Pacte d’actionnaires et transmission d’entreprise familiale

Dossier : Les X et le droitMagazine N°625 Mai 2007
Par Christophe PICHARD (85)

Le pacte d’ac­tion­naires est un out­il juridique qui, dans bien des cas de trans­mis­sion d’en­tre­prise famil­iale, per­me­t­tra de résoudre un cer­tain nom­bre de dif­fi­cultés, ou tout au moins de les aplanir.

En effet, lors de cette trans­mis­sion, la com­po­si­tion du cap­i­tal social et la ges­tion de la société s’en trou­veront automa­tique­ment affec­tées : à côté des action­naires fon­da­teurs, vont alors coex­is­ter dif­férentes caté­gories d’ac­tion­naires dont les intérêts seront, la plu­part du temps, dif­férents et sou­vent dif­fi­ciles à concilier.

Comme cela a été présen­té dans l’ar­ti­cle con­sacré au choix de la struc­ture socié­tale, on peut sché­ma­tique­ment ren­con­tr­er trois prin­ci­pales caté­gories d’actionnaires :

  • les fon­da­teurs,
  • les action­naires actifs,
  • les action­naires passifs.
     

Une des pre­mières répons­es pour con­cili­er ces intérêts diver­gents réside dans le choix de la struc­ture socié­tale appro­priée (voir l’ar­ti­cle con­sacré à cette ques­tion). Néan­moins dans un cer­tain nom­bre de cas, le choix de cette struc­ture ne sera pas suffisant.

Dans un tel con­texte, les fon­da­teurs et autres action­naires de la société devront alors s’in­ter­roger sur l’op­por­tu­nité de con­clure un pacte d’actionnaires.

Cette étude a donc pour objet de faire une présen­ta­tion générale des pactes d’ac­tion­naires et de présen­ter plus par­ti­c­ulière­ment son intérêt dans le cadre de la trans­mis­sion d’une entre­prise familiale.

Rap­pelons tout d’abord qu’un pacte d’ac­tion­naires est un con­trat con­clu entre action­naires d’une même société, en dehors des statuts. Son con­tenu peut être extrême­ment vari­able : il peut en effet répon­dre à une mul­ti­tude de sit­u­a­tions et de souhaits exprimés par cer­tains action­naires. Un pacte peut d’ailleurs ne con­cern­er qu’une par­tie d’en­tre eux. En fait, avant tout, le pacte d’ac­tion­naires doit per­me­t­tre de régir de façon har­monieuse les rela­tions entre les dif­férents action­naires d’une même société. 

Contenu du pacte

Dans le cadre de la trans­mis­sion d’une entre­prise famil­iale, le pacte d’ac­tion­naires aura générale­ment pour objet de fix­er cer­taines règles dans les domaines opéra­tionnels, financiers et capitalistiques.

Pré­cisons tout de suite que nous n’é­tudierons pas ici la valid­ité juridique de cha­cune de ces dis­po­si­tions compte tenu du cadre lim­ité de cette présentation.

Clauses opérationnelles

Les dis­po­si­tions à car­ac­tère opéra­tionnel por­tent sur le mode de fonc­tion­nement et de ges­tion de la société. Ces claus­es pour­ront ain­si concerner :

  • l’or­gan­i­sa­tion et le fonc­tion­nement de la société,
  • les pou­voirs des dirigeants,
  • la désig­na­tion des dirigeants,
  • l’in­for­ma­tion ou la con­sul­ta­tion des action­naires, et en par­ti­c­uli­er des action­naires non impliqués dans la gestion.
     

Ces claus­es pour­ront par­fois pren­dre la forme de con­ven­tion de vote sur cer­taines déci­sions. Enfin, de telles claus­es pour­raient égale­ment impos­er des engage­ments de non-con­cur­rence à cer­tains actionnaires.

Clauses financières

En la matière, une des pre­mières claus­es qui intéressera les action­naires, en par­ti­c­uli­er les action­naires pas­sifs, portera sur la dis­tri­b­u­tion de div­i­den­des. Clas­sique­ment, cer­tains action­naires souhait­ent impos­er par exem­ple le verse­ment oblig­a­toire d’un cer­tain pour­cent­age du béné­fice annuel. Cer­tains souhaiteront à l’in­verse prévoir une inter­dic­tion de dis­tri­b­u­tion pen­dant une cer­taine péri­ode. Cette clause s’avère d’ailleurs sou­vent dif­fi­cile à négocier.

