La compression, le maillon incontournable pour le développement de l’hydrogène

La compression, le maillon incontournable pour le développement de l’hydrogène

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°769 Novembre 2021
Par Fabrice BILLARD

Face aux enjeux cli­ma­tiques, de neu­tra­li­té car­bone et la néces­si­té de déve­lop­per les nou­velles alter­na­tives éner­gé­tiques pour la mobi­li­té et l’industrie, l’hydrogène connaît un fort déve­lop­pe­ment depuis quelques années. Dans ce cadre, la com­pres­sion joue un rôle stra­té­gique notam­ment au niveau du trans­port et du sto­ckage de l’hydrogène. Expli­ca­tions de Fabrice Billard, Pré­sident de la Divi­sion Sys­tems de Burck­hardt Compression.

Aujourd’hui, l’hydrogène offre des perspectives très intéressantes pour la mobilité des voitures et des camions. Qu’en est-il concrètement et quels sont les principaux challenges et freins technologiques qui persistent ? 

Si l’hydrogène est uti­li­sé dans les sec­teurs de l’industrie, de l’énergie et du trans­port, la mobi­li­té en est l’application prin­ci­pale aujourd’hui. Des voi­tures à hydro­gène ain­si que des sta­tions-ser­vices dédiées existent depuis déjà plu­sieurs années. Si la fai­sa­bi­li­té tech­nique des véhi­cules et des sta­tions n’est plus à démon­trer, nous sommes aujourd’hui confron­tés à de nou­veaux enjeux :

la réduc­tion des coûts par kg d’hydrogène à la pompe par un fac­teur d’environ 3, pour avoir un pro­duit aus­si com­pé­ti­tif que le die­sel ou l’essence ;

l’augmentation de la fia­bi­li­té et de la dura­bi­li­té de tous les com­po­sants d’une sta­tion-ser­vice, notam­ment le dis­tri­bu­teur et le compresseur ;

le chan­ge­ment d’échelle pour avoir des sta­tions-ser­vices capables de déli­vrer plu­sieurs tonnes d’hydrogène par jour afin notam­ment d’alimenter un nombre crois­sant de voi­tures, ain­si que des camions dis­po­nibles depuis plus récem­ment sur le mar­ché et qui offrent une alter­na­tive pro­met­teuse aux camions à bat­te­rie électrique.

Plus par­ti­cu­liè­re­ment, le chan­ge­ment d’échelle néces­site des évo­lu­tions tech­no­lo­giques dans le domaine des com­pres­seurs : l’enjeu est de déve­lop­per des com­pres­seurs avec des débits 10 fois plus éle­vés que les solu­tions actuelles, pour des pres­sions allant de 500 à 900 bars. Il s’agit d’un véri­table défi, car en rai­son de la sen­si­bi­li­té des piles à com­bus­tible des véhi­cules, il ne faut pas pol­luer l’hydrogène avec les lubri­fiants du com­pres­seur. Pour lever ce frein, deux pistes tech­no­lo­giques se démarquent et se com­binent à l’heure actuelle :

Uti­li­ser des com­pres­seurs à pis­tons de type indus­triel pour per­mettre ce chan­ge­ment d’échelle à un coût com­pé­ti­tif et avec plus de fiabilité ;

déve­lop­per des sys­tèmes d’étanchéité haute pres­sion et sans lubri­fiant en com­bi­nant tech­no­lo­gies exis­tantes et nou­veaux matériaux.

Dans ce cadre, comment se positionne Burckhardt Compression ? Quelles solutions mettez-vous à la disposition des différentes parties prenantes pour relever ces défis ? 

Nous com­pri­mons l’hydrogène à plu­sieurs cen­taines de bars dans des appli­ca­tions indus­trielles depuis 50 ans et dans des appli­ca­tions de mobi­li­té (sans lubri­fiants) depuis plus de 20 ans. Nous dis­po­sons de toutes les briques tech­no­lo­giques et d’une gamme de pro­duits pour accom­pa­gner le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène au ser­vice de la mobi­li­té, mais aus­si de l’industrie, de la pro­duc­tion d’ammoniac « vert » ou de l’énergie. Nous pro­dui­sons, assem­blons et tes­tons nos com­pres­seurs dans tous les grands mar­chés de l’hydrogène : en Europe, en Chine, aux USA et en Corée du Sud.

Au-delà du domaine des com­pres­seurs, nous capi­ta­li­sons sur nos com­pé­tences pour conce­voir des sys­tèmes com­plets qui prennent en compte les contraintes et les para­mètres de nos clients, ce qui per­met d’optimiser les coûts d’ensemble d’un projet.

La compression est un maillon important dans la chaîne de production de l’hydrogène. À quel niveau pouvez-vous intervenir dans ce cadre ? 

En amont des sta­tions-ser­vices, on retrouve de nom­breuses appli­ca­tions qui demandent des solu­tions de com­pres­sion. L’hydrogène peut venir d’une usine de pro­duc­tion et de liqué­fac­tion d’hydrogène. Pour liqué­fier cet hydro­gène, il faut des com­pres­seurs à haut débit. L’hydrogène sto­cké sous forme liquide génère un gaz d’évaporation, qui doit être recom­pri­mé constam­ment. Si l’hydrogène est pro­duit par des éner­gies renou­ve­lables et des élec­tro­ly­seurs, il faut éga­le­ment le com­pri­mer pour le trans­por­ter dans des pipe­lines ou dans des camions. Pour le trans­port de l’hydrogène sur de grandes dis­tances, celui-ci peut aus­si être com­pri­mé pour le com­bi­ner avec de l’azote pour en faire de l’ammoniac et le trans­por­ter par bateau. C’est une opé­ra­tion qui demande éga­le­ment la com­pres­sion de l’hydrogène à un niveau industriel.

