CRISPR-Cas9

CRISPR-Cas9 : aubaine ou danger pour l’humanité ?

Dossier : La ChimieMagazine N°749 Novembre 2019
Par Gilles GASSER

Cela a fait la une des jour­naux il y a quelques mois lorsque les deux pre­miers bébés issus de la tech­no­lo­gie CRIS­PR-Cas9 sont nés en Chine en novembre 2018. Mais qu’est donc ce sys­tème CRIS­PR-Cas9 ? Faut-il en avoir peur ou y voir une fan­tas­tique oppor­tu­ni­té pour l’humanité ? Petit retour sur cette inven­tion qui est en train de révo­lu­tion­ner le génie géné­tique, et peut-être la médecine !

Pra­ti­que­ment, le sys­tème CRIS­PR-Cas9 se base sur la capa­ci­té d’une enzyme appe­lée endo­nu­cléase, Cas9, qui per­met de cou­per l’ADN de manière spé­ci­fique avec deux zones de coupe actives. Tech­ni­que­ment, c’est donc un pro­ces­sus chi­mique, la cata­lyse, qui est res­pon­sable de ce décou­page. La spé­ci­fi­ci­té de ce pro­ces­sus cata­ly­tique est que cette enzyme est gui­dée par des brins d’ARN. En d’autres termes, il est main­te­nant pos­sible de cou­per, selon les vœux d’un cher­cheur, n’importe quelle séquence d’ADN pour sim­ple­ment l’éliminer ou pour la rem­pla­cer par une autre. Pour cela, il suf­fit « sim­ple­ment » de choi­sir le bon ARN ! Cette tech­nique est donc bien plus puis­sante que la thé­ra­pie génique, déve­lop­pée il y a envi­ron trente ans, car bien moins chère et beau­coup plus simple à mettre en pratique.

Les appli­ca­tions poten­tielles du sys­tème CRIS­PR-Cas9 sont évi­dem­ment de pou­voir gué­rir des mala­dies géné­tiques en sup­pri­mant des zones d’ADN qui contiennent des infor­ma­tions qui abou­tissent à ces mala­dies. C’est pour­quoi des start-up qui uti­lisent cette tech­no­lo­gie se déve­loppent rapi­de­ment. La France est direc­te­ment impli­quée puisque l’une des codé­cou­vreuses du sys­tème CRIS­PR-Cas9 est Emma­nuelle Char­pen­tier qui a fait ses études en France (uni­ver­si­té Pierre-et-Marie-Curie et Ins­ti­tut Pas­teur) et dirige actuel­le­ment l’Institut Max-Planck d’infectiologie à Ber­lin en Alle­magne. Elle a cofon­dé en avril 2014 la socié­té CRISPR The­ra­peu­tics qui vise à uti­li­ser cette pla­te­forme tech­no­lo­gique pour trai­ter les hémo­glo­bi­no­pa­thies, le can­cer, le dia­bète et bien d’autres mala­dies. Néan­moins, il y a actuel­le­ment une grande dis­pute devant les tri­bu­naux aux États-Unis sur les droits du bre­vet. Affaire de gros sous à suivre…

Néan­moins, car il y a sou­vent un « mais » lorsqu’une tech­no­lo­gie paraît trop belle, l’utilisation du sys­tème CRIS­PR-Cas9 pose de sérieux pro­blèmes éthiques. Par exemple, le cher­cheur chi­nois He Jian­kui est à l’origine d’une tem­pête média­tique. Il a en effet implan­té des embryons dont l’ADN avait été modi­fié avec la tech­no­lo­gie CRIS­PR-Cas9. Une femme a ain­si don­né nais­sance en octobre 2018 à des jumelles qui sont cen­sées être immu­ni­sées contre le virus du sida. Même si le but recher­ché par ce scien­ti­fique est évi­dem­ment noble, il ouvre la porte à des dérives. La com­mu­nau­té scien­ti­fique s’est mani­fes­tée, car de telles pra­tiques sont inter­dites, y com­pris en Chine. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a été licen­cié par son uni­ver­si­té, la Sou­thern Uni­ver­si­ty of Science and Tech­no­lo­gy (SUS­Tech) à Shenz­hen en jan­vier 2019.

La machine est main­te­nant lan­cée et il semble impen­sable que le sys­tème CRIS­PR-Cas9 ne puisse pas être uti­li­sé sur des êtres humains, et non pas des embryons, dans le futur. Comme pour l’énergie ato­mique, il fau­dra savoir l’utiliser à bon escient…


REPÈRES

CRIS­PR-Cas9 (pour Clus­te­red Regu­lar­ly Inter­spa­ced Short Palin­dro­mic Repeats asso­cia­ted pro­tein 9) est une tech­no­lo­gie bio­chi­mique, aus­si appe­lée ciseau molé­cu­laire, qui per­met d’ajouter, modi­fier ou sup­pri­mer des gènes sur demande.


Retrou­vez l’en­semble de notre dos­sier sur la chimie

Poster un commentaire