Les incitations des pouvoirs publics, directes ou indirectes

Dossier : Le financement de l'innovationMagazine N°641 Janvier 2009
Par Florence JOSEPH
Par Marine GIRAUD

Le cofi­nance­ment par les pou­voirs publics de pro­jets de recherche et inno­va­tion en parte­nar­i­at représente l’un des prin­ci­paux out­ils inci­tat­ifs util­isés, non seule­ment en France, mais aus­si par l’ensem­ble des États membres.

REPÈRES
Il existe dif­férentes façons de pro­mou­voir l’investissement dans la recherche et le développe­ment. En France deux approches coex­is­tent et sont com­plé­men­taires : le cofi­nance­ment pub­lic de pro­jets de recherche et inno­va­tion, qui représente un finance­ment direct de l’innovation ; les crédits d’impôt liés à l’investissement financier dans ces pro­jets de recherche, qui con­stituent le finance­ment indi­rect de l’innovation.

Au niveau européen, la con­férence de Lis­bonne (en 2000) a fixé à 3 % du PIB l’ob­jec­tif d’in­vestisse­ment des États mem­bres dans la R & D, la part privée de ces investisse­ments devant représen­ter les deux tiers de l’in­vestisse­ment glob­al. Ain­si, l’Eu­rope a dégagé un bud­get de 32 mil­liards d’eu­ros pour la péri­ode 2007–2013, via le sep­tième PCRDT, pour encour­ager la coopéra­tion trans­frontal­ière et l’in­vestisse­ment des entre­pris­es dans les pro­jets en partenariat.

Pôles et labels
Les pôles de com­péti­tiv­ité, créés en 2005, organ­isent la label­li­sa­tion de pro­jets de R&D soumis par leurs adhérents. Les pro­jets label­lisés béné­fi­cient ensuite plus facile­ment de finance­ments notam­ment via le Fonds unique inter­min­istériel (FUI). Les pro­jets financés par le FUI doivent con­duire à une mise sur le marché dans les cinq ans et présen­ter des retombées économiques pour le ter­ri­toire national.

Depuis quelques années la France a ren­for­cé son pan­el de dis­posi­tifs nationaux qui vien­nent com­pléter l’of­fre européenne et transna­tionale. En plus de l’ac­tion des pôles de com­péti­tiv­ité (voir encadré), l’A­gence nationale de la recherche (ANR) finance des pro­jets nationaux de recherche fon­da­men­tale dont les retombées économiques se situent plutôt à l’hori­zon de cinq à dix ans.

Plus récem­ment, Oseo a absorbé l’A­gence de l’in­no­va­tion indus­trielle et gère aujour­d’hui le pro­gramme d’In­no­va­tion stratégique indus­trielle (ISI) qui per­met de financer des pro­jets ambitieux visant à met­tre sur le marché de nou­veaux pro­duits, procédés et ser­vices à forte valeur ajoutée et généra­teurs de croissance.

Les pro­jets issus de ce pro­gramme reçoivent générale­ment des finance­ments entre 3 et 10 mil­lions d’eu­ros. Les pro­jets durent entre trois et cinq ans.

Le pacte PME a été élu « meilleure mesure française » par la Com­mis­sion européenne

Le pacte PME, version française du SBA

En out­re, adop­té avec la loi de mod­erni­sa­tion de l’é­conomie le 23 juil­let dernier, le pacte PME — sorte de ver­sion française du Small Busi­ness Act — favorise le parte­nar­i­at entre une PME inno­vante et un grand groupe, notam­ment grâce à un finance­ment com­plé­men­taire d’Oseo.

Le pacte PME vient d’être élu ” meilleure mesure française ” par la Com­mis­sion européenne et devrait con­stituer la base du futur Small Busi­ness Act européen en cours d’élaboration.

Autre mesure : la sim­pli­fi­ca­tion des procé­dures de dépôts, défense et ges­tion des brevets, mar­ques, mod­èles et dessins, mais surtout l’abaisse­ment des rede­vances pour les sociétés de moins de 1 000 per­son­nes depuis avril 2008. Afin de s’ori­en­ter au sein de ces dis­posi­tifs, il s’ag­it avant tout pour l’en­tre­prise de bien établir sa stratégie de par­tic­i­pa­tion en fonc­tion de son pro­fil, de ses com­pé­tences et de ses objec­tifs à moyen terme.

