ATR

L’aviation régionale : un marché aux multiples facettes

Dossier : Vie des EntreprisesMagazine N°737 Septembre 2018
Par Stéphane VIALA

Quelles sont les principales évolutions connues par les turbopropulseurs au coeur des dernières années ?

Les tur­bo­propulseurs (les avions à hélices) sont par­fois perçus comme des avions anciens. Néan­moins, d’un point de vue tech­nique, il n’y a rien de plus effi­cace que les hélices pour propulser les avions notam­ment sur le plan du ren­de­ment énergé­tique. Sur les dis­tances cour­tes ou régionales, où la vitesse n’est pas un critère majeur pour les com­pag­nies, l’efficacité propul­sive des hélices prend tout son sens. Comme nous l’avons vu ces dernières années, la volatil­ité du prix du car­bu­rant laisse présager un bel avenir aux avions à hélices. À la dif­férence de ce qu’il se pas­sait il y a encore quelques années, l’industrie ne doute plus du tout de la per­ti­nence de cette tech­nolo­gie pour l’aviation régionale d’aujourd’hui et de demain. Au niveau des ATR, nous avons con­nu de nom­breuses évo­lu­tions. Nos avions sont passés de 4 à 6 pales afin de réduire les émis­sions acous­tiques et opti­miser l’efficacité. Nous avons amélioré le con­fort des pas­sagers en fil­trant notam­ment les fréquences pro­pres des hélices ce qui a eu pour con­séquence de réduire la trans­mis­sion struc­turale vibra­toire et par voie de con­séquence dimin­uer sig­ni­fica­tive­ment le niveau acous­tique interne. Lors de notre dernier « demo tour » aux États- Unis en 2016, les par­tic­i­pants qui avaient encore en tête les ver­sions précé­dentes de l’ATR ont été agréable­ment sur­pris par le chemin que nous avons par­cou­ru au niveau du sys­tème propul­sif et du con­fort pas­sager. En par­al­lèle, nous nous sommes aus­si con­cen­trés sur l’optimisation du cock­pit : nous avons rem­placé tous les voy­ants mécaniques par un glass cock­pit équipé d’écrans numériques Thales dotés égale­ment d’une puis­sance de cal­cul. Nous avons aus­si refait com­plète­ment l’avionique, qui a voca­tion à évoluer tous les 2 à 3 ans aus­si bien pour garder une cer­taine avance tech­nologique sur les fonc­tions de pilotage ou les out­ils d’aide à la nav­i­ga­tion que pour des raisons de sécu­rité. À cela s’ajoute une solu­tion inno­vante, le sys­tème ClearVi­sion. Ce sys­tème est com­posé de lunettes en réal­ité aug­men­tée que le pilote peut porter et qui lui per­me­t­tent d’avoir en tête haute (Head up) toute la sym­bol­o­gie néces­saire pour le vol. Nous sommes précurseurs sur cette typolo­gie de lunettes et sur les caméras asso­ciées, qui per­me­t­tent des gains opéra­tionnels de per­for­mance à l’atterrissage et le décol­lage, dans des sit­u­a­tions avec une vis­i­bil­ité lim­itée. Cette prouesse tech­nologique (con­nu sous le nom de EVS – Enhance Vision Sys­tem) est ren­due pos­si­ble par l’ajout de caméras large bande sur le nez de l’avion et répliqué dans la vision tête haute des lunettes portées par le com­man­dant de bord (vision répliquée en tête basse pour le copi­lote). Les hélices ouvrent, en effet, de très belles per­spec­tives, notam­ment sur le volet économique et envi­ron­nemen­tal. L’ATR reste un moyen de désen­clave­ment et d’ouverture de nou­velles routes grâce à son coût opéra­tionnel moin­dre et la faible prise de risque asso­cié. Chaque année nous ouvrons une moyenne de 100 nou­velles routes. Sans oubli­er, que l’ATR est un avion à très faible coût opéra­tionnel. Je décris, d’ailleurs, sou­vent l’ATR comme le couteau suisse de l’aviation.

Plus particulièrement, qu’en est-il des nouvelles versions en cours de développement ? Quelles sont leurs spécificités ?

