Internet des objets : Panorama des technologies LPWAN à basse consommation

Internet des objets : Panorama des technologies LPWAN à basse consommation

Dossier : Internet des objetsMagazine N°784 Avril 2023
Par Olivier SELLER (X95)

Les réseaux low pow­er wide area net­work (LPWAN) for­ment une par­tie des réseaux dédiés à l’internet des objets. En rai­son de leur cou­ver­ture éten­due, les appli­ca­tions asso­ciées sont prin­ci­pale­ment des ser­vices aux entre­pris­es ou aux organ­ismes publics. Au moins qua­tre solu­tions tech­niques exis­tent actuelle­ment. Voici le point sur leurs avan­tages et leurs inconvénients.

La faible con­som­ma­tion des réseaux LPWAN per­met d’apporter une con­nec­tiv­ité là où ce n’était pas pos­si­ble pour des raisons d’autonomie en énergie, dans le but d’ajouter des cap­teurs à des équipements ou dans l’environnement. Le coût rel­a­tive­ment faible est une con­séquence de la portée des réseaux et de la faible con­som­ma­tion énergé­tique, mais n’est pas néces­saire­ment un critère de sélec­tion, sauf pour les appli­ca­tions matures comme les comp­teurs con­nec­tés (eau, gaz, élec­tric­ité). Afin de dress­er un panora­ma des tech­nolo­gies LPWAN, il nous sem­ble per­ti­nent de mon­tr­er com­ment des tech­nolo­gies exis­tantes ont évolué, puis de détailler les tech­nolo­gies plus récentes dédiées au LPWAN, et enfin de dis­cuter des avan­tages com­péti­tifs et de la com­plé­men­tar­ité de ces dif­férentes solutions.

La solution d’un réseau maillé

Dans les réseaux indus­triels domi­nent les dérivés du stan­dard Insti­tute of Elec­tri­cal and Elec­tron­ics Engi­neers, IEEE 802.15.4, ou des stan­dards proches util­isant la mod­u­la­tion de fréquence numérique (fre­quen­cy-shift key­ing ou FSK). Tous opèrent dans des ban­des de fréquences sans licence à 868–915 MHz ou 2,4 GHz. Ces tech­niques sont sim­ples et rel­a­tive­ment bon marché ; elles con­som­ment très peu d’énergie, ce qui per­met de les ali­menter par piles ou grâce à des cel­lules pho­to­voltaïques. Pour aug­menter la portée de ces stan­dards, la fonc­tion­nal­ité de réseau mail­lé (Mesh) a été ajoutée à tous ces pro­to­coles comme le Blue­tooth. Dans un réseau mail­lé, chaque cap­teur devient un nœud du réseau qui par­ticipe à la cou­ver­ture. Du point de vue énergé­tique, un réseau mail­lé est opti­mal vis-à-vis de l’énergie util­isée pour trans­met­tre l’information. En effet, pour dou­bler la portée d’une trans­mis­sion point à point, il est néces­saire de mul­ti­pli­er par 5 ou par 10 l’énergie d’émission alors que, en dou­blant cette portée grâce à un relai (une trans­mis­sion, puis une répéti­tion par le relai), la quan­tité d’énergie fournie doit sim­ple­ment être mul­ti­pliée par deux. Le relai doit con­som­mer de l’énergie pour la récep­tion mais, si le pro­to­cole est opti­misé, la con­tri­bu­tion de la récep­tion est négligeable. 

Les limites du réseau maillé

Un réseau mail­lé per­met donc en théorie de main­tenir une très faible con­som­ma­tion d’énergie. Cepen­dant, cela sup­pose de mailler le réseau à loisir en ajoutant des nœuds, de l’équilibrer en évi­tant que cer­tains cap­teurs ne soient trop sol­lic­ités pour les relais, et enfin d’optimiser le débit de chaque lien. L’expérience mon­tre que c’est rarement ce qui est appliqué en pra­tique. De fait, cela con­duit à une cer­taine com­plex­ité des déploiements (on ne peut pas met­tre des cap­teurs partout) et, plus grave, une impré­dictibil­ité des opéra­tions de main­te­nance (rem­place­ment des piles à des échéances très vari­ables), ain­si que des délais de trans­mis­sion par­fois trop longs. En pra­tique, égale­ment, il n’est pas pos­si­ble d’avoir des cap­teurs mobiles ou soumis à de brusques change­ments de prop­a­ga­tion radio (obstruc­tion variable).

