expert ingénieur

L’expert, un ingénieur engagé

Dossier : L'expertise judiciaireMagazine N°763 Mars 2021
Par Philippe FLEURY (59)

Le dieu du Bien chez les per­sonnes du pre­mier mil­lé­naire avant Jésus-Christ, Ahu­ra Maz­da, incite les hommes à conduire leur vie de façon à méri­ter la sagesse et le bon­heur. Or les rela­tions humaines sont source de conflits et de dif­fé­rends. C’est en cela qu’intervient l’« expert ». Le terme expert vient du latin exper­tus. L’expert est celui qui a fait ses preuves, est expé­ri­men­té, a ten­té de réa­li­ser quelque chose, a su faire valoir son droit devant la jus­tice. Ses qua­li­tés et com­pé­tences le rendent légi­time à régler les conflits et appor­ter une forme de séré­ni­té aux par­ties. À la dif­fé­rence des scien­ti­fiques qui sont dans le doute métho­dique, l’expert doit don­ner une solu­tion. Il com­plète donc l’analyse des faits par une opinion.

L’expertise est dans le lan­gage cou­rant plu­tôt une notion juri­dique. Nous n’évoquerons pas dans ce dos­sier l’autre grand volet de l’expertise : celui des choix scien­ti­fiques et tech­no­lo­giques. Mesure d’instruction, elle per­met à des spé­cia­listes (experts) de pro­cé­der à un exa­men tech­nique et d’en expo­ser le résul­tat dans un rap­port au juge. Avec le déve­lop­pe­ment des modes non judi­ciaires de règle­ment des conflits (arbi­trage, conci­lia­tion, média­tion, etc.), l’expertise va se déve­lop­per notam­ment à l’international, dyna­mi­sée par le droit anglo-saxon.

Nous ver­rons com­ment l’expert règle les conflits nés de l’activité éco­no­mique et aus­si pour­quoi son exper­tise est actuel­le­ment for­te­ment contes­tée. L’expert est seul à conduire une pro­cé­dure com­plexe qu’il doit rendre trans­pa­rente dans les détails, faute de quoi il ouvre la porte à la contes­ta­tion de ses oppo­sants. Mais cette contes­ta­tion est aus­si celle de la déci­sion pour laquelle l’expertise a été déci­dée. Les Fran­çais, en fait, ont confiance dans les ingé­nieurs et les scien­ti­fiques. Ils s’étonnent de voir que ces der­niers n’ont pas la place qu’ils devraient occu­per dans la socié­té (cf. La Jaune et la Rouge n° 737). Mais ils sont aus­si vic­times des réseaux sociaux qui déve­loppent la « pué­ri­li­té intel­lec­tuelle », selon l’expression de Gérald Bron­ner dans La démo­cra­tie des cré­dules, et ont pour carac­té­ris­tique de trans­for­mer les faits en opinions.

À la pointe de l’ingénierie par­mi d’autres, les ingé­nieurs poly­tech­ni­ciens ont une res­pon­sa­bi­li­té dans cette évo­lu­tion et devraient consi­dé­rer l’expertise comme un enga­ge­ment majeur. Cet enga­ge­ment peut être choi­si dès lors que l’on est spé­cia­li­sé dans un domaine, avec une expé­rience confir­mée (dix ans au moins) et une dis­po­ni­bi­li­té suf­fi­sante pour répondre aux sol­li­ci­ta­tions des magis­trats. En met­tant son expé­rience au ser­vice du règle­ment des conflits, l’ingénieur expé­ri­men­té assume des res­pon­sa­bi­li­tés nou­velles et stimulantes.

En quelques mots, il s’agit de main­te­nir allu­mé le feu de la sagesse d’Ahura Mazda.

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