Introduction

Dossier : La DéfenseMagazine N°529 Novembre 1997Par François BRESSON (56)

Le par­lement a voté en 1996 une loi de pro­gram­ma­tion d’une impor­tance his­torique. En effet, elle engage une réor­gan­i­sa­tion des armées comme il n’y en avait pas eu depuis 1962 lorsque le général de Gaulle, rompant avec les con­flits de la décoloni­sa­tion, avait redéfi­ni les mis­sions et les moyens des armées en fonc­tion de la guerre froide en Europe. Mais surtout, elle mar­que la rup­ture d’une tra­di­tion sécu­laire du mode de rela­tion entre l’ar­mée et la Nation.

Plusieurs de nos cama­rades en présen­tent ci-dessous les grandes lignes.

Les prin­ci­pales évo­lu­tions de l’ar­mée de terre, de la marine et de l’ar­mée de l’air sont analysées respec­tive­ment par le général d’ar­mée Brutin (59), inspecteur général des armées, par le vice-ami­ral d’escadre Dur­teste (58), préfet mar­itime de Toulon, et — place aux jeunes — par le cap­i­taine Ven­turi (87) de la base d’O­r­ange, tan­dis que J.-Y. Helmer (65), délégué général à l’arme­ment, expose la réforme qu’il a conçue et lancée.

Trois domaines majeurs de change­ment (le ren­seigne­ment, l’e­space et le nucléaire) font ensuite l’ob­jet des con­tri­bu­tions de l’ingénieur général Séméria (56), directeur à la Direc­tion du ren­seigne­ment mil­i­taire, et de l’ingénieur général des mines Fer­ri­er (62), directeur au Secré­tari­at général de la Défense nationale.

Enfin, le général Novacq (67), directeur général de l’É­cole, fait le point sur l’X et le ser­vice nation­al. Le cœur de cette réforme, la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion des armées, résulte d’une déci­sion per­son­nelle du Prési­dent de la République, chef des armées. Non pas qu’une telle mesure n’ait été souhaitée par des per­son­nal­ités comme notre cama­rade le général d’ar­mée F. Valentin ou M. Mess­mer. Mais elle dif­fère pro­fondé­ment des avis for­mulés en leur temps par la plu­part des chefs mil­i­taires en poste (les ter­riens en tout cas), avis qu’il serait injuste d’as­sim­i­l­er à de sim­ples réac­tions de con­ser­vatisme ou de corporatisme.

Quoi qu’il en soit, les mois et les années qui vien­nent nous apporteront la réponse des faits aux ques­tions qui se posent aujour­d’hui quant aux chances de suc­cès de cette entreprise :
a) Les armées auront-elles les moyens financiers de la men­er à bien ? Certes, le Prési­dent s’est engagé sur un mon­tant de crédits qui reste impor­tant, bien qu’en réduc­tion par rap­port au passé récent du fait de la sit­u­a­tion finan­cière et géos­tratégique de la France. Mais les effec­tifs “de méti­er”, même très forte­ment dimin­ués, coû­tent cher. La loi de pro­gram­ma­tion a dû mod­i­fi­er l’équili­bre habituel “frais de fonc­tion­nement-achats d’équipement” au béné­fice du fonc­tion­nement : 10 mil­liards par an (soit l0 %) des crédits d’équipement ont ain­si dû être trans­férés au fonc­tion­nement. Nul ne sait si cela sera suffisant. 
b) Les armées sauront-elles faire preuve de l’imag­i­na­tion et de la déter­mi­na­tion néces­saires pour instau­r­er de nou­veaux liens solides avec la Nation, en par­ti­c­uli­er avec la jeunesse, et tout spé­ciale­ment avec les étu­di­ants ? (L’É­cole est par­ti­c­ulière­ment con­cernée par cet aspect, cf. l’ar­ti­cle du général Novacq.) 
c) Les con­di­tions socio-économiques per­me­t­tront-elles la pleine réus­site de la réforme ambitieuse de la DGA et de l’in­dus­trie d’arme­ment, lancée par­al­lèle­ment à celle des armées ?
d) Quel sera le rythme de pro­grès des ques­tions touchant à la défense de l’Eu­rope (cf. pla­que­tte d’X-Défense de juin 1995), et leur impact sur nos pro­jets nationaux ? 

Para­doxale­ment, cette réor­gan­i­sa­tion majeure de nos moyens de défense ne s’est pas jusqu’i­ci accom­pa­g­née explicite­ment d’un effort de réflex­ion com­pa­ra­ble, per­me­t­tant la “refon­da­tion” néces­saire de notre con­cept ou de notre poli­tique de défense. Deux domaines au moins jus­ti­fieront à l’avenir un impor­tant investisse­ment conceptuel.

1) Quel est l’avenir du nucléaire ?

Notre con­cept dis­suasif dans son état actuel est-il per­ti­nent et des­tiné à le rester ? Par exem­ple, doit-il rester immuable face à la dis­pari­tion, recon­nue par ailleurs sur le plan con­ven­tion­nel, d’une puis­sance hégé­monique hos­tile à l’Est ?

Nos armes sont-elles adap­tées ? Par exem­ple, les armes de faible puis­sance à lanceur ter­restre (autre­fois appelées “tac­tiques”) ont-elles un avenir ?

2) Comment organiser la “défense du territoire”, selon un mot juridiquement mal défini mais bien concret ?

Quels sont les dan­gers et les risques à pren­dre en compte à cet égard, au-delà des prob­lèmes de sécu­rité intérieure et de main­tien de l’or­dre ? Autrement dit notre ter­ri­toire peut-il être l’ob­jet de véri­ta­bles agres­sions, de la part de pays util­isant toutes les ressources des straté­gies indi­rectes (ter­ror­isme…) ?

Quelle sera au cours des prochaines décen­nies la par­tic­i­pa­tion demandée (imposée ?) aux citoyens dans ce type de défense ?

Ces sujets fer­ont évidem­ment par­tie des préoc­cu­pa­tions du groupe X‑Défense pen­dant les mois qui viennent.

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