Financer des infrastructures durables pour une décarbonation pérenne

Financer des infrastructures durables pour une décarbonation pérenne

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Laurent CHATELIN

Pio­nnier de l’investissement respon­s­able et durable depuis plus de deux décen­nies, Eurazeo finance active­ment la décar­bon­a­tion et la réduc­tion de l’empreinte car­bone de nos sociétés. Dans cet entre­tien Lau­rent Chatelin, Part­ner de l’équipe Infra­struc­ture d’Eurazeo, nous en dit plus sur le posi­tion­nement de la société et sa stratégie d’investissement en faveur de la réus­site de la tran­si­tion énergétique.

La transition énergétique est souvent appréhendée au travers du prisme des énergies. Or, les infrastructures ont également un rôle important à jouer dans le cadre de cette transition. Qu’en est-il ? 

Aujourd’hui, l’énergie, l’industrie, le trans­port et les bâti­ments représen­tent plus de 85 % des émis­sions de CO2 en Europe. On estime, d’ailleurs, l’empreinte car­bone de l’Europe à 3,2 giga­tonnes de CO2 par an. Pour réus­sir la tran­si­tion énergé­tique, il nous faut donc repenser com­plète­ment la manière dont les infra­struc­tures délivrent et opèrent les ser­vices essen­tiels à nos sociétés : énergie, trans­port, eau, déchet…

Aujourd’hui, plusieurs pistes s’offrent à nous : la sor­tie des éner­gies fos­siles au prof­it d’une énergie renou­ve­lable bas car­bone ; l’adaptation des réseaux à de nou­veaux mix énergé­tiques qui per­me­t­tront d’avoir une meilleure mod­u­la­tion de la demande et de dis­pos­er de meilleures capac­ités de stockage… 

L’ensemble de ces actions vont non seule­ment con­tribuer à accélér­er la décar­bon­a­tion des usages énergé­tiques, mais aus­si per­me­t­tre la relo­cal­i­sa­tion de l’approvisionnement énergé­tique en Europe et donc, in fine, ren­forcer notre sou­veraineté et sécu­rité énergé­tiques dans un con­texte mon­di­al très incertain. 

Cela demande aus­si d’adapter les infra­struc­tures pour dévelop­per leur résilience au change­ment cli­ma­tique : vagues de chaleur, sécher­ess­es, mon­tée des eaux, tem­pêtes… Toute­fois, cela ne suf­fi­ra pas, car il faut égale­ment accom­pa­g­n­er le développe­ment et le déploiement d’infrastructures nou­velles plus respon­s­ables, comme les trans­ports pro­pres (voitures élec­triques…). Au-delà, il faut accélér­er le développe­ment de l’économie cir­cu­laire qui per­met une ges­tion plus durable et respon­s­able de l’eau et des déchets.

Enfin, il faut aus­si accélér­er la dig­i­tal­i­sa­tion qui est un levi­er puis­sant de la tran­si­tion énergé­tique. En effet, c’est grâce au dig­i­tal que nous pour­rons assur­er l’évolution des process indus­triels vers le bas car­bone et accroître l’efficacité énergé­tique des bâtiments.

Pour réalis­er et men­er à bien l’ensemble de ces chantiers, il faut met­tre à la dis­po­si­tion des secteurs qui con­tribuent à la décar­bon­a­tion de l’économie des moyens d’investissements massifs. 

Sur ces sujets, quelle est la stratégie d’investissement d’Eurazeo ?

Eurazeo s’est doté d’une équipe dédiée à l’investissement dans les infra­struc­tures de tran­si­tion vers un avenir durable et décar­boné, notam­ment dans les secteurs de l’énergie et du dig­i­tal. Si la décar­bon­a­tion reste bien évidem­ment notre pri­or­ité, nous avons fait le choix de priv­ilégi­er des investisse­ments dans des entre­pris­es ou des ini­tia­tives qui auront le plus fort impact en ter­mes de décar­bon­a­tion. Notre stratégie d’investissement est véri­ta­ble­ment de con­cili­er per­for­mance finan­cière et envi­ron­nemen­tale. Par exem­ple, nous n’investirons pas dans le stock­age du CO2 mais nous flécherons plutôt nos investisse­ments vers des sociétés et des secteurs qui n’émettent pas de car­bone ou qui con­tribuent directe­ment à la réduc­tion de l’empreinte carbone. 

