La Monnaie de Paris est confrontée à une transformation profonde de son modèle économique

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°774 Avril 2022
Par Marc SCHWARTZ

Dans un con­texte économique et social mou­vant, la Mon­naie de Paris évolue pour répon­dre aux attentes et besoins des Français. Entre évo­lu­tion des paiements élec­tron­iques, trans­for­ma­tion numérique, crise et évo­lu­tion des modes de con­som­ma­tion des espèces, elle se réin­vente pour relever l’ensemble de ces défis. Le point avec son prési­dent-directeur général, Marc Schwartz.

La pandémie a changé notre rapport à la monnaie. Qu’en est-il ? 

Con­traire­ment aux idées reçues, la crise san­i­taire liée à la pandémie de COVID-19 n’a pas pré­cip­ité la fin des espèces. On a con­staté en 2020 une véri­ta­ble « ruée sur le cash », avec une aug­men­ta­tion de la demande d’argent liq­uide de 11 % en 2020 dans la zone euro. Cela est dû à un phénomène d’épargne, comme dans toutes les crises financières.

Le paiement élec­tron­ique pro­gresse, mais la demande d’espèces a forte­ment aug­men­té, dans le monde entier, depuis le début de la crise san­i­taire. C’est ce que j’appelle le « grand para­doxe du cash » : moins de paiements en argent liq­uide dans les trans­ac­tions du quo­ti­di­en et, en même temps, un retour vers l’argent liq­uide comme réserve de valeur. La quan­tité d’euros ou dol­lars en cir­cu­la­tion n’a jamais été aus­si élevée et nous devons con­tin­uer à ali­menter les besoins de l’économie.

On entend souvent parler d’un désamour des Français pour les espèces. Qu’en pensez-vous ?

La Mon­naie de Paris a con­fié à l’Ifop une étude pour analyser les attentes et besoins des Français quant à leurs moyens de paiement. Le paiement en espèces est une pra­tique qui reste pro­fondé­ment ancrée dans les usages. 91 % des Français déclar­ent qu’il leur arrive d’avoir recours régulière­ment aux espèces quand 70 % déclar­ent les utilis­er au quo­ti­di­en. Seuls 9 % déclar­ent ne plus jamais avoir recours aux espèces. Vecteurs de lien social, les espèces sont le mode de paiement priv­ilégié pour les trans­ac­tions chez les petits com­merçants et pour les dona­tions en tout genre. Ce recours aux espèces n’est pas un choix par défaut : dans plus de 70 % des cas, les per­son­nes ayant payé en espèces n’auraient pas souhaité le faire de manière dématéri­al­isée. Et 83 % des Français se déclar­ent ain­si attachés aux espèces. 

Cette année est marquée par le 20e anniversaire de l’Euro. Qu’avez-vous prévu pour ce cet évènement ? 

La Mon­naie de Paris, à l’origine de la fab­ri­ca­tion des 25 mil­liards de pièces d’euro mis­es en cir­cu­la­tion en France depuis 2002, a souhaité célébr­er cet événe­ment con­comi­tant à la prési­dence française de l’Union européenne. Plusieurs ini­tia­tives telles que le renou­velle­ment de la face nationale des pièces de 1 € et 2 €, le lance­ment d’une col­lec­tion moné­taire, une instal­la­tion dans le musée, un pod­cast en parte­nar­i­at avec Le Monde, une série de cap­sules vidéo réal­isées avec l’Institut nation­al de l’audiovisuel, ren­dent hom­mage à la mon­naie européenne.

Quels sont les autres sujets qui vous mobilisent ? 

Nos équipes sont pleine­ment engagées pour assur­er le développe­ment de l’entreprise sur de nou­veaux marchés. La com­mande annuelle de l’État en pièces de mon­naie a bais­sé de 50 % en dix ans et ne représen­tait en 2021 plus qu’un quart de notre chiffre d’affaires.

La Mon­naie de Paris est donc con­fron­tée à une trans­for­ma­tion pro­fonde de son mod­èle économique, comme la Poste, avec la baisse inéluctable du courrier.

Nous avons plusieurs pro­jets de diver­si­fi­ca­tion par­mi lesquels la pour­suite du développe­ment des mon­naies de col­lec­tion visant à élargir notre base de clien­tèle, avec des licences attrac­tives telles que Har­ry Pot­ter, la col­lec­tion de mon­naies pour les JO de Paris 2024, ou encore un pro­jet immo­bili­er sur notre ter­rain de Pes­sac. Il s’agit de la con­struc­tion de locaux d’activités pour répon­dre aux besoins de la région en héberge­ment de start-up notam­ment. Cette activ­ité nous apportera des revenus récur­rents et stables.

Enfin, je crois que nous avons à con­duire avec déter­mi­na­tion la trans­for­ma­tion numérique de notre entre­prise. Elle est déjà bien engagée, avec une crois­sance très forte de nos ventes sur le web, qui ont dou­blé en trois ans et qui sont dev­enues le pre­mier canal de vente de l’entreprise. Aujourd’hui, la ques­tion de notre présence dans la mon­naie numérique est posée.

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