Enfin, la suite pour­ra se con­cré­tis­er par le mon­tage d’un pro­jet, si l’en­tité souhaite être coor­di­na­trice ou l’in­té­gra­tion dans un pro­jet exis­tant, si l’en­tité souhaite être partenaire.

La con­férence de Lis­bonne a fixé les objec­tifs d’in­vestisse­ments des États membres.
Panora­ma de Lisbonne,
Hen­ry le Navigateur,
La tour de Belem.

Un diag­nos­tic en qua­tre étapes
À titre d’ex­em­ple, Alma Con­sult­ing pro­pose une phase prélim­i­naire en qua­tre étapes.
D’abord, l’in­ven­taire des com­pé­tences et des acquis tech­nologiques de l’en­tité con­sid­érée, l’ob­jec­tif étant de déter­min­er les prin­ci­paux domaines dans lesquels l’en­tité excelle ou souhaite se dévelop­per. Puis, la revue de l’é­tat de l’art dans les domaines défi­nis à l’is­sue de la pre­mière phase, qui va per­me­t­tre de déter­min­er les pos­si­bil­ités de finance­ment, les enjeux pour l’Eu­rope dans ces domaines, les acteurs majeurs, l’é­tat des lieux et la val­ori­sa­tion des résul­tats (brevets, licences, publications).
Suiv­ent une analyse de l’é­tat de l’art et la car­togra­phie des acteurs qui per­met ensuite, pour chaque axe stratégique, de posi­tion­ner l’en­tité au sein de la chaîne de valeur (four­nisseur de tech­nolo­gie, inté­gra­teur, util­isa­teur final) et d’en déduire le rôle à priv­ilégi­er, coor­don­na­teur ou partenaire.

Intégrer des réseaux

En par­al­lèle au posi­tion­nement de son pro­jet dans l’en­vi­ron­nement du finance­ment de l’in­no­va­tion, il est impor­tant pour une entre­prise, et en par­ti­c­uli­er une PME, d’in­té­gr­er des réseaux qui lui per­me­t­tront de béné­fici­er de mis­es en rela­tion et ain­si de répon­dre à des oppor­tu­nités. Notam­ment, adhér­er aux pôles de com­péti­tiv­ité dont les champs d’ac­tion cor­re­spon­dent aux thé­ma­tiques de prédilec­tion de l’en­tre­prise per­met à cette dernière de béné­fici­er d’in­for­ma­tions régulières sur les pos­si­bil­ités de finance­ment de sa R & D, de ren­con­tr­er ses parte­naires poten­tiels en région, de pro­pos­er des pro­jets pour label­li­sa­tion par le pôle, et ain­si d’obtenir plus facile­ment des financements. 

Des mesures fiscales

Une coor­di­na­tion européenne
Sur le plan européen, de nom­breuses actions de coor­di­na­tion et de sup­port (CSA) per­me­t­tent aux PME d’ac­céder plus facile­ment à l’in­for­ma­tion sur les finance­ments com­mu­nau­taires. On peut citer, par exem­ple, ” Secure Force “, dont l’ob­jec­tif est d’en­cour­ager les PME du domaine de la sécu­rité à inté­gr­er le sep­tième PCRD. Le pro­jet ” EPISTEP ” vise, quant à lui, à faciliter l’ac­cès aux plate­formes tech­nologiques européennes du domaine des TIC (e‑mobility, Artemis, Eni­ac). Le pro­jet ” Pla­ton + ” a pour voca­tion de rap­procher les sci­ences humaines et sociales des autres thé­ma­tiques de recherche (sci­ences dures) du PCRD.

Le gou­verne­ment français a égale­ment mis en place depuis de nom­breuses années des mesures fis­cales et sociales inci­ta­tives de finance­ment indi­rect des activ­ités de recherche et développement.

Par­mi ces dis­posi­tifs, le Crédit d’im­pôt recherche (CIR) et le statut de Jeune entre­prise inno­vante (JEI) occu­pent une place prépondérante et se com­plè­tent utilement.

Le statut JEI mis en place par la loi de finances pour 2004 requiert la val­i­da­tion de plusieurs critères d’éli­gi­bil­ité : avoir moins de huit ans, respecter les critères de la PME européenne (en ter­mes de taille, chiffre d’af­faires et indépen­dance), avoir un cap­i­tal détenu directe­ment ou indi­recte­ment à 50 % au moins par des per­son­nes physiques ou assim­ilées, avoir des dépens­es de recherche éli­gi­bles représen­tant au moins 15 % des charges totales de l’exercice.

