La réforme de l’enseignement X 2000

Dossier : ExpressionsMagazine N°558 Octobre 2000

La for­ma­tion humaine

La for­ma­tion humaine con­tribue à la spé­ci­ficité de la for­ma­tion polytechnicienne.

Elle a pour objec­tif de dévelop­per les fac­ultés d’adaptation et d’ouverture d’esprit, le tra­vail en équipe, la con­nais­sance des hommes et des dif­férents milieux soci­aux, les qual­ités physiques, la con­nais­sance et la maîtrise de soi ain­si que le sens de l’intérêt général.

Les stages de ter­rains (qua­tre en qua­tre ans) font décou­vrir aux poly­tech­ni­ciens des milieux humains très divers : ceux de la fonc­tion publique civile ou mil­i­taire et du monde asso­ci­atif lors du stage de six mois de for­ma­tion humaine et mil­i­taire en pre­mière année, puis ceux de l’industrie ou de la recherche lors des années suiv­antes. Ces moments intens­es et par­fois dif­fi­ciles oblig­ent les élèves à dévelop­per leur capac­ité d’adaptation et leur sens des rela­tions sociales.

L’enseignement d’humanités et de sci­ences sociales com­plète ces dif­férentes expéri­ences en four­nissant une présen­ta­tion plus glob­ale de la société dans laque­lle ils évolueront bientôt.

Le sport que les élèves doivent pra­ti­quer de façon régulière et assidue (cinq à six heures par semaine) leur per­met de main­tenir un équili­bre indi­vidu­el indis­pens­able à un tra­vail de qual­ité (mens sana in cor­pore sano). Les con­tacts qu’ils peu­vent avoir avec des per­son­nes extérieures à l’École lors de la pré­pa­ra­tion d’activités de cohé­sions, sportives ou cul­turelles, leur per­me­t­tent de mieux se con­naître et d’apprendre à se maîtris­er face à l’adversité. Ain­si et comme lors des stages, ils décou­vrent la pra­tique dif­fi­cile mais aujourd’hui indis­pens­able du tra­vail en équipe que ce soit comme exé­cu­tant ou comme responsable.

À la fin de qua­tre années de for­ma­tion, le jeune poly­tech­ni­cien est non seule­ment un pro­fes­sion­nel com­pé­tent, pos­sé­dant un solide acquis sci­en­tifique, mais aus­si un indi­vidu équili­bré et large­ment ouvert sur le monde

L’École poly­tech­nique a depuis deux siè­cles pour mis­sion de don­ner à ses élèves une cul­ture sci­en­tifique et générale les ren­dant aptes à occu­per des emplois de haute qual­i­fi­ca­tion ou de respon­s­abil­ité à car­ac­tère sci­en­tifique, tech­nique ou économique. À l’aube du XXIe siè­cle, cette mis­sion prend une autre dimen­sion du fait de la mon­di­al­i­sa­tion de l’économie et de son inci­dence sur la for­ma­tion. L’École a donc bâti un cadre rénové lui per­me­t­tant d’offrir dans ce nou­veau con­texte une for­ma­tion d’excellence com­plète alliant sou­p­lesse, ouver­ture, diver­sité et rigueur : la for­ma­tion polytechnicienne.

1. Le cadre rénové

Les fondamentaux :

  • une admis­sion après une sélec­tion rigoureuse effec­tuée après deux à trois ans d’études supérieures ;
  • une for­ma­tion sci­en­tifique pluridis­ci­plinaire de très haut niveau ;
  • une part impor­tante de la for­ma­tion ori­en­tée vers le sport, les sci­ences humaines et sociales et les langues étrangères ;
  • une for­ma­tion humaine con­crète inclu­ant une dimen­sion civique et sociale ;
  • le diplôme d’ingénieur de l’École poly­tech­nique con­clut pour les élèves méri­tants les trois pre­mières années d’études.