La poli­tique d’ATR est de faire évoluer le pro­duit de manière incré­men­tale afin de rester en phase avec le marché et les besoins de nos clients. Sur le marché de l’aviation région­al, il est essen­tiel de dévelop­per une véri­ta­ble prox­im­ité avec nos clients. Récem­ment, nous avons signé un con­trat avec FedEx afin de pou­voir leur pro­pos­er une nou­velle ver­sion car­go (freighter) de l’ATR 72–600. Ce nou­v­el appareil, l’ATR 72–600F entr­era en ser­vice en 2020. Ce n’est pas un dérivé, mais une nou­velle ver­sion qui a été dévelop­pée autour de nou­veaux stan­dards de con­fig­u­ra­tion. Par exem­ple, nous allons retir­er les hublots et les portes d’évacuation, chang­er la porte avant gauche et chang­er l’ouverture de la porte arrière gauche vers le haut pour­fa­ciliter le charge­ment. Nous allons aus­si amélior­er la pro­tec­tion con­tre la cor­ro­sion. Avec l’avènement du e‑commerce, nous nous atten­dons à une très forte demande pour cette nou­velle généra­tion de car­go ATR. Tou­jours dans l’optique de coller aux attentes du marché, nous sommes aus­si mobil­isés sur l’optimisation des per­for­mances de l’ATR 42, qui actuelle­ment a la capac­ité de décoller sur des pistes de 1100 m. L’idée est de réduire cette dis­tance aux envi­rons de 800 à 850 m, ouvrant ain­si de nou­velles per­spec­tives com­mer­ciales sur le marché des avions de 30 à 50 places. La ver­sion de l’ATR 42 à décol­lage court sur laque­lle nous tra­vail­lons cou­vri­rait 85 % des besoin des opéra­teurs sur ce secteur et représente la seule alter­na­tive de rem­place­ment des avions de ce seg­ment qui ne sont plus pro­duits dans leur total­ité. Nous avons égale­ment organ­isé un work­shop avec des clients poten­tiels. Nous avons eu une forte adhé­sion et nous sommes en train de finalis­er ce tra­vail en amont pour pou­voir lancer offi­cielle­ment le pro­jet très prochainement. 

Quelle est votre vision du moteur hybride dont nous entendons de plus en plus parler ?

Je com­mencerai par dire qu’il ne faut pas for­cé­ment croire tout ce qui se dit autour du moteur hybride. En effet, beau­coup de choses ont été dites et écrites sur le tout élec­trique. Si cela pour­rait être pos­si­ble pour de très petits avions pour l’aviation régionale, le marché sur lequel nous sommes posi­tion­nés, ce n’est pas quelque chose de réal­is­able sur le court ou moyen ter­mes. Dans ce con­texte, nous explorons dif­férentes pos­si­bil­ités d’hybridation pour lequel il existe plusieurs archi­tec­tures pos­si­bles : une tur­bine à gaz qui ali­mente un moteur élec­trique à tra­vers un généra­teur et l’utilisation de bat­ter­ies (archi­tec­ture par­al­lèle) ou encore avec de l’hydrogène comme car­bu­rant qui a un pou­voir énergé­tique trois fois plus impor­tant que le kérosène … L’électrification et l’hybridation devraient se dévelop­per en pre­mier dans les seg­ments des avions à plus petite capac­ité. À notre niveau, celui des avions régionaux, nous regar­dons com­ment avancer sur le sujet en col­lab­o­rant notam­ment avec Air­bus et Leonar­do, nos action­naires, afin d’inclure l’ATR dans leur road map. Nous essayons d’avoir une vision tech­nique et prag­ma­tique avant tout, afin d’accompagner et de con­tribuer à cette évo­lu­tion majeure. 

ATR

Comment voyez-vous le marché de l’aviation régionale évoluer au cours des prochaines années ? Quelles seront les principales tendances ?

Sur le marché région­al, nous sommes leader avec 75 % de parts de marché des avions tur­bo­propulseurs. Notre ambi­tion est de con­serv­er ce lead­er­ship. Nous esti­mons que sur les vingt prochaines années, nous allons avoir un marché de 3 000 tur­bo­propulseurs, avec notam­ment une forte demande venant du marché asi­a­tique, qui con­tin­uera à pro­pos­er de grandes oppor­tu­nités pour la créa­tion de routes. Nous tra­vail­lons aus­si sur l’amélioration des per­for­mances, autant sur un plan indus­triel que des activ­ités de main­te­nance, dans le but de pou­voir pro­pos­er des coûts encore plus optimisés. 

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