Grâce à la mise en place de ce statut, les JEI béné­fi­cient d’ex­onéra­tions sociales et fis­cales. D’une part une exonéra­tion totale de charges patronales de Sécu­rité sociale pour tout le per­son­nel impliqué en recherche et développe­ment et, d’autre part, une exonéra­tion totale d’IS pen­dant les trois pre­miers exer­ci­ces béné­fi­ci­aires et à 50 % pen­dant les deux exer­ci­ces béné­fi­ci­aires suiv­ants. À cela s’a­joute une exonéra­tion totale d’I­FA pen­dant toute la durée du statut, et des exonéra­tions d’im­pôts locaux (taxe pro­fes­sion­nelle et taxe fon­cière) sur délibéra­tion des col­lec­tiv­ités territoriales.

En qua­tre ans, le dis­posi­tif a pro­gres­sive­ment séduit de plus en plus d’en­tre­pris­es puisqu’elles sont 1 914 à en avoir béné­fi­cié en 2007 pour un mon­tant d’ex­onéra­tions sociales asso­cié de 94 mil­lions d’eu­ros sur cette même péri­ode. Le mon­tant d’ex­onéra­tions moyen, par entre­prise, est donc d’en­v­i­ron 50 000 euros, ce qui cor­re­spond à la rémunéra­tion brute annuelle d’un salarié. Les mon­tants d’ex­onéra­tions d’im­pôts sont, quant à eux, faibles puisque les JEI sont sou­vent défici­taires dans les pre­mières années de la créa­tion et les mon­tants d’ex­onéra­tion d’im­pôts locaux dif­fi­ciles à estimer. Bien que la pro­por­tion de JEI déclarant un CIR ait aug­men­té en 2005 pour attein­dre 52 %, il demeure éton­nant de ne pas voir plus de JEI dans le dis­posi­tif du CIR.

Le por­trait type de la jeune entre­prise innovante
Un pre­mier bilan a été réal­isé par le Ser­vice des études et sta­tis­tiques indus­trielles (Ses­si) qui dresse ain­si le por­trait type de la JEI française. Ces PME se retrou­vent majori­taire­ment dans le secteur des ser­vices, elles sont de petite taille et affichent un chiffre d’af­faires en pro­gres­sion rapi­de. Elles sont égale­ment en moyenne plus dynamiques en ter­mes d’emplois que d’autres sociétés répon­dant aux mêmes critères, à l’ex­cep­tion de l’ef­fort de R & D, et maîtrisent mieux l’ensem­ble des aides à l’innovation.

En effet, bien que des­tiné à l’ensem­ble des entre­pris­es inno­vantes (PME et grands groupes), le CIR vient com­pléter de façon sig­ni­fica­tive le paysage des aides indi­rectes pour les PME. Inci­ta­tion fis­cale mise en place en 1983, le CIR a été péren­nisé en 2004. Avec la loi de finances pour 2008 le gou­verne­ment a choisi de ren­forcer et sim­pli­fi­er ce dis­posi­tif avec comme objec­tif la relance de l’in­no­va­tion. Le CIR est une aide impor­tante pour les entreprises.

Plus incitatif

Une aide substantielle
En 2007, 8 071 entre­pris­es ont béné­fi­cié du Crédit d’im­pôt recherche (CIR 2006 déclaré en 2007), ce qui représente une aide de 1,495 mil­liard d’eu­ros. D’i­ci 2012, le bud­get prévi­sion­nel devrait tripler pour attein­dre entre 2,7 et 3,2 milliards.

Jusqu’alors basé sur deux com­posantes : une part en accroisse­ment et une part en vol­ume (respec­tive­ment 40 % et 10 % pour l’an­née 2007), le nou­veau CIR mis en place par la loi de finances pour 2008 se veut résol­u­ment plus inci­tatif pour les entre­pris­es. En effet, ce dernier dépen­dra désor­mais exclu­sive­ment d’une part en volume.

Cette part en vol­ume est ain­si portée à 30 % des dépens­es de recherche et développe­ment jusqu’à 100 mil­lions d’eu­ros de dépens­es puis 5 % au-delà. Cela implique donc égale­ment un dépla­fon­nement de fac­to du CIR. Afin d’en­cour­ager les entre­pris­es à ren­tr­er dans ce dis­posi­tif, le taux est majoré à 50 % puis 40 % respec­tive­ment pour la pre­mière et la deux­ième année d’op­tion au CIR lorsque ces dernières béné­fi­cient du dis­posi­tif pour la pre­mière fois ou qu’elles n’en n’ont pas béné­fi­cié au cours des cinq années précé­dant leur demande.


