L’IA, notre meilleure alliée dans la chasse aux fraudeurs de l’assurance

L’IA, notre meilleure alliée dans la chasse aux fraudeurs de l’assurance

Dossier : AssuranceMagazine N°793 Mars 2024
Par Jérémy JAWISH (X08)

L’intelligence arti­fi­cielle est un outil puis­sant pour débus­quer les fraudes à l’assurance. Or la fraude est dans ce sec­teur un pro­blème majeur, tant est aisé le mon­tage d’une opé­ra­tion à cette fin. Ce fai­sant, l’IA rend ser­vice aux com­pa­gnies d’assurances aux­quelles elle fait faire des éco­no­mies signi­fi­ca­tives, mais elle sert aus­si les assu­rés, qui ont tout inté­rêt à une réduc­tion des coûts, donc des primes à payer.

En tant que fon­da­teur d’une assur­tech fran­çaise qui four­nit au sec­teur de l’assurance une tech­no­lo­gie d’opti­misation des déci­sions basée sur l’intelligence arti­fi­cielle (IA), je suis per­sua­dé que l’innovation pour l’innova­tion est une erreur et que les entre­prises qui par­vien­dront à s’imposer au cours des pro­chaines années sont celles qui pro­po­se­ront des solu­tions à des pro­blèmes réels ren­con­trés par la socié­té. Je ne parle pas uni­que­ment de celles qui s’adressent en prio­ri­té aux consom­ma­teurs, dont les apports sont les plus visibles, mais éga­le­ment des entre­prises qui cherchent à faci­li­ter le quo­ti­dien d’une grande par­tie de la popu­la­tion en ciblant un public plus spé­ci­fique, comme c’est le cas dans le sec­teur de l’assurance.

Donner du sens aux données

La mise en appli­ca­tion de l’intelligence arti­fi­cielle pour ser­vir au mieux les acteurs de l’assurance, notam­ment en les aidant à lut­ter contre la fraude, les abus et les paie­ments à tort, est un excellent exemple. Sur l’ensemble des pro­ces­sus cri­tiques liés aux dif­fé­rentes étapes d’une police, l’IA est capable d’identifier les ano­ma­lies, les com­por­te­ments sus­pects, les sché­mas de fraude, etc.

“La fraude représente plus de deux milliards et demi d’euros de pertes par an, rien qu’en France.”

Elle per­met de don­ner du sens aux don­nées, qui affluent dans des quan­ti­tés tou­jours plus impor­tantes, et de les trans­for­mer en infor­ma­tions action­nables. Un véri­table game-chan­ger, quand on sait que la fraude consti­tue une pro­blé­ma­tique majeure pour le sec­teur, repré­sen­tant plus de deux mil­liards et demi d’euros de pertes par an, rien qu’en France – sans comp­ter l’assurance mala­die et la pré­voyance. Une charge qui se réper­cute sur les primes que paient les assurés.


Lire aus­si : L’assurance fran­çaise en quelques chiffres


Fraude aux assurances
Des frau­deurs sous­crivent à plu­sieurs polices d’assurance habi­ta­tion en uti­li­sant de fausses iden­ti­tés et déclarent pour chaque pro­fil un dégât des eaux.

La fraude courante

Mais de quels types de fraude parle-t-on exac­te­ment ? Celle qui vient natu­rel­le­ment à l’esprit de toute per­sonne ayant déjà connu un dégât des eaux dans son salon, ou un acci­dent de voi­ture sans gra­vi­té, est la fraude aux sinistres de gré à gré, c’est-à-dire dont la ges­tion est plus ou moins auto­ma­ti­sée et dont le mon­tant ne dépasse géné­ra­le­ment pas les 1 500 euros envi­ron. Dans ces cas-là, il est cou­rant que les assu­reurs n’envoient aucun expert sur place, afin de limi­ter les frais, et rem­boursent direc­te­ment leurs clients sur base d’un simple devis, voire d’une simple des­crip­tion des dommages. 

Les frau­deurs sous­crivent alors à plu­sieurs polices d’assurance habi­ta­tion en uti­li­sant de fausses iden­ti­tés – une manœuvre gran­de­ment faci­li­tée par les offres de sous­crip­tion en ligne, entiè­re­ment numé­ri­sées, qui sont deve­nues mon­naie cou­rante –, patientent quelques mois et déclarent pour chaque pro­fil un dégât des eaux au mon­tant juste infé­rieur au seuil fixé par la com­pa­gnie pour le trai­te­ment en gré à gré. Ils rési­lient ensuite leur contrat après s’être fait rem­bour­ser, et dis­pa­raissent dans la nature.