Dans ce domaine financier, les pactes d’ac­tion­naires peu­vent avoir égale­ment pour voca­tion de régir les modal­ités de finance­ment de l’en­tre­prise famil­iale. En effet, indépen­dam­ment de la répar­ti­tion des actions entre les dif­férents mem­bres de la famille, il peut s’avér­er néces­saire d’ap­porter des fonds en compte courant d’ac­tion­naires. La sit­u­a­tion per­son­nelle de cha­cun fera que cette répar­ti­tion sera déli­cate à met­tre au point. Néan­moins, il sera sou­vent utile de prévoir les engage­ments des action­naires en la matière. Si les engage­ments de cer­tains sont plus impor­tants, il pour­rait être prévu des con­trepar­ties. Les actions de préférence pour­raient d’ailleurs s’avér­er utiles pour com­pléter ce dispositif.

Enfin, d’autres dis­po­si­tions con­cer­nant les modal­ités de réal­i­sa­tion d’in­vestisse­ments nou­veaux excé­dant la ges­tion ordi­naire et courante de la société pour­ront égale­ment être prévues. Ces claus­es peu­vent d’ailleurs relever aus­si du domaine opérationnel.

Clauses capitalistiques

Dans ce domaine, l’imag­i­na­tion des prati­ciens paraît sans lim­ite pour répon­dre aux dif­férents besoins exprimés par les action­naires de sociétés famil­iales. Sans vouloir faire une liste exhaus­tive des dif­férents types de claus­es pos­si­bles que l’on peut ren­con­tr­er à ce titre, on peut néan­moins citer pêle-mêle :

  • les claus­es d’a­gré­ment, qui per­me­t­tent d’éviter l’en­trée d’ac­tion­naires ” indésirables “,
  • les droits de préemp­tion, qui don­neront un droit d’achat pri­or­i­taire aux action­naires en cas de pro­jet de ces­sion d’ac­tions au prof­it d’un tiers,
  • les claus­es d’i­nal­ién­abil­ité, inter­dis­ant les ces­sions d’actions,
  • les claus­es dites ” antidi­lu­tion “, per­me­t­tant à cer­tains action­naires de main­tenir leur pour­cent­age de déten­tion du capital,
  • les claus­es dites ” pari pas­su “, per­me­t­tant à cer­tains action­naires de béné­fici­er des mêmes con­di­tions que celles qui seraient pro­posées à un nou­v­el actionnaire-investisseur,
  • les claus­es d’ex­clu­sion, ayant voca­tion à oblig­er un action­naire à céder sa par­tic­i­pa­tion dans cer­tains cas,
  • les claus­es de sor­ties (notam­ment Drag Along Right et Tag Along Right) qui régis­sent les droits et oblig­a­tions en matière de ces­sion d’ac­tions selon dif­férentes hypothèses.
     

Ces claus­es ont générale­ment voca­tion à assur­er une cer­taine sta­bil­ité dans la répar­ti­tion du cap­i­tal social ou à amé­nag­er les con­di­tions dans lesquelles cette répar­ti­tion pour­ra évoluer.

En effet, en pre­mier lieu, il est sou­vent cap­i­tal qu’un tiers non désiré ne puisse pas devenir action­naire sans l’ac­cord des autres, et ce plus par­ti­c­ulière­ment dans un cadre familial.

En sec­ond lieu, il est sou­vent indis­pens­able dans les sociétés famil­iales que cer­tains action­naires ne soient pas ” pris­on­niers ” de leur par­tic­i­pa­tion et qu’ils puis­sent effec­tive­ment céder celle-ci si néces­saire, au regard notam­ment de leur sit­u­a­tion personnelle.

En troisième lieu, si un groupe d’ac­tion­naires estime néces­saire de céder l’ensem­ble des actions à un repre­neur, il peut s’avér­er utile de pou­voir impos­er aux autres action­naires de ven­dre leur par­tic­i­pa­tion simultanément. 