> Lis­bonne et le pont du 25 Avril, inau­guré en 1966 sous le nom de pont Salazar puis rebap­tisé d’après la date de la révo­lu­tion des Œillets.

Une sécurité juridique

Près de 2000 « jeunes entre­pris­es inno­vantes » ont béné­fi­cié en 2007 d’exonérations sociales

À ces mesures, qui influ­ent directe­ment sur le cal­cul du crédit d’im­pôt recherche, vien­nent s’a­jouter de nou­velles dis­po­si­tions ori­en­tées plus spé­ci­fique­ment sur la sécu­rité juridique de ce dispositif.

C’est ain­si que le délai de réponse de l’ad­min­is­tra­tion dans le cadre de la procé­dure de rescrit (procé­dure de demande d’avis préal­able auprès de l’ad­min­is­tra­tion sur l’éli­gi­bil­ité de ses travaux au CIR) sera dimin­ué par deux pas­sant de six à trois mois.

Le con­trôle sur demande est pour sa part éten­du à l’ensem­ble des entre­pris­es en ce qui con­cerne l’ap­pli­ca­tion du crédit d’im­pôt recherche et ce, sans con­di­tion de chiffre d’af­faires. Soulignons enfin que ces deux dis­posi­tifs, CIR et JEI, ont comme un socle com­mun : les déf­i­ni­tions de la recherche éli­gi­ble répar­ties en trois caté­gories que sont la recherche fon­da­men­tale, la recherche appliquée et le développe­ment expéri­men­tal. C’est pré­cisé­ment l’ap­pré­ci­a­tion de l’éli­gi­bil­ité des pro­jets au regard de ces déf­i­ni­tions qui demeure la prin­ci­pale dif­fi­culté pour les entre­pris­es dans l’ap­pli­ca­tion de ces deux dispositifs.

Quelques écueils à éviter

Inciter à l’embauche
D’autres mesures favor­ables vien­nent com­pléter cette réforme et touchent directe­ment l’assi­ette de dépens­es éli­gi­bles. Il s’ag­it notam­ment de l’inci­ta­tion à l’embauche des jeunes doc­teurs dont le salaire est pris en compte pour qua­tre fois son mon­tant dans l’assi­ette de dépens­es ain­si que la majo­ra­tion du pla­fond des dépens­es de sous-trai­tance qui passent de 10 à 12 mil­lions d’eu­ros pour les opéra­tions con­fiées à des organ­ismes de recherche publics.

Afin de garan­tir l’ob­ten­tion d’un CIR et d’un statut JEI sécurisé, quelques écueils sont à éviter.

En pre­mier lieu, l’adop­tion d’une grande rigueur dans la qual­i­fi­ca­tion et la ges­tion de ses projets.

Il con­vient égale­ment d’as­sur­er un suivi rigoureux, pro­posant un décompte du temps passé, et appuyé d’une revue de la lit­téra­ture générale existante.

La jus­ti­fi­ca­tion tech­nique des pro­jets de R & D doit être rigoureuse­ment démon­trée. Il con­vient d’éla­bor­er un rap­port présen­tant l’ensem­ble des activ­ités de R & D de l’an­née, la descrip­tion de l’é­tat de l’art dans les domaines con­cernés, les dif­fi­cultés tech­niques ren­con­trées ain­si que les résul­tats obtenus.

Enfin, l’adop­tion de procé­dure de rescrit (procé­dure de demande d’avis préal­able à l’ad­min­is­tra­tion fis­cale), notam­ment dans le cadre du statut JEI, per­met d’a­vancer dans un envi­ron­nement totale­ment sécurisé. Avec la mise en place de l’ensem­ble de ces élé­ments la PME inno­vante pour­ra ain­si abor­der sere­ine­ment tout con­trôle fis­cal éventuel.

Une dernière mesure de la réforme doit être saluée, il s’ag­it de la diminu­tion notable du délai de pre­scrip­tion. En effet, son point de départ est fixé désor­mais à la date de dépôt de la déc­la­ra­tion à compter du CIR 2008 et non plus à par­tir de la date d’im­pu­ta­tion ou de restitution.

Commentaire

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béni kitokorépondre
4 août 2009 à 13 h 35 min

super
c’est super. toutes mes félicitations !

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