Jean-Marie Luton

Jean-Marie Luton (61) architecte du secteur spatial européen

Dossier : TrajectoiresMagazine N°756 Juin 2020
Par Géraldine NAJA (X82)
Par Lionel SUCHET (84)
Par Louis LAURENT (82)

Décé­dé le 16 avril der­nier, Jean-Marie Luton, par ses fonc­tions suc­ces­sives au Cnes, à l’ESA et à Aria­nes­pace, a brillam­ment contri­bué aux fon­da­tions du sec­teur spa­tial fran­çais et euro­péen et à l’essor de ce sec­teur stratégique.

Né à Cha­ma­lières en 1942, Jean-Marie Luton s’investit dans le domaine spa­tial dès la fin de ses études en inté­grant en 1964 le Ser­vice d’aéronomie, pre­mier labo­ra­toire du CNRS label­li­sé « spa­tial ». C’est alors qu’il réa­lise les pre­mières expé­riences lan­cées par des fusées sondes depuis la base d’Hammaguir et qu’il conçoit un inter­fé­ro­mètre embar­qué sur l’un des satel­lites amé­ri­cains OGO des­ti­nés à l’étude de l’atmosphère. Fort de ces remar­quables résul­tats scien­ti­fiques, Jean-Marie est déta­ché au Cnes en 1971 en tant que conseiller spé­cial de recherche, où il va pou­voir exer­cer ses remar­quables qua­li­tés d’analyse et de négo­cia­teur. En effet, l’Europe spa­tiale est alors en crise et Jean-Marie va par­ti­ci­per très acti­ve­ment aux négo­cia­tions menant à la créa­tion en 1975 de l’Agence spa­tiale euro­péenne (ESA). En 1974, Jean-Marie est nom­mé chef de la divi­sion des pro­grammes de recherche au Cnes. Ses qua­li­tés excep­tion­nelles l’amènent très vite à prendre de nou­velles fonc­tions et à être nom­mé direc­teur géné­ral adjoint en 1984, poste qu’il occu­pe­ra trois ans avant de prendre des res­pon­sa­bi­li­tés dans le groupe Aero­spa­tiale. En 1989, il revient au Cnes comme direc­teur géné­ral mais il est rapi­de­ment sol­li­ci­té pour prendre la tête de l’ESA.

Du Cnes à l’ESA

En 1990, Jean-Marie prend la tête de l’ESA, à un moment dif­fi­cile. Après la chute du mur de Ber­lin, les grands pro­grammes lan­cés quelques années plus tôt – Ariane 5, Colum­bus (contri­bu­tion euro­péenne à la Sta­tion spa­tiale inter­na­tio­nale) et la petite navette spa­tiale Her­mès – sont remis en ques­tion, condui­sant en par­ti­cu­lier à l’arrêt d’Her­mès. Pen­dant les sept ans de son man­dat, Jean-Marie va conso­li­der les pro­grammes de l’ESA, démar­rer la nou­velle tranche du pro­gramme scien­ti­fique avec une vision stra­té­gique à très long terme et mener à bien une réforme ambi­tieuse de la poli­tique indus­trielle de l’ESA. Ain­si, Jean-Marie Luton dote l’ESA d’une vraie vision stra­té­gique et pros­pec­tive, de pro­grammes solides et d’une poli­tique indus­trielle moder­ni­sée, lais­sant à ses suc­ces­seurs une agence par­fai­te­ment pré­pa­rée à répondre avec suc­cès aux défis du XXIe siècle.

À la tête d’Arianespace

Jean-Marie Luton est nom­mé PDG d’Arianespace en 1997. Il relève avec suc­cès son pre­mier défi : pré­pa­rer le retour en vol d’Ariane 5 après l’échec de la pre­mière ten­ta­tive du 4 juin 1996. En quelques années, Ariane 5 devient le pre­mier lan­ceur com­mer­cial dans le monde. Mais il faut conti­nuer à anti­ci­per et à pré­pa­rer l’avenir : le besoin d’un lan­ceur de classe moyenne pour l’Europe, la néces­si­té de res­ser­rer les liens avec une Rus­sie spa­tiale alors en pleine trans­for­ma­tion et sur­tout la volon­té de ne pas lais­ser le mono­pole de la coopé­ra­tion aux Amé­ri­cains condui­ront à la déci­sion d’installer un pas de tir de Soyouz en Guyane. Son habi­le­té, sa par­faite connais­sance du milieu spa­tial euro­péen et sa capa­ci­té à construire des com­pro­mis feront mer­veille pour per­mettre l’évolution d’Arianespace. Grâce à cette gamme de lan­ceurs com­plé­men­taires (Ariane 5, Soyouz et Vega), Aria­nes­pace conti­nue­ra à domi­ner le mar­ché du trans­port spa­tial et à répondre aux besoins des gou­ver­ne­ments euro­péens, long­temps après son départ à la retraite en 2007.

Offi­cier de la Légion d’honneur et com­man­deur de l’ordre natio­nal du Mérite, il a été membre de l’Académie inter­na­tio­nale d’astronautique. Son épouse Cécile et leurs trois fils gardent le sou­ve­nir d’un homme sen­sible, tai­seux, et grand travailleur.

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