Nathalie Kosciusko-Morizet (1992)

Dossier : Femmes de polytechniqueMagazine N°Nathalie Kosciusko-Morizet (1992) Par Solveig GODELUCK

« Je suis recon­nais­sante envers l’État français d’avoir su garder l’enseignement ouvert à Poly­tech­nique, mal­gré la crise et la pres­sion générale pour tech­ni­cis­er les études. » Nathalie Kosciusko-Morizet mar­que un temps, appuie le mes­sage d’un de ces regards intens­es qui séduisent ou fusil­lent selon le moment. Puis la poli­tique rede­vient qua­si-instan­ta­né­ment la jeune femme naturelle et directe avec qui l’on dis­cute de la com­plex­ité selon Edgar Morin ou de la taille des arbres fruitiers palis­sés à l’ancienne. Mme la Min­istre, mèch­es folles au vent, se penche sur le pare-brise de sa vieille Ford Fies­ta verte – un don de sa belle-mère, pour rem­plac­er la berline avec chauf­feur du gou­verne­ment : « Et en plus, j’ai une prune ! » s’excuse-t-elle. NKM n’est pas femme à se laiss­er enfer­mer dans un stéréo­type. C’est pourquoi elle souhaite que l’X, où elle a été admise en 1992, con­tin­ue comme elle à embrass­er le champ des possibles.

Des chemins de traverse

À l’École, déjà, NKM a pris des chemins de tra­verse. Majeure d’économie, chimie, biolo­gie : elle choisit des enseigne­ments d’ouverture plutôt que la voie royale. Elle se pas­sionne aus­si pour les human­ités grâce à des pro­fesseurs comme Alain Finkielkraut ou Jean-Pierre Dupuy. C’était pour­tant pour faire de la géométrie qu’elle avait choisi sa pré­pa – un heureux « malen­ten­du » puisqu’il n’y a en réal­ité guère de géométrie en maths spé. Pour ne pas per­dre une miette de l’X, elle fait aus­si le plein de sport et de voy­ages : équi­tation, séjour au Cam­bodge avec une ONG puis en Inde. Elle veut effectuer son ser­vice dans la marine. Ce sera donc un navire sta­tion­né à Dji­bouti. Offi­cielle­ment, les femmes n’ont tou­jours pas d’existence légale à bord, mais elles peu­vent y mon­ter si elles por­tent l’uniforme des hommes. « Ce n’était pas pra­tique, puisqu’il s’agissait d’un short très court et d’une chemisette vrai­ment échan­crée », sourit NKM. La vie mil­i­taire a ses charmes.

Dans sa pro­mo, se sou­vient-elle, il y avait près de 7 % de femmes. « Nous avions remar­qué que cela cor­re­spondait exacte­ment au nom­bre de cham­bres disponibles pour les filles, iro­nise-t-elle. Mais c’était surtout l’exacte pro­por­tion de can­di­dates au con­cours d’entrée. » Ni mieux, ni pire qu’en pré­pa. Une si faible représen­ta­tiv­ité ne peut toute­fois sat­is­faire la lec­trice des deux Simone, Veil et Beau­voir. « Je suis une fémin­iste non dif­féren­tial­iste. Quand on com­mence par dire que vous êtes plus douce, on vous can­tonne ensuite à vous occu­per des places en crèche », cri­tique-t-elle. L’exigence de par­ité ne répond pas seule­ment au besoin de faire jus­tice aux femmes, mais aus­si à celui d’être plus effi­cace : « Les milieux non mixtes sont moins créat­ifs, car il y manque la moitié de l’humanité », explique NKM. Elle égratigne au pas­sage les par­tis poli­tiques qui font mine d’appliquer la par­ité mais attribuent aux femmes les cir­con­scrip­tions les plus fragiles.

Un vrai modèle français

Mal­gré ces ava­nies, la mère de deux jeunes garçons préfère mille fois être une femme en France qu’en Alle­magne ou au Japon. « Dans ces pays, on vous encour­age à arrêter de tra­vailler pour élever vos enfants. Du coup, les mères qui gar­dent leur emploi sont stig­ma­tisées, comme si leur petit allait devenir un cas social. Elles sont acculées à un choix insup­port­able. » Et la natal­ité est en berne, alors qu’elle demeure vigoureuse dans l’Hexagone. « Il y a un vrai mod­èle français ! » s’enthousiasme NKM, en racon­tant que l’empereur du Japon a un jour dépêché une émis­saire auprès du gou­verne­ment français pour étudi­er cet éton­nant phénomène. En tout cas, souligne la mil­i­tante, la clé de la place de la femme dans nos sociétés n’est pas le partage des tâch­es dans le cou­ple, con­traire­ment à une idée répan­due. Elle réside dans la quête de l’autonomie par le tra­vail : « C’est une voie de bon­heur plus effi­cace que d’être con­trainte à rester au foy­er si on ne le souhaite pas, et à le regret­ter, car alors les enfants le sentent. »

Et tant pis si les agen­das per­son­nel et pro­fes­sion­nel cog­nent ; il ne faut se fer­mer aucune porte. Quand elle mène cam­pagne pour l’UMP, cette musi­ci­enne à éclipses con­tin­ue à soign­er de temps à autre son jardin bio, fait des longueurs dans la piscine de la ville dont elle est maire, Longjumeau, et si pos­si­ble baigne ses enfants le soir.

La passion écologique

Un éclec­tisme indis­so­cia­ble de la pas­sion écologique qui l’anime. Avant d’initier le Grenelle de l’Environnement au gou­verne­ment Fil­lon, la poly­tech­ni­ci­enne, égale­ment ingénieur du génie rur­al des eaux et des forêts, a bâti la doc­trine verte de la droite. C’est ain­si, en frap­pant à la porte du RPR de Jacques Chirac pour offrir ses idées, qu’elle est arrivée en poli­tique. « L’écologie était alors un champ vierge de la vie des par­tis. L’erreur des dirigeants était de croire qu’il s’agissait d’un sujet tech­nique. Quand les ressources nationales s’épuisent, les poubelles débor­dent, le prix de l’essence flambe, c’est la preuve que les prob­lé­ma­tiques écologiques tra­versent tout le spec­tre économique et social », plaide-t-elle. Et pour traiter cette com­plex­ité, il faut une grande var­iété de com­pé­tences, des gens capa­bles de rap­procher les dis­ci­plines. « Poly­tech­nique ren­con­tre cette aspi­ra­tion », approu­ve la jeune femme. Les can­di­dats sauveteurs de planète n’ont plus qu’à se présen­ter au con­cours de Polytechnique.

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