« L’inclusion et la diversité représentent de vrais avantages pour l’entreprise »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°777 Septembre 2022
Par Dominique SENEQUIER (X72)

Entre­tien avec Dominique Senequier (X72), Prési­dente d’Ardian. Elle retrace pour nous son par­cours, son évo­lu­tion et nous en dit plus sur sa feuille de route à la tête d’Ardian, un des lead­ers mon­di­aux du pri­vate equi­ty. Elle revient égale­ment sur la ques­tion de la mix­ité et de la diver­sité dans son secteur, mais aus­si sur l’importance d’inciter les jeunes filles à s’engager dans des fil­ières scientifiques.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ? 

Je viens d’une famille plutôt sci­en­tifique. J’ai tou­jours aimé les math­é­ma­tiques et j’étais douée dans la matière. Je me suis donc assez naturelle­ment tournée vers les class­es pré­para­toires sci­en­tifiques, que j’ai faites à Mar­seille au Lycée Thiers.

Lorsque j’ai passé les con­cours d’écoles d’ingénieurs, en 1972, pour la pre­mière fois les filles pou­vaient présen­ter celui de l’École poly­tech­nique. J’ai donc ten­té ma chance et j’ai été reçue avec six autres cama­rades féminines. J’étais la plus jeune, je n’avais pas encore 19 ans. Ce fut un tour­nant rad­i­cal pour moi mais aus­si pour l’école vous vous en doutez.

Avec le recul, quelles ont été les étapes les plus structurantes ? 

Sans hési­ta­tion, mes années de class­es pré­para­toires. Évidem­ment, il faut du recul pour pou­voir dire cela car ce sont des années dif­fi­ciles. Le rythme est intense et la fatigue est grande mais la stim­u­la­tion intel­lectuelle vous garde éveil­lée. C’est une école de la rigueur et de la résilience. Il n’est pas seule­ment ques­tion d’enregistrer des con­nais­sances, on vous apprend aus­si à réfléchir, à struc­tur­er votre pen­sée. C’est extrême­ment pré­cieux pour la suite de votre vie. Encore aujourd’hui, bien des années plus tard, cette for­ma­tion con­tin­ue de me guider. 

L’inclusion et la diversité représentent de vrais avantages pour Ardian

Aujourd’hui, quelle est votre feuille de route ? Quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent ? 

Mon prin­ci­pal objec­tif est de con­tin­uer à faire grandir Ardian en rel­e­vant tous les défis que cela implique. Nous sommes entrés dans une ère par­ti­c­ulière­ment com­plexe dans laque­lle la crois­sance d’une entre­prise tient à une mul­ti­tude de fac­teurs dont il faut tenir compte : rester com­péti­tifs sur des marchés très con­cur­ren­tiels et changeants, résis­ter aux à‑coups macroé­conomiques et à l’incertitude géopoli­tique (lire : Une dette respon­s­able pour une crois­sance respon­s­able). D’autres enjeux de long terme sont égale­ment présents comme le fait d’être sociale­ment respon­s­ables, répon­dre aux exi­gences envi­ron­nemen­tales, génér­er un impact posi­tif, attir­er et garder tous les talents…

J’ai con­fi­ance car Ardian est une belle entre­prise, qui est solide et très bien posi­tion­née sur tous ces enjeux. 

Quel regard portez-vous sur la mixité dans votre secteur d’activité ? Votre entreprise ? 

La mix­ité reste un défi même si les choses ont beau­coup changé dans le monde de la finance et dans le cap­i­tal-investisse­ment en par­ti­c­uli­er. J’ai vu les choses pro­gress­er avec satisfaction.

Je suis évidem­ment très sen­si­ble à cette ques­tion et j’ai tou­jours fait en sorte que notre organ­i­sa­tion attire et promeuve des femmes à tous les niveaux et à tous les postes. C’est d’ailleurs une fierté pour moi qu’Ardian soit aujourd’hui com­posé de 40 % femmes et 60 % d’hommes. Une très bonne répar­ti­tion pour notre secteur à laque­lle nous con­tin­uons de tra­vailler. Depuis 2018, s’est con­sti­tué dans nos équipes, un Women’s club, pour porter la voix des femmes dans le cap­i­tal-investisse­ment, les aider à faire évoluer leur car­rière au sein de notre entre­prise et de dévelop­per leur réseau professionnel.