Intérêt d’un pacte extrastatutaire

Lors de la trans­mis­sion d’une entre­prise famil­iale, il fau­dra au préal­able s’in­ter­roger sur les avan­tages et incon­vénients d’un pacte extrastatu­taire par rap­port à des statuts appro­priés. Cette ques­tion est d’au­tant plus d’ac­tu­al­ité depuis la banal­i­sa­tion de la SAS. La SAS offre en effet aux action­naires une très grande sou­p­lesse pour définir le con­tenu des statuts. Dans un pre­mier temps, cer­tains prati­ciens ont d’ailleurs pu penser que les pactes d’ac­tion­naires seraient peut-être amenés à dis­paraître, les statuts de SAS reprenant les claus­es fig­u­rant aupar­a­vant dans les pactes. On s’aperçoit en fait qu’il n’en est rien et que ces pactes ont tou­jours leur utilité.

L’intérêt des clauses statutaires

À cet égard, on con­state tout d’abord que, d’une façon générale, les claus­es statu­taires auront plus de poids que les claus­es extrastatu­taires, et ce, pour plusieurs raisons :

  • les statuts régis­sent la société dans son ensem­ble et sont donc oppos­ables à l’ensem­ble des action­naires. La déten­tion d’ac­tions impose en effet à chaque action­naire de respecter les statuts ;
  • les sanc­tions du non-respect d’une clause statu­taire pour­ront con­duire à l’an­nu­la­tion de cer­taines opéra­tions alors que la sanc­tion du non-respect d’un pacte d’ac­tion­naires, dans la majeure par­tie des cas, se résout en dom­mages et intérêts.
     

Ain­si à titre d’ex­em­ple, si les statuts d’une SA ou d’une SAS prévoient une clause d’a­gré­ment, un action­naire cédant ses actions sans la respecter pour­ra voir la ces­sion annulée et ce, même si le tiers acquéreur est de bonne foi. À l’in­verse, si une clause d’a­gré­ment est prévue dans un pacte d’ac­tion­naires, sa vio­la­tion ne con­duira pas néces­saire­ment à l’an­nu­la­tion de la ces­sion, mais sans doute seule­ment à des dom­mages et intérêts.

  • au con­traire des statuts, un pacte d’ac­tion­naires au même titre que tout con­trat ne lie que ses sig­nataires. Dans cer­tains cas, le pacte ne con­cern­era d’ailleurs qu’un nom­bre lim­ité d’ac­tion­naires (voir Infra § 4).

L’intérêt du pacte d’actionnaires

Mal­gré la force des claus­es statu­taires, le recours au pacte d’ac­tion­naires peut se jus­ti­fi­er pour de mul­ti­ples raisons :

  • la con­fi­den­tial­ité : en effet, les statuts d’une société sont déposés au greffe du tri­bunal de com­merce et toute per­son­ne peut en obtenir une copie. Les action­naires d’une entre­prise famil­iale recherchent bien sou­vent au con­traire la dis­cré­tion dans la ges­tion de leurs affaires, la répar­ti­tion du pou­voir et les modal­ités du con­trôle du cap­i­tal. Un pacte d’ac­tion­naires, qui est un con­trat con­clu entre des per­son­nes privées, per­me­t­tra d’éviter cet écueil puisqu’il n’a pas voca­tion à être pub­lié. On notera toute­fois sur ce point que les claus­es d’un pacte d’ac­tion­naires por­tant sur les con­di­tions de ces­sion et d’ac­qui­si­tion d’ac­tions de sociétés cotées au-delà d’un cer­tain seuil doivent être portées à la con­nais­sance de l’AMF qui en assure la pub­lic­ité, con­for­mé­ment à l’ar­ti­cle L.233–11 du code de commerce ;
  • un périmètre dis­tinct des claus­es statu­taires : compte tenu de cer­taines con­traintes, il appa­raît par­fois impos­si­ble de con­cili­er les intérêts de cha­cun dans les statuts. La solu­tion pour éviter un blocage dans une telle sit­u­a­tion sera d’in­clure dans les statuts les dis­po­si­tions légales oblig­a­toires et éventuelle­ment cer­taines dis­po­si­tions sur lesquelles les dif­férents action­naires pour­ront s’en­ten­dre. Pour le sur­plus, les action­naires qui le souhait­ent pour­ront con­venir de dis­po­si­tions extrastatu­taires dans un pacte qui ne con­cern­era alors que les action­naires qui auront bien voulu y souscrire ;
  • l’adapt­abil­ité : les statuts, une fois qu’ils ont été adop­tés par les action­naires, ne peu­vent pas être mod­i­fiés aus­si sim­ple­ment qu’un pacte d’ac­tion­naires. En effet, les dis­po­si­tions d’un pacte d’ac­tion­naires lieront seule­ment les par­ties sig­nataires et pour­ront être mod­i­fiées très sim­ple­ment si l’ensem­ble des par­ties sig­nataires en conviennent ;
  • la durée : les par­ties au pacte sont libres de fix­er la durée de ce pacte dans cer­taines lim­ites alors que les statuts s’ap­pliquent pen­dant toute la durée de la société. Dans cer­taines sit­u­a­tions, un pacte n’a ain­si qu’une voca­tion temporaire.