La solution du monde cellulaire

Une autre approche de ce marché LPWAN est issue du monde cel­lu­laire. À l’inverse des tech­nolo­gies précé­dentes, à la faible con­som­ma­tion mais à la portée lim­itée, les tech­nolo­gies cel­lu­laires prof­i­tent d’une portée presque com­plète sur un ter­ri­toire, au moins à l’extérieur, au prix d’une con­som­ma­tion rel­a­tive­ment élevée. Pour éten­dre le marché de la tech­nolo­gie LPWAN, il s’agit ain­si de descen­dre en gamme, en réduisant prix et débits par rap­port à la 3G ou à la 4G. Ces dérivés s’appellent NB-IoT (nar­row band IoT), pour les débits les plus faibles et la portée la plus grande, et LTE‑M (long-term evo­lu­tion for machines) pour des débits de l’ordre de 100 kbps. Une sim­ple mise à jour des sta­tions de base per­met en général d’offrir ces ser­vices, qui prof­i­tent donc de l’excellente cou­ver­ture des réseaux cel­lu­laires déjà déployés. La lim­ite à la cou­ver­ture vient du fait que les appli­ca­tions IoT sont très minori­taires par rap­port à la télé­phonie ou à l’internet mobile, et qu’il n’est pas rentable d’étendre le réseau pour les seules appli­ca­tions IoT. Par ailleurs, la con­som­ma­tion des cap­teurs reste rel­a­tive­ment impor­tante en rai­son de la sig­nal­i­sa­tion réseau, opti­misée pour de forts débits, en mobil­ité, et avec une latence faible.


Lire aus­si : IoT : Les réseaux sans fil à bas débit, une tech­nolo­gie de la sobriété


La place des start-up françaises

Les réseaux dédiés à l’IoT basse con­som­ma­tion tels que UNB (ultra nar­row band), LoRa (long range), Weight­less ou RPMA (ran­dom phase mul­ti­ple access) ont été dévelop­pés par des start-up. Toutes ont mis en œuvre une réduc­tion des débits (jusqu’à 30 bits par sec­onde) de façon à aug­menter la portée. On peut remar­quer que les deux plus impor­tants réseaux – et seuls encore en ser­vice – sont d’origine française, avec d’une part Sig­fox et sa tech­nique de mod­u­la­tion à bande très étroite (ultra nar­row band) et d’autre part Cycleo, util­isant la mod­u­la­tion LoRa qui repose sur l’étalement de spec­tre. Ces deux entre­pris­es ont fig­uré au pal­marès 2010 du con­cours OSEO (BPI) d’aide à la créa­tion d’entreprises de tech­nolo­gies inno­vantes. Sig­fox a ensuite levé des fonds, notam­ment auprès de la Caisse des dépôts et consigna­tions, alors que Cycleo a été ven­due assez vite (2012) à l’industriel Semtech.

“Les deux plus importants réseaux dédiés à l’IoT basse consommation sont d’origine française.”

Des points communs entre les protocoles

Sur le plan tech­nique, le pro­to­cole de com­mu­ni­ca­tion asso­cié à LoRa (long range) se nomme LoRaWAN et il partage avec le pro­to­cole Sig­fox des points com­muns qui cor­re­spon­dent à un réseau dédié à l’IoT. Tout d’abord, des ban­des sans licence sont util­isées, de façon à réduire les coûts et à per­me­t­tre des déploiements de réseaux publics ou de réseaux privés dédiés à une appli­ca­tion. La topolo­gie du réseau est égale­ment par­ti­c­ulière, puisque la récep­tion par tous les points d’accès du réseau est col­lab­o­ra­tive : au con­traire d’un sys­tème cel­lu­laire, toutes les sta­tions de base utilisent les mêmes fréquences. Le déploiement du réseau est sim­pli­fié : par exem­ple, l’ajout d’une sta­tion de base ne requiert pas de redis­tri­b­u­tion des fréquences. La cou­ver­ture est meilleure puisque plusieurs sta­tions de base peu­vent com­mu­ni­quer avec un cap­teur. Le cap­teur en lui-même n’est pas con­nec­té à une cel­lule, mais au réseau dans son ensem­ble ; ain­si, le change­ment de sta­tion de base est trans­par­ent et ne néces­site pas de sig­nal­i­sa­tion par­ti­c­ulière. Dans le cas de cap­teurs mobiles et trans­met­tant très peu d’information (logis­tique, chaîne du froid), le gain de con­som­ma­tion est sig­ni­fi­catif. Un autre point com­mun impor­tant est que le pro­to­cole repose sur un accès aléa­toire à la voie mon­tante : le cap­teur peut trans­met­tre à n’importe quel moment, tant qu’il respecte la régle­men­ta­tion. Ces réseaux col­lab­o­rat­ifs ont égale­ment un autre avan­tage : les réseaux de dif­férents opéra­teurs, publics ou privés, peu­vent partager très sim­ple­ment la cou­ver­ture. Enfin, nous retien­drons un dernier point com­mun sig­ni­fi­catif entre Sig­fox et LoRaWAN, qui est que les com­mu­ni­ca­tions sur la voie descen­dante sont oppor­tunistes : des fenêtres de récep­tion sont ouvertes par le cap­teur à la suite de chaque transmission.