La prin­ci­pale com­plex­ité de cette tran­si­tion est que nous devons financer des infra­struc­tures qui apporteront une per­for­mance finan­cière à moyen et long terme. La règle­men­ta­tion européenne per­met doré­na­vant d’orienter le cap­i­tal (dette et fonds pro­pres) vers ces sujets facil­i­tant ain­si ces investisse­ments. C’est notam­ment le cas du règle­ment SFDR1 qui établit une clas­si­fi­ca­tion des instru­ments financiers en fonc­tion de leur empreinte car­bone : les instru­ments classés arti­cle 6 qui ren­voient aux éner­gies car­bonées, ceux classés arti­cle 8 qui ren­voient à un investisse­ment cou­plé à une poli­tique ESG et ceux classés arti­cle 9 pour lequel l’investissement doit pour­suiv­re un objec­tif de développe­ment durable (prin­ci­pale­ment la décar­bon­a­tion) en lien avec la tax­onomie européenne qui organ­ise et clas­si­fie l’ensemble des activ­ités économiques en fonc­tion de leur souten­abil­ité et impact envi­ron­nemen­tal. Les grands financeurs sont aujourd’hui forte­ment incités à utilis­er ces instru­ments clas­si­fiés SFDR et plus par­ti­c­ulière­ment l’article 9.

Eurazeo est, d’ailleurs, en train de lever un fonds article 9 selon le règlement SFDR spécialisé dans les infrastructures de la transition vers une économie bas carbone. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est une illus­tra­tion con­crète de notre volon­té de nous posi­tion­ner comme un acteur majeur du développe­ment durable. Ce fonds a voca­tion à financer des sociétés dont la mis­sion est de délivr­er des ser­vices essen­tiels bas car­bone de manière souten­able et résiliente, en lien avec la tran­si­tion énergé­tique et la tran­si­tion dig­i­tale. À ce stade, nous avons réal­isé trois investisse­ments dans des entre­pris­es qui, ensem­ble pour­raient per­me­t­tre d’éviter le rejet de plus d’un mil­lion de tonnes de CO2eq d’ici 2028. Nous avons ain­si investi dans Ikaros Solar qui est un pro­duc­teur indépen­dant d’énergie renou­ve­lable pho­to­voltaïque en toi­ture qui opère dans plusieurs pays européens. 

Nous avons aus­si investi dans Elec­tra qui est un opéra­teur de bornes de recharge de véhicules élec­triques en France et en Bel­gique. Enfin, nous avons investi au Dane­mark aux côtés de Quanta­fu­el dans un grand pro­jet de tri des déchets plas­tiques. Au-delà de la mise à dis­po­si­tion du cap­i­tal et d’experts sec­to­riels et fonc­tion­nels, nous tra­vail­lons avec ces entre­pris­es sur des busi­ness plans envi­ron­nemen­taux que nous suiv­ons pen­dant toute la durée de déten­tion en nous appuyant sur des indi­ca­teurs de per­for­mance envi­ron­nemen­tale que nous mesurons régulière­ment et sur lesquels nous ren­dons compte à nos investisseurs. 

De manière plus générale, ce fonds a voca­tion à financer des entre­pris­es et des pro­grammes dans tous les domaines de la tran­si­tion en Europe : l’énergie, les trans­ports, l’économie cir­cu­laire, le dig­i­tal, les bâti­ments, l’industrie…

Et pour conclure ? 

Le deux­ième vol­ume du six­ième rap­port d’évaluation sur le cli­mat du GIEC souligne que, dans le cas d’un réchauf­fe­ment de 2°C d’ici 2100, jusqu’à 18 % des espèces ter­restres pour­raient être exposées à un risque élevé d’extinction et que le boule­verse­ment des prin­ci­paux écosys­tèmes pour­rait men­ac­er jusqu’à 3,5 mil­liards d’individus.

Plus que jamais réduire son empreinte car­bone à un titre per­son­nel ou pro­fes­sion­nel est de la respon­s­abil­ité de cha­cun d’entre nous. C’est le prin­ci­pal défi que notre généra­tion doit relever. Il est aujourd’hui vital d’organiser nos sociétés de manière à pou­voir con­tin­uer à vivre comme nous l’entendons tout en réduisant nos émis­sions et notre empreinte car­bone. Cela néces­site de pren­dre le risque de faire les choses dif­férem­ment et donc de réfléchir à de nou­velles alter­na­tives et solu­tions pour que demain nous puis­sions sor­tir des éner­gies fos­siles et dévelop­per des sociétés bas car­bone. C’est pour cela que nous mobil­isons du cap­i­tal financier et humain pour per­me­t­tre cette tran­si­tion vers un monde plus durable et plus respectueux de l’environnement.

1SFDR : Sus­tain­able Finance Dis­clo­sure Regulation

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