arpen­ter à grands pas, les mains dans le dos. Sa vigoureuse poignée de main, son regard franc et droit et les quelques mots qu’il échange avec les salariés suff­isent à les ragaillardir.

L’homme au chapeau

Les témoignages des salariés du groupe ont été nombreux.

« Mon­sieur Mar­tel nous a per­mis de renaître de nos cen­dres. Il restera pour moi l’homme au cha­peau qui ser­rait la main des gens qu’il croi­sait, quel que soit le rôle qu’ils jouaient dans l’une de ses nom­breuses sociétés. » Ces mots sim­ples expri­ment la pro­fonde grat­i­tude envers celui qui a per­mis à des col­lec­tiv­ités humaines, qui avaient per­du foi dans leur entre­prise, de retrou­ver confiance.

Pierre-André MARTEL (72) en avionPassionné d’aviation

Lorsqu’il ne gérait pas l’une de ses sociétés, Pierre-André Mar­tel dédi­ait son temps libre à l’aviation, une pas­sion forte et exigeante comme il aimait que soient les choses. Pilote aver­ti, cela fai­sait longtemps qu’il ne se con­tentait plus de pilot­er des avions de tourisme pour pra­ti­quer une avi­a­tion plus sophis­tiquée sur des avions de voltige ou d’anciens avions de com­bat. C’est aux com­man­des d’un de ces avions que Pierre-André Mar­tel a dis­paru, empor­tant avec lui sa fille Wan­da (2010) dont il était si fier.


Wanda Martel (2010), Sérénité et générosité

Une amie d’enfance

« Wan­da, je l’ai con­nue alors que ni l’une ni l’autre n’avions d’autre préoc­cu­pa­tion que l’équitation. Petite, j’admirais la tech­nique de la cav­al­ière, l’attention de la femme de cheval, et plus sûre­ment encore, la loy­auté de la coéquip­ière qu’elle était. Grande, je com­pris rapi­de­ment qu’elle con­tin­u­ait d’être tout cela une fois ses étri­ers déchaussés. Wan­da con­ser­vait à pied cette qual­ité rare de se don­ner tout entière aux choses qu’elle aimait ou qu’elle trou­vait justes. Elle était acces­si­ble, généreuse, et inspi­rait un pro­fond respect. Je ne me sou­viens pas de notre pre­mière ren­con­tre, mais je me sou­viens de son dernier au revoir. Elle por­tait ce jean rouge qu’elle était la seule à pou­voir porter avec tant de classe et m’a assuré un “ bon été plein d’excès con­trôlés”. Finale­ment, je retiens surtout mon admi­ra­tion pour elle, un génie con­trôlé mais tou­jours savam­ment négligé. »

Philip­pine Ville­main (2010)

Les années Ginette

Wanda MARTEL (10)« S’il fal­lait résumer en quelques mots le pas­sage de Wan­da à Ginette, on choisir­ait cer­taine­ment sérénité et générosité. Sérénité, et pas sim­ple­ment patience, parce que Wan­da attaquait toutes les épreuves de la pré­pa avec le même sourire, la même tran­quil­lité, la même classe. Sérénité, et pas sim­ple­ment con­fi­ance, parce que le génie de sa vision sin­gulière des événe­ments ne se résumait pas à ses facil­ités académiques cer­taines. Sérénité, et pas sim­ple­ment calme, parce qu’il en fal­lait pour oser se présen­ter à l’oral en tongs. Sérénité, et pas sim­ple­ment indif­férence, parce qu’à ses côtés on se sen­tait tous égale­ment en paix et en sécu­rité. Générosité, et pas sim­ple­ment gen­til­lesse, parce que Wan­da, avec une lib­erté de ton toute sin­gulière, avait cette habileté à nous remet­tre dans le droit chemin lorsque nous nous en écar­tions. Générosité, et pas sim­ple­ment indul­gence, parce que son ami­tié, à part entre toutes, exigeait une sincérité et une authen­tic­ité absolues et sans réserve. Générosité, et pas sim­ple­ment abon­dance, parce que Wan­da, qui était sol­lic­itée par tous, savait aus­si se faire rare. »

Georges Meouchy (2010) et Lucas Sauquet (2010)

Le stage militaire

« La pre­mière fois que je l’ai vue, elle dom­i­nait tout le monde du haut de son mètre qua­tre-vingt-un, ce petit air rebelle et mys­térieux qui la car­ac­térise si bien, le regard sou­vent per­du à l’horizon. Mais Wan­da, c’était avant tout un con­cen­tré de charisme, le genre de per­son­ne qui ne laisse pas indif­férent, qui entre dans votre vie pour tout cham­bouler. Quelques mois de stage mil­i­taire plus tard, j’ai décou­vert une per­son­ne généreuse, tou­jours par­tante pour faire les qua­tre cents coups, une per­son­ne de con­fi­ance sur qui j’ai tou­jours pu compter. »

Coralie Ruf­fe­nach (2010)

Commentaire

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marie-anna MASTAILrépondre
23 mai 2013 à 14 h 34 min

con­doléances
Je viens d’ap­pren­dre la mort de mon par­rain et de sa fille.
J’adresse toutes mes con­doléances à toute sa famille.
Je recom­mande À Dieu leur âme .

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