Validité du pacte d’actionnaires

La valid­ité d’un pacte d’ac­tion­naires doit s’ap­préci­er à deux niveaux : tout d’abord la valid­ité même du pacte et ensuite la valid­ité de cha­cune des dis­po­si­tions qui peu­vent fig­ur­er dans le pacte.

Validité de principe en droit des contrats

Le pacte d’ac­tion­naires est avant tout une con­ven­tion con­clue entre dif­férentes par­ties. En tant que tels, les pactes d’ac­tion­naires sont donc soumis au droit général des con­trats et, en par­ti­c­uli­er, aux arti­cles 1101 et suiv­ants du Code civil.

Con­for­mé­ment aux dis­po­si­tions de l’ar­ti­cle 1108 du Code civ­il, qua­tre con­di­tions sont essen­tielles pour la valid­ité d’une convention :

  • le con­sen­te­ment des parties,
  • la capac­ité de contracter,
  • un objet cer­tain for­mant la matière de l’engagement,
  • une cause licite dans l’obligation.
     

Les trois pre­mières con­di­tions ne présen­tent pas de prob­lèmes spé­ci­fiques au regard du pacte d’ac­tion­naires. Toute­fois, lors de la négo­ci­a­tion et par­ti­c­ulière­ment entre mem­bres d’une même famille, il fau­dra s’at­tach­er à respecter ces con­di­tions, notam­ment sur le con­sen­te­ment de cha­cune des parties.

Les action­naires ayant une part active dans la ges­tion de la société et béné­fi­ciant de ce fait d’un cer­tain nom­bre d’in­for­ma­tions aux­quelles les autres action­naires n’au­raient pas accès devront être par­ti­c­ulière­ment atten­tifs sur ce point, surtout s’il y a des mineurs dans la famille. En effet, il ne faudrait pas qu’une réten­tion d’in­for­ma­tions de leur part puisse met­tre en dan­ger le pacte d’ac­tion­naires et que les autres action­naires utilisent ce moyen pour en obtenir la nullité.

La qua­trième con­di­tion a été validée à plusieurs repris­es par la jurispru­dence. La Cour de cas­sa­tion l’a encore fait dans une déci­sion rel­a­tive­ment récente du 7 jan­vi­er 2004 et a jugé que : ” Les con­ven­tions entre action­naires sont val­ables lorsqu’elles ne sont pas con­traires à une règle d’or­dre pub­lic, à une stip­u­la­tion impéra­tive des statuts ou à l’in­térêt social. ” (Cas­sa­tion com­mer­ciale, 7 jan­vi­er 2004, N° 00–11 692).

La validité des clauses du pacte

Si la valid­ité de principe d’un pacte d’ac­tion­naires sem­ble claire­ment établie, il n’en va pas de même des dif­férentes claus­es qui peu­vent y fig­ur­er. La déci­sion de la Cour de cas­sa­tion du 7 jan­vi­er 2004 préc­itée a rap­pelé avec justesse que les con­ven­tions entre action­naires sont val­ables lorsqu’elles ne sont pas con­traires à :

  • une règle d’or­dre public,
  • une stip­u­la­tion impéra­tive des statuts,
  • l’in­térêt social.

L’ordre public

Le respect du principe de l’or­dre pub­lic devra s’ap­préci­er au cas par cas et il est dif­fi­cile d’être exhaus­tif en la matière. À titre d’ex­em­ples, on peut toute­fois citer le cas d’un cer­tain nom­bre de claus­es illicites, car con­traires aux règles d’or­dre public :

  • les claus­es aux ter­mes desquelles cer­tains pou­voirs du con­seil d’ad­min­is­tra­tion seraient dévo­lus aux assem­blées générales et réciproquement ;
  • les claus­es qui lim­it­eraient le principe de révo­ca­bil­ité ad nutum des admin­is­tra­teurs, du prési­dent et du directeur général ;
  • les claus­es qui pour­raient con­duire à lim­iter le droit des action­naires de par­ticiper aux assemblées ;
  • les claus­es stip­u­lant au prof­it de cer­tains action­naires un intérêt fixe au titre de leurs actions.