Les évolutions :

  • le cur­sus débouche directe­ment sur la vie pro­fes­sion­nelle. Il est com­plet et com­prend deux cycles de deux ans cha­cun, l’une de for­ma­tion générale et l’autre d’approfondissement et de spécialisation ;
  • la durée de la for­ma­tion est d’un peu plus de qua­tre ans quand elle s’achève sur une spé­cial­i­sa­tion tech­nique et d’environ sept ans quand elle s’achève par un doctorat ;
  • la spé­cial­i­sa­tion s’effectuera pour la très grande majorité des cas en dehors de l’École, en parte­nar­i­at avec d’autres étab­lisse­ments en France ou à l’étranger. À son achève­ment, elle con­duira à la délivrance du diplôme de l’institution d’accueil et d’un nou­veau diplôme de l’École poly­tech­nique qui couron­nera l’ensemble de la for­ma­tion polytechnicienne ;
  • l’engagement per­son­nel des élèves, qui devront effectuer leurs choix de sco­lar­ité dans un menu ouvert et diver­si­fié en fonc­tion de leur pro­jet de for­ma­tion, sup­pose une sco­lar­ité qui laisse plus de place aux pro­jets personnels.

2. L’admission

L’admission des élèves français ou étrangers se fait chaque année par con­cours. Ce con­cours com­prend deux voies :

  • la voie tra­di­tion­nelle (la pre­mière voie) réservée aux can­di­dats ayant suivi le cycle de for­ma­tion des class­es pré­para­toires dans une des fil­ières de Math­é­ma­tiques, Physique ou Sci­ences de l’Ingénieur (MP, PC, PSI, PT) ou con­cour­ant dans les fil­ières TSI et ENSAM,
  • la voie uni­ver­si­taire (la sec­onde voie) réservée aux can­di­dats qui n’ont pas suivi le cycle de for­ma­tion des class­es pré­para­toires (admis­si­bil­ité sur dossier : les can­di­dats doivent rem­plir cer­taines con­di­tions, par exem­ple être tit­u­laires de cer­tains Deug avec la men­tion B ou TB et réus­sir dans l’année leur licence ou leur mag­istère ; l’admission se fait par des oraux et des épreuves sportives).

3. L’organisation de la formation polytechnicienne

Il s’agit de met­tre en place un cur­sus com­posé de deux années de for­ma­tion générale (dont une pre­mière année avec huit mois de for­ma­tion humaine et mil­i­taire et un trimestre de con­sol­i­da­tion et d’ouverture sci­en­tifique à l’École) + deux années de spé­cial­i­sa­tion (dont la dernière en école d’application, uni­ver­sité étrangère ou par la recherche).

Année 1 : quand arrivent les étrangers ?

Dans le nou­veau cur­sus, ceux qui vien­nent des class­es pré­para­toires com­men­cent en sep­tem­bre comme les Français.

Ceux qui vien­nent de l’université choi­sis­sent en fonc­tion de leurs disponi­bil­ités et de leurs besoins s’ils com­men­cent en sep­tem­bre ou plus tard dans l’année. Le cal­en­dri­er et le pro­gramme seront adap­tés à leurs attentes : l’École poly­tech­nique pour­ra valid­er au titre de la for­ma­tion humaine ini­tiale l’expérience acquise en uni­ver­sité étrangère et accueil­lir ces élèves en cours de pre­mière année par un stage d’immersion lin­guis­tique et cul­turelle suivi par le trimestre d’études sci­en­tifiques de fin de pre­mière année.

Les élèves étrangers ne sont pas financés durant leur sco­lar­ité et devront acquit­ter des frais de scolarité.

Année 2 : par quoi est remplacé le tronc commun ?

Le nou­veau statut des élèves

La mod­i­fi­ca­tion de la loi du 15 juil­let 1970 rel­a­tive à l’École, inter­v­enue en 1999 et liée essen­tielle­ment à la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion des armées, a con­duit à une mod­i­fi­ca­tion du statut des élèves, con­sacrée par décret.