Des fraudeurs très créatifs

Cer­tains frau­deurs vont bien plus loin, ache­tant par exemple des voi­tures acci­den­tées à bas prix dans des pays fron­ta­liers – où il est per­mis de payer en liquide –, les imma­tri­cu­lant et les décla­rant comme des véhi­cules en bon état, avant de les brû­ler ou de les acci­den­ter pour se faire rem­bour­ser le prix de véhi­cules neufs.

Des réseaux de frau­deurs orga­ni­sés n’hésitent pas à brû­ler des mai­sons pour blan­chir de l’argent et réa­li­ser des plus-values, selon le mode opé­ra­toire sui­vant : un indi­vi­du achète une mai­son en mau­vais état pour un prix rai­son­nable, de pré­fé­rence dans un endroit iso­lé, la meuble avec de l’électroménager de seconde main et du mobi­lier abor­dable, et y fait mettre le feu par un com­plice, en pre­nant soin d’avoir un ali­bi solide. Tenus de rem­bour­ser la somme néces­saire à la remise en état de la mai­son, les assu­reurs versent aux escrocs jusqu’à trois ou quatre fois son prix d’achat – et ceux-ci bien évi­dem­ment ne la recons­truisent jamais.

Certains fraudeurs achètent des voitures accidentées à bas prix dans des pays frontaliers avant de les brûler pour se faire rembourser par l'assurance le prix de véhicules neufs.
Cer­tains frau­deurs achètent des voi­tures acci­den­tées à bas prix dans des pays fron­ta­liers avant de les brû­ler pour se faire rem­bour­ser par l’as­su­rance le prix de véhi­cules neufs.

Débusquer les fraudes

Pour tous ces dif­fé­rents cas, l’intelligence arti­fi­cielle est capable de croi­ser les don­nées rela­tives aux sinistres et aux polices d’assurance à des don­nées externes, de les ana­ly­ser et d’émettre un score de sus­pi­cion qui aide­ra ensuite les ges­tion­naires à inves­ti­guer en vue de confir­mer l’existence de la fraude. Elle détec­te­ra par exemple qu’un même compte ban­caire a été uti­li­sé plu­sieurs fois par dif­fé­rentes per­sonnes pour obte­nir un rem­bour­se­ment ou que les mêmes numé­ros de télé­phone, adresses élec­tro­niques ou autres infor­ma­tions per­son­nelles sont repris sur plu­sieurs polices.

Elle est aus­si capable d’établir un lien entre plu­sieurs indi­vi­dus ayant connu le même type de dom­mages sur une période déter­mi­née, de trou­ver des connexions sociales entre plu­sieurs per­sonnes concer­nées par le même type d’accident, avec des véhi­cules pro­ve­nant d’un même pays ou sur une période rela­ti­ve­ment courte. Plu­sieurs assu­rés occu­pant un même emploi ou uti­li­sant une même adresse IP et ayant subi un dom­mage iden­tique sur une période don­née pour­ront éga­le­ment lui mettre la puce à l’oreille. Enfin, l’IA peut détec­ter les fausses fac­tures – réuti­li­sa­tion de modèles iden­tique, traces de Pho­to­shop, inco­hé­rences, etc.

Servir la société

Ce serait une erreur de croire que l’IA appli­quée au sec­teur de l’assurance ne pro­fite qu’aux assu­reurs. En per­met­tant à ces der­niers d’optimiser leur prise de déci­sions de manière géné­rale, elle se rend utile aux assu­rés, à qui elle pro­met des primes plus basses et plus stables, une ges­tion tou­jours plus rapide de leurs sinistres et une plus grande empa­thie dans le pro­ces­sus. En effet, en aidant les com­pa­gnies d’assurances à lut­ter contre la fraude, l’intelligence arti­fi­cielle leur per­met d’en faire plus pour leurs assu­rés. Elle leur pro­cure du temps pour créer de nou­veaux pro­duits et ser­vices, ou encore pour amé­lio­rer leur expé­rience client.

Son uti­li­sa­tion a ain­si un impact posi­tif sur la socié­té au sens large. La socié­té doit à tout prix conti­nuer à déve­lop­per de nou­velles solu­tions tech­no­lo­giques pour rele­ver les défis aux­quels elle se trouve confron­tée. Il peut s’agir de défis spé­ci­fiques à un sec­teur d’activité en par­ti­cu­lier, comme dans les exemples cités ci-des­sus, mais aus­si des défis socié­taux plus vastes, tels que le chan­ge­ment cli­ma­tique, l’évolution de la mobi­li­té, l’aménagement urbain, et bien d’autres.

Dans le sec­teur de l’assurance aus­si, les acteurs inno­vants doivent conti­nuer à ima­gi­ner et déve­lop­per des pro­duits à même d’aider les com­pa­gnies d’assurances dans leurs tâches quo­ti­diennes, à se rap­pro­cher encore et tou­jours plus de leurs clients et à répondre aux pro­blé­ma­tiques futures qu’elles pour­raient ren­con­trer. 

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