Les stipulations statutaires

Les claus­es qui seraient con­traires aux dis­po­si­tions statu­taires sont-elles val­ables ? Des déci­sions de la Cour de cas­sa­tion sem­blaient avoir retenu la volon­té des par­ties exprimées de façon la plus récente comme devant s’ap­pli­quer (Cas­sa­tion com­mer­ciale, 17 mars 1982).

Une autre approche con­siste au con­traire à con­sid­ér­er que les statuts régis­sent le fonc­tion­nement de la société dans son ensem­ble. Dans ces con­di­tions, cer­tains action­naires ne devraient pas avoir la pos­si­bil­ité de déroger à ce mode de fonc­tion­nement par des dis­po­si­tions extrastatu­taires. Il sem­ble bien que ce soit main­tenant la posi­tion adop­tée par la Cour de cas­sa­tion, au moins pour les dis­po­si­tions impéra­tives des statuts (en ce sens, l’ar­rêt préc­ité du 7 jan­vi­er 2004 et égale­ment Cas­sa­tion com­mer­ciale du 15 févri­er 1994, n° 92–12 330 et 92–12 991).

En l’é­tat actuel de la jurispru­dence, il sem­ble donc établi que les dis­po­si­tions extrastatu­taires ne doivent pas être con­traires aux statuts. Les incon­vénients de cette posi­tion pour­ront cer­taine­ment être sen­si­bles dans le cas d’une SA puisque cette forme de société est par­ti­c­ulière­ment régle­men­tée par le code de com­merce. En revanche, ils seront cer­taine­ment atténués dans le cas d’une SAS puisque les statuts pour­ront être amé­nagés beau­coup plus librement.

L’intérêt social

L’oblig­a­tion rel­a­tive à l’in­térêt social sera en général respec­tée. En effet, même si cer­tains action­naires peu­vent avoir des intérêts par­ti­c­uliers diver­gents, ils auront nor­male­ment tous à cœur de préserv­er l’in­térêt social.

Indépen­dam­ment de ces trois con­di­tions générales, il faut s’in­ter­roger égale­ment de façon appro­fondie pour cha­cune des claus­es afin de s’as­sur­er de leur valid­ité par rap­port à un cer­tain nom­bre de dis­po­si­tions légales par­ti­c­ulières ain­si que l’in­ter­pré­ta­tion jurispru­den­tielle qui en est faite. 

Sanctions des violations d’un pacte d’actionnaires

La con­clu­sion d’un pacte d’ac­tion­naires d’une façon générale n’a de sens que si la vio­la­tion par l’un des sig­nataires peut être sanc­tion­née efficacement.

Con­for­mé­ment aux dis­po­si­tions du Code civ­il, trois types de sanc­tions sont envisageables :

  • l’ob­ten­tion de dom­mages et intérêts (arti­cle 1142 du Code civil),
  • l’an­nu­la­tion de l’acte litigieux (arti­cle 1143 du Code civil),
  • l’exé­cu­tion for­cée du pacte (arti­cle 1144 du Code civil).

Dommages et intérêts

La vio­la­tion du pacte d’ac­tion­naires par l’un des sig­nataires don­nera lieu, dans la majeure par­tie des cas, à des dom­mages et intérêts au prof­it des autres par­ties au pacte ayant subi un préjudice.

En effet, dans tous les cas où un tiers inter­vien­dra dans l’acte litigieux (par exem­ple le ces­sion­naire qui aura acquis des actions d’une par­tie au pacte en vio­la­tion d’un droit de préemp­tion ou d’une clause d’a­gré­ment), les par­ties lésées ne pour­ront pas obtenir l’an­nu­la­tion de l’acte car le ces­sion­naire, n’é­tant pas par­tie au pacte, n’a pas à être sanc­tion­né. Toute­fois, si le tiers est de mau­vaise foi, une action en annu­la­tion pour­rait avoir des chances d’aboutir (voir ci-dessous).