En résu­mé, l’hydrogène est très poly­va­lent, et néces­site une com­pres­sion dans la majo­ri­té des appli­ca­tions. Et à notre niveau, nous inter­ve­nons sur l’ensemble de ces appli­ca­tions en capi­ta­li­sant sur nos savoir-faire et nos pro­duits spécifiques.

Vous vous intéressez également à la production d’ammoniac « vert » qui peut notamment être utilisé comme carburant pour les bateaux. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette dimension ?

C’est une appli­ca­tion encore émer­gente, mais qui a un fort poten­tiel de déve­lop­pe­ment. L’ammoniac est une alter­na­tive à l’hydrogène liquide pour le trans­port sur de longues dis­tances. Il a l’avantage d’avoir une den­si­té éner­gé­tique beau­coup plus éle­vée que l’hydrogène liquide, et de se trans­por­ter sous forme liquide à des tem­pé­ra­tures beau­coup moins basses. Néan­moins, c’est un pro­duit toxique et il néces­site donc des pro­cé­dés matures et maî­tri­sés, comme cela est le cas pour le trans­port de gaz natu­rel liquéfié.

Dans sa chaîne de pro­duc­tion et d’utilisation, l’ammoniac vert est pro­duit à par­tir d’hydrogène issu d’énergies renou­ve­lables, qui est com­pri­mé pour le com­bi­ner à l’azote et for­mer ain­si de l’ammoniac. Une fois liquide, l’ammoniac génère des gaz d’évaporation qui doivent en géné­ral être recom­pri­més. Cet ammo­niac peut ensuite être uti­li­sé comme tel dans des moteurs de bateaux en cours de déve­lop­pe­ment, ou il peut être à nou­veau sépa­ré en hydro­gène et en azote après le transport.

Cela per­met notam­ment d’envisager de pro­duire de l’hydrogène vert dans des pays qui ont une forte pro­duc­tion en éner­gies renou­ve­lables, comme l’Australie, le Moyen-Orient ou l’Amérique du Sud, puis de le trans­por­ter dans les centres de consom­ma­tion en Europe, aux États-Unis, en Chine, en Corée du Sud ou au Japon. Plu­sieurs pistes sont actuel­le­ment à l’étude. Néan­moins, il est cer­tain qu’il y aura un fort besoin en com­pres­seurs industriels.

Quelles sont vos ambitions relatives à l’hydrogène ? Quels sont les principaux projets qui vous mobilisent actuellement ?

Depuis 18 mois, le mar­ché s’accélère sous l’impulsion de l’enjeu cli­ma­tique. Tou­te­fois, aujourd’hui, de nom­breuses ques­tions per­sistent : sous quelle forme sera trans­por­té l’hydrogène (gaz, liquide, ammoniac) ?…

En paral­lèle, plu­sieurs para­mètres doivent être pris en compte : le coût, la dis­po­ni­bi­li­té d’énergies renou­ve­lables, l’existence d’infrastructures de trans­port, la vitesse de réduc­tion des coûts de chaque tech­no­lo­gie… Dans ce contexte, cer­tains scé­na­rios sont plus favo­rables que d’autres pour les fabri­cants de com­pres­seurs. Nous envi­sa­geons tous les cas de figure et sou­hai­tons appor­ter à nos clients toute la palette de solu­tions de com­pres­sion requises pour le déve­lop­pe­ment de la filière hydrogène.

Dans cette logique, nous tra­vaillons sur trois pro­jets prin­ci­paux. Dans le domaine de la tech­no­lo­gie « sans lubri­fiant » pour des pres­sions et des volumes de plus en plus éle­vés, nous déve­lop­pons un com­pres­seur à pis­ton pou­vant ali­men­ter une sta­tion hydro­gène « hea­vy duty » (pour camions). Le pre­mier modèle a été lan­cé en Sep­tembre 2021, avec 550 bars de pres­sion. Sui­vra ensuite un modèle pour 900 bars.

Nous tra­vaillons éga­le­ment à l’augmentation des capa­ci­tés de nos com­pres­seurs sans lubri­fiants pour les usines de pro­duc­tion-liqué­fac­tion d’hydrogène, un seg­ment où nous sommes leader.

Enfin, fort d’une expé­rience de plu­sieurs dizaines d’années pour le trai­te­ment des gaz d’évaporation sur les bateaux de trans­port de gaz de pétrole liqué­fié et de gaz natu­rel liquide, nous éva­luons des tech­no­lo­gies et des pro­duits pour les bateaux de trans­port d’hydrogène liquide et d’ammoniac.

En paral­lèle, nous conti­nuons à déve­lop­per nos usines et notre chaîne d’approvisionnement mon­diale pour opti­mi­ser les coûts de ces solu­tions et contri­buer ain­si au suc­cès éco­no­mique de la filière hydro­gène. Notre ambi­tion est d’apporter notre contri­bu­tion au déve­lop­pe­ment durable de la filière énergétique.


En bref

Burck­hardt Com­pres­sion est une socié­té ori­gi­naire de Suisse qui a vu le jour il y a 177 ans. Aujourd’hui, l’entreprise est un acteur mon­dial avec plus de 2 600 col­la­bo­ra­teurs répar­tis dans 40 pays. Elle se dis­tingue par sa capa­ci­té à offrir des solu­tions indus­trielles qui per­mettent d’apporter des réponses effi­caces et per­for­mantes aux plus grands défis dans le domaine de la compression. 

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