Le statut mil­i­taire est con­servé et adap­té à la réforme du ser­vice nation­al. Dès leur admis­sion et pour toute la durée de la sco­lar­ité, les élèves français souscrivent un engage­ment spé­cial en qual­ité d’élève-officier de l’École. Ils sont nom­més sous-lieu­tenant de réserve à leur sor­tie de l’École.

Leur régime de sol­de est aus­si adap­té à la nou­velle sco­lar­ité. À l’avenir, les élèves percevront pen­dant toute leur sco­lar­ité, y com­pris en année de spé­cial­i­sa­tion, env­i­ron 2 900 francs chaque mois, soit l’équivalent d’une bourse, rémunéra­tion qui sera com­plétée, à par­tir de la deux­ième année, d’une allo­ca­tion men­su­elle d’entretien d’environ 2 500 francs. Par ailleurs, du fait de l’intégration de la for­ma­tion com­plé­men­taire dans le cur­sus, les élèves français qui n’entrent pas dans les corps civils et mil­i­taires de l’État ne sont désor­mais plus astreints à un éventuel rem­bourse­ment de leurs frais de sco­lar­ité dans la mesure où ils suiv­ent l’intégralité du cur­sus (qua­tre ans).

En dehors des enseigne­ments de langues et de sci­ences humaines, chaque élève choisit les mod­ules sci­en­tifiques qu’il souhaite suiv­re, à savoir qua­tre mod­ules longs et qua­tre courts, sous réserve de cou­vrir au moins six dis­ci­plines dif­férentes par­mi Math­é­ma­tiques, Physique, Mécanique, Biolo­gie, Chimie, Math­é­ma­tiques Appliquées, Sci­ences Économiques, Infor­ma­tique et Mod­éli­sa­tion Expéri­men­tale. Ils réalisent aus­si un mémoire (“pro­jet per­son­nel”) pour l’une d’entre elles. Un diplôme de licence mul­ti­dis­ci­plinaire sera délivré en fin d’année.

Année 3 : même principe que dans l’ancien cursus

Le pre­mier trimestre com­prend un enseigne­ment de majeure dis­ci­plinaire, por­tant sur l’un des domaines suiv­ants au choix : Math­é­ma­tiques et Infor­ma­tique, Physique, Mécanique, Biolo­gie, Chimie, Math­é­ma­tiques, Math­é­ma­tiques Appliquées.

Le sec­ond trimestre com­prend un enseigne­ment de majeure sci­en­tifique, por­tant sur un domaine d’application, à choisir par­mi : Sci­ences Économiques, Math­é­ma­tiques, Éco Sci­ences, Élec­tron­ique, Com­posants et Sys­tèmes, Sci­ences de l’Ingénieur et Cal­cul sci­en­tifique, Planète Terre, Physique et appli­ca­tions, Infor­ma­tique, Chimie du vivant. Chaque majeure donne lieu à un pro­jet personnel.

L’année se con­clut par un stage de recherche ressem­blant à l’actuel stage d’option, par le diplôme d’ingénieur de l’X délivré en fin d’année et par l’entrée dans les Corps de l’État pour les élèves concernés.

Année 4 : trois filières

Le choix se fait entre une for­ma­tion par la recherche (DEA), une spé­cial­i­sa­tion en école d’application parte­naire (avec dou­ble diplôme X/École d’application) ou une spé­cial­i­sa­tion d’un autre type, par exem­ple à l’étranger.

4. Comment s’organisent les stages ?

Dans le nou­veau cur­sus, il y en a qua­tre, don­nant lieu cha­cun à un rap­port de stage : un stage de ter­rain (cinq à six mois) pen­dant la for­ma­tion humaine et mil­i­taire, un stage de con­nais­sance de l’entreprise (un mois entre les années 2 et 3) qu’il faut com­pren­dre comme une évo­lu­tion du stage de con­tacts humains actuel, un stage de recherche (trois mois) qui cor­re­spondrait à l’actuel stage d’option, et un stage d’insertion pro­fes­sion­nelle (cinq à six mois) en fin de dernière année.