Il appar­tien­dra donc aux par­ties, s’es­ti­mant lésées du fait d’une vio­la­tion du pacte, d’en deman­der répa­ra­tion à la par­tie défail­lante. Une dif­fi­culté sup­plé­men­taire con­sis­tera à jus­ti­fi­er du préju­dice subi par les action­naires lésés.

L’annulation de l’acte litigieux

Dans cer­tains cas par­ti­c­uliers, les par­ties lésées pour­ront obtenir l’an­nu­la­tion de l’acte litigieux. En matière de ces­sion d’ac­tions réal­isée en vio­la­tion des dis­po­si­tions du pacte, une con­di­tion pour obtenir la nul­lité de la ces­sion est la col­lu­sion fraud­uleuse entre le cédant et le ces­sion­naire. En d’autres ter­mes, il fau­dra prou­ver la con­nais­sance du pacte par le tiers acquéreur et sa vio­la­tion délibérée.

Toute­fois, la jurispru­dence paraît dif­fi­cile à cern­er en la matière. En effet, cer­taines déci­sions vont dans le sens d’une annu­la­tion de la ces­sion (Cas­sa­tion, 3e civile, 26 octo­bre 1982 Bull. civ. IV n° 208 et Cas­sa­tion com­mer­ciale, 7 jan­vi­er 2004, n° 00–11-691). D’autres déci­sions ne sem­blent pas accorder cette annu­la­tion, mais seule­ment des dom­mages et intérêts, même en cas de col­lu­sion fraud­uleuse (Cas­sa­tion, 3e civile, 30 avril 1997, n° 95–17 598).

Une déci­sion récente de la Cour de Cas­sa­tion réu­nie en Cham­bre mixte con­sid­ère main­tenant que le béné­fi­ci­aire d’un pacte de préférence est en droit d’ex­iger l’an­nu­la­tion du con­trat passé avec un tiers en mécon­nais­sance de ses droits et d’obtenir sa sub­sti­tu­tion avec l’ac­quéreur si ce tiers avait con­nais­sance de l’ex­is­tence dudit pacte et de l’in­ten­tion du béné­fi­ci­aire de s’en pré­val­oir (Cas­sa­tion, Cham­bre mixte, 26 mai 2006, n° 240).

L’exécution forcée

Il sem­ble égale­ment envis­age­able dans cer­tains cas de deman­der l’exé­cu­tion for­cée à l’ac­tion­naire défail­lant, c’est-à-dire obtenir une déci­sion judi­ci­aire l’oblig­eant à exé­cuter ses engage­ments. Toute­fois, la jurispru­dence paraît incer­taine sur cette question. 

Conclusion

Comme nous avons eu l’oc­ca­sion de le présen­ter dans le cadre de l’ar­ti­cle relatif à la struc­ture socié­tale, la trans­mis­sion d’une entre­prise famil­iale est une opéra­tion rel­a­tive­ment com­plexe d’au­tant plus déli­cate à met­tre en place qu’elle se fera au prof­it de mem­bres d’une même famille.

Dans ce cadre, un pacte d’ac­tion­naires pour­ra s’avér­er un out­il pré­cieux du fait de sa sou­p­lesse : en d’autres ter­mes, il per­me­t­tra bien sou­vent de trou­ver un équili­bre entre les dif­férents intérêts des par­ties prenantes et plus par­ti­c­ulière­ment de par­venir à une solu­tion réelle­ment per­son­nal­isée, indis­pens­able à une bonne trans­mis­sion d’une entre­prise à car­ac­tère familial.

Toute­fois, les aspects tech­niques ne seront pas tou­jours les con­traintes les plus dif­fi­ciles à gér­er et bien sou­vent le critère affec­tif aura une impor­tance toute par­ti­c­ulière. Dès lors, pour réus­sir la trans­mis­sion de leur entre­prise, les fon­da­teurs auront sans doute intérêt à associ­er l’ensem­ble des mem­bres de la famille con­cernés à tous les stades de la réflex­ion et de la mise en place de la nou­velle organisation.

Cette dimen­sion néces­sit­era en fait du temps et de la péd­a­gogie pour obtenir l’ad­hé­sion de l’ensem­ble des mem­bres de la famille à la solu­tion trou­vée, élé­ment indis­pens­able pour assur­er la péren­nité de l’en­tre­prise à long terme.

Pichard & Asso­ciés 122, avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine.
christophe.pichard@pichard.com

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