Un peu de technique… 

La mod­u­la­tion LoRa et le pro­to­cole LoRaWAN ont des spé­ci­ficités qui sont ori­en­tées vers la basse con­som­ma­tion du cap­teur. La mod­u­la­tion LoRa est une mod­u­la­tion de fréquence qui per­met des points de fonc­tion­nement très effi­caces pour les amplifi­ca­teurs radiofréquences, car l’amplitude du sig­nal est con­stante. On obtient ain­si 40 % d’efficacité de con­ver­sion, con­tre 10 % pour les mod­u­la­tions d’amplitude. Cette mod­u­la­tion de fréquence est fon­da­men­tale, car l’essentiel de la con­som­ma­tion élec­trique des cap­teurs en fonc­tion­nement con­siste à émet­tre des ondes radio. Ensuite, le récep­teur de la mod­u­la­tion LoRa est par­ti­c­ulière­ment sim­ple, offrant la pos­si­bil­ité de recevoir instan­ta­né­ment une trans­mis­sion, sans syn­chro­ni­sa­tion préal­able et sans assis­tance du réseau (con­traire­ment au GPS, par exem­ple). Cette pro­priété est mise à prof­it par le pro­to­cole LoRaWAN, qui per­met une latence de seule­ment 1 sec­onde depuis le réseau vers le cap­teur, sans forcer le cap­teur à être en récep­tion per­ma­nente. Des fenêtres de récep­tion très cour­tes sont pro­gram­mées, et le cap­teur pour­suit la récep­tion seule­ment s’il détecte une trame. De plus, le pro­to­cole LoRaWAN ne com­prend, dans chaque mes­sage, que 13 octets de sig­nal­i­sa­tion pour l’adressage et les fonc­tions de sécu­rité, et l’intégration d’éléments de plusieurs couch­es du mod­èle OSI (open sys­tems inter­con­nec­tion, physique, liai­son, réseau, trans­port et ses­sion) per­met de réduire la sig­nal­i­sa­tion. Les évo­lu­tions de LoRaWAN en cours com­pren­nent des amélio­ra­tions des inter­faces entre les dif­férents serveurs du réseau pour sim­pli­fi­er l’intégration : l’objectif est de par­venir à une acti­va­tion sécurisée, con­sis­tant en une sim­ple lec­ture de QR code sur le cap­teur. Une autre évo­lu­tion en cours est de per­me­t­tre des com­mu­ni­ca­tions vers des satel­lites géo­sta­tion­naires ou en orbite basse ; plusieurs ser­vices com­mer­ci­aux sont déjà ouverts. 

Les avantages du réseau maillé

Sans se ris­quer à faire des pronos­tics, il est pos­si­ble de com­par­er les avan­tages con­cur­ren­tiels de ces dif­férentes tech­nolo­gies et d’étudier leur com­plé­men­tar­ité. Du côté des tech­nolo­gies de réseaux mail­lés, l’avantage est le coût, la faible con­som­ma­tion et un écosys­tème fort d’un grand nom­bre d’applications et de cap­teurs exis­tants. Les four­nisseurs de puces offrent des plate­formes inté­grées en com­bi­nant de nom­breuses tech­nolo­gies radio et des pro­to­coles. Le marché prin­ci­pal n’est pas le LPWAN, mais il est com­plé­men­taire : l’électronique grand pub­lic con­nec­tée, grâce par exem­ple au pro­to­cole Mat­ter qui ambi­tionne de ren­dre tous les équipements domes­tiques interopérables. La portée de ces tech­nolo­gies et les dif­fi­cultés opéra­tionnelles des réseaux mail­lés lim­i­tent l’application au marché LPWAN. En com­plé­ment d’une con­nec­tiv­ité cel­lu­laire, il est pos­si­ble de créer une bulle autour d’un point d’accès mais, là encore, il faut se lim­iter à des dis­tances faibles et il ne s’agit pas vrai­ment d’une exten­sion de couverture. 