La recherche à l’École polytechnique

Depuis son instal­la­tion à Palaiseau, l’École poly­tech­nique dis­pose de locaux qui lui ont per­mis de se dot­er d’un cen­tre de recherche à la hau­teur de celui dont dis­posent tous les grands étab­lisse­ments d’enseignement supérieur du monde. La loi de 1996 lui a d’ailleurs explicite­ment con­fié une mis­sion de recherche. En cohérence avec le pro­gramme mul­ti­dis­ci­plinaire d’enseignement qui doit être main­tenu en per­ma­nence au plus haut niveau dans tous les domaines de la con­nais­sance, un grand nom­bre de dis­ci­plines sont con­cernées (math­é­ma­tiques, mécanique, infor­ma­tique, physique, chimie, biolo­gie, géo­physique, économie, ges­tion, sci­ences sociales, sci­ences cognitives).

Le cen­tre de recherche est fort de 1 400 per­son­nes et dis­pose d’un bud­get total con­solidé, toutes ressources con­fon­dues, de l’ordre de 400 MF. Il est struc­turé en 24 lab­o­ra­toires qui sont tous des unités mixtes avec le CNRS et dont plusieurs sont égale­ment sous la tutelle d’autres grandes écoles, d’universités, de grands organ­ismes publics (CEA, INSERM).

Les objec­tifs des recherch­es con­cer­nent essen­tielle­ment le développe­ment des con­nais­sances de base. Les appli­ca­tions indus­trielles immé­di­ates et à long terme, l’instrumentation sci­en­tifique, médi­cale ou tech­nique, l’organisation des sociétés et les préoc­cu­pa­tions envi­ron­nemen­tales ne sont pas nég­ligées pour autant, puisque les con­trats représen­tent un mon­tant total égal à la somme des crédits de recherche (hors per­son­nel et infra­struc­ture) récur­rents accordés par les tutelles.

Les lab­o­ra­toires dont les travaux, par essence même de la recherche, s’inscrivent dans la com­péti­tion mon­di­ale, appor­tent une con­tri­bu­tion essen­tielle au ray­on­nement inter­na­tion­al de l’École. Ils ser­vent de cadre d’accueil aux travaux de 134 des mem­bres enseignant aux élèves de deux­ième et troisième années et offrent aux élèves de qua­trième année, ain­si qu’à des étu­di­ants issus d’autres fil­ières, la pos­si­bil­ité de pour­suiv­re leur for­ma­tion par l’exercice d’activités de recherche. La for­ma­tion par la recherche pour les poly­tech­ni­ciens est un investisse­ment pour réus­sir dans un type de pro­jet per­son­nel où l’aspect sci­en­tifique ou tech­nologique est cen­tral, en somme un pro­jet de car­rière qui, tout au moins au départ, ne pour­rait pas être celui d’un élève d’une grande école com­mer­ciale ou d’administration. Elle fait par­tie des « ori­en­ta­tions pour l’École poly­tech­nique », fournies par le Sché­ma directeur. L’École est habil­itée, depuis de nom­breuses années, à délivr­er le diplôme de doc­teur et son rôle impor­tant dans ce type d’enseignement vient d’être con­forté par la mise en place, en son sein, d’une école doctorale.

Avec l’aide de son Con­seil de Recherche, l’École poly­tech­nique a dégagé un petit nom­bre de pri­or­ités qui ori­en­tent ses actions actuelles. Une pre­mière pri­or­ité con­siste à don­ner au lab­o­ra­toire LULI les moyens lui per­me­t­tant de con­serv­er la posi­tion de pre­mier plan qu’il occupe dans le domaine des lasers intens­es. Les deux autres pri­or­ités qui ont été dégagées por­tent sur le ren­force­ment de domaines dont l’importance pour l’avenir en matière d’enseignement et de recherche est unanime­ment recon­nue : les tech­nolo­gies de l’information et la biologie.

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