Comment un acteur comme Ardian appréhende ces sujets de mixité, diversité et inclusion ? 

Avec con­vic­tion, ambi­tion et l’intention d’être moteur pour notre indus­trie. Notre poli­tique interne est poussée et nos efforts sont con­ti­nus. Nous savons aujourd’hui que l’inclusion et la diver­sité représen­tent de vrais avan­tages pour l’entreprise.

“Plus nous aurons de talents issus de la diversité chez Ardian, plus nous en attirerons de nouveaux et saurons les garder. C’est aussi ce qu’attendent les jeunes générations : un monde de l’entreprise qui ressemble vraiment au monde dans lequel ils vivent.”

En recru­tant des tal­ents issus d’une plus grande diver­sité, nous avons une meilleure com­préhen­sion de la com­plex­ité du monde et nous sommes plus per­for­mants. C’est pour cela qu’en 2020, nous avons mis en place un « comité inclu­sion et diver­sité » dans notre bureau parisien. Il regroupe 17 mem­bres aux pro­fils et aux niveaux de sénior­ité divers et qui se réu­nit 6 fois par an pour tra­vailler sur ces ques­tions. Cette année, nous sommes les pre­miers de la Place à lancer un baromètre pour mesur­er la diver­sité chez Ardian et le sen­ti­ment d’inclusion. Ce comité a don­né nais­sance à 4 autres comités dans nos bureaux New York, Lon­dres, Milan et Francfort.

Au-delà se pose aussi la question de l’attractivité du secteur pour les jeunes générations et la capacité à attirer, mais également fidéliser les talents de demain. Qu’en est-il ? 

Je pense que c’est un cer­cle vertueux. Plus nous aurons de tal­ents issus de la diver­sité chez nous, plus nous en attirerons de nou­veaux et saurons les garder. C’est aus­si ce qu’attendent les jeunes généra­tions : un monde de l’entreprise qui ressem­ble vrai­ment au monde dans lequel ils vivent.

Mais il faut aus­si agir « à la racine » car les for­ma­tions qui mènent à la finance sont encore très large­ment dom­inées par les hommes. En 2022, plus de 50 % des filles ont aban­don­né les math­é­ma­tiques après la classe de sec­onde1. C’est un chiffre impres­sion­nant qui démon­tre qu’il faut absol­u­ment bris­er cette asso­ci­a­tion « fil­ière sci­en­tifique = fil­ière mas­cu­line », dès le plus jeune âge et auprès des jeunes filles elles-mêmes qui pensent trop sou­vent qu’elles n’ont pas les capac­ités. Nous ne sommes pas exempts de cette ten­dance dans nos équipes d’investissement, où la part des femmes est tra­di­tion­nelle­ment moins impor­tante que celle des hommes mais nos efforts por­tent leurs fruits. Nos actions d’information sur le monde de la finance et ses métiers auprès des lycéennes et des étu­di­antes en sont l’illustration.

Et pour conclure, un mot à adresser à nos lecteurs et lectrices ? 

Je pense qu’ils ont juste­ment un rôle d’ambassadeurs à jouer auprès de tous les jeunes, qu’ils leur don­nent envie de s’intéresser aux math­é­ma­tiques et aux sci­ences en général. Celles-ci sont essen­tielles dans un monde qui a plus que jamais besoin de ratio­nal­ité et d’armes sci­en­tifiques pour relever les défis qui nous atten­dent (réchauf­fe­ment cli­ma­tique, tran­si­tion énergé­tique, pro­grès médi­cal, finance à impact positif…). 

La répu­ta­tion éli­tiste asso­ciée à la fil­ière sci­en­tifique peut flat­ter ceux qui y ont réus­si mais je crois qu’elle est avant tout un obsta­cle dom­mage­able à son développe­ment.


1 Selon les asso­ci­a­tions de professeurs

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