Les avantages du réseau cellulaire

Con­cer­nant les réseaux cel­lu­laires, on observe que, mal­gré un réseau amor­ti par d’autres appli­ca­tions, les prix des mod­ules et surtout de la con­nec­tiv­ité restent un peu plus élevés. Les plus gros suc­cès du NB-IoT sont en Chine, dans un con­texte sub­ven­tion­né empreint de fierté tech­nologique nationale. Le mode Cat‑M a un posi­tion­nement marché plus sim­ple : plus haut débit, con­som­ma­tion maîtrisée, mobil­ité… ce qui con­vient par­faite­ment quand l’énergie n’est pas com­plète­ment con­trainte. Les réseaux cel­lu­laires sont déjà présents et les tech­nolo­gies alter­na­tives ne peu­vent que se posi­tion­ner en com­plé­ment de ces derniers. Quand un réseau LPWAN de type Sig­fox, LoRaWAN ou encore Wi-SUN (wire­less smart util­i­ty net­work, réseau mail­lé dédié aux comp­teurs d’eau ou de gaz) est déployé, les points d’accès utilisent le plus sou­vent un abon­nement cel­lu­laire pour la con­nex­ion aux serveurs cen­traux, notam­ment quand il s’agit d’un réseau privé qui n’est pas opéré directe­ment par le client final. En effet, une con­nec­tiv­ité cel­lu­laire per­met d’établir un réseau com­plète­ment indépen­dant de l’infrastructure du client. À l’inverse, éten­dre la cou­ver­ture d’un réseau cel­lu­laire est dif­fi­cile, car les sta­tions de base sont chères. Dans ce cas, l’extension en util­isant des réseaux mail­lés ou des réseaux privés LPWAN sem­ble évidente. 

L’offre Sigfox

L’offre de Sig­fox est un exem­ple de pro­duit de con­nec­tiv­ité qui est com­plet et qui réalise, de plus, une inté­gra­tion low cost. La promesse est d’avoir un sys­tème très sim­ple, avec un seul inter­locu­teur com­mer­cial pour le client final, où qu’il se trou­ve dans le monde. Cela rend les choses beau­coup plus faciles pour le client, mais la sim­plic­ité et l’intégration ont un coût : le sys­tème est fer­mé et les fonc­tion­nal­ités sont lim­itées et peu évo­lu­tives. Tra­di­tion­nelle­ment, une inté­gra­tion low cost se pro­duit tou­jours une fois que le marché est mature, au risque sinon de gaspiller la volon­té de paiement des pre­miers clients de la tech­nolo­gie et de se tromper sur le con­tenu de l’intégration, en définis­sant un pro­duit min­i­mum viable qui rate sa cible. 

L’offre Semtech

Semtech a cofondé l’Alliance LoRa, dans le but de définir une plate­forme tech­nologique et un écosys­tème ouvert, et a mené une poli­tique de licence de la tech­nolo­gie LoRa, par exem­ple auprès de STMi­cro­elec­tron­ics. Le pro­to­cole a été recon­nu comme stan­dard par l’ITU‑T (inter­na­tion­al telecom­mu­ni­ca­tion stan­dard­iza­tion sec­tor). Il y a peu de fac­teurs lim­i­tants : ban­des sans licence, cer­ti­fi­ca­tion rapi­de et très bon marché des cap­teurs, four­nisseurs mul­ti­ples pour tous les élé­ments d’une solu­tion – cap­teurs, sta­tions de base, serveurs, opéra­teurs de réseau. Cela favorise l’innovation et a pro­duit un grand écosys­tème de four­nisseurs de cap­teurs. Quelques appli­ca­tions ont un fort vol­ume, par exem­ple les comp­teurs d’eau, gaz, élec­tric­ité, suiv­ies d’une dis­tri­b­u­tion de nom­breuses appli­ca­tions à plus faible vol­ume. Par­mi ces appli­ca­tions, cer­taines vont prob­a­ble­ment croître de façon autonome, comme dans le domaine des bâti­ments intel­li­gents, et d’autres vont utilis­er une com­bi­nai­son de con­nec­tiv­ité com­prenant cel­lu­laire et LoRaWAN ter­restre ou par satel­lite : on pense ici aux appli­ca­tions dans le domaine de la logis­tique, où la cou­ver­ture doit être excel­lente, les coûts bas et la con­som­ma­tion d’énergie très faible. 

Commentaire

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Claude Bau­doin (X70)répondre
9 avril 2023 à 3 h 32 min

Très utile, mer­ci. Je serais intéressé par votre opin­ion sur la com­mu­ni­ca­tion en mer (loin des côtes) pour deux raisons : parce que j’ai tra­vail­lé dans le secteur pétroli­er, et parce que j’ai reçu récem­ment une ques­tion à ce sujet de quelqu’un de l’in­sti­tut océanographique de Woods Hole près de Boston. A ma con­nais­sance, les liaisons par satel­lite, du genre InMarSat, sont encore très coû­teuses et offrent un débit qui dans cer­tains cas est inutile­ment élevé (mesures de cap­teurs IoT de faible vol­ume envoyées toutes les quelques min­utes) et dans d’autres cas insuff­isant (cas d’un de mes clients qui veut envoy­er des fichiers de don­nées de 1 à 2 Go).

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