Comment promouvoir les formations d’ingénieur ?

Dossier : Le quarantième anniversaire des polytechniciennesMagazine N°677 Septembre 2012Par : Charlotte GOUNOT (09)

15,6… 14,8… 18,4… Non, ce ne sont pas les moyennes de tem­pé­ra­ture sur le pla­teau de Saclay des mois prin­ta­niers. Ce sont les pour­cen­tages de jeunes filles admises à l’X, tous recru­te­ments confon­dus, pour les pro­mo­tions 2009, 2010 et 2011. Cela paraît tou­jours alar­mant et regret­table, même pour ceux et celles qui, bien qu’habitués, font par­tie de ces pro­mo­tions qu’on peut qua­li­fier de déséquilibrées.

Mais com­ment faire pour fémi­ni­ser les pro­mo­tions d’X ? Est-ce dû au recru­te­ment ? Que fait l’École pour fémi­ni­ser ces promotions ?

REPÈRES
Le nombre de jeunes filles à l’X, sélec­tion­nées par concours, varie, depuis une dizaine d’années, entre 45 et 75 par pro­mo­tion (10 à 18 %), oscil­lant d’une année à l’autre autour d’une ten­dance opti­miste en légère augmentation.

Un problème national

La fémi­ni­sa­tion des voies d’enseignement scien­ti­fiques du supé­rieur est un pro­blème qui dépasse l’X.

Les filles sont 45 % dans la filière S et seule­ment 26% dans les for­ma­tions d’ingénieur

En effet, si les jeunes filles sont 45 % à suivre une filière S au lycée, elles ne sont plus que 30,5 % à suivre une classe pré­pa­ra­toire aux grandes écoles scien­ti­fiques. Cela se confirme après la « pré­pa » : 26 % seule­ment des étu­diants en for­ma­tion d’ingénieur sont des femmes.

Une barrière à l’entrée

Les épreuves favo­ri­se­raient-elles les gar­çons ? Le taux de pari­té en classes pré­pa­ra­toires scien­ti­fiques est d’environ 30 % de filles. Le pour­cen­tage d’inscrites au concours est plus faible, mais reste constant depuis une dizaine d’années.

Des pré­pas trop masculines
Le décro­chage de 20 points entre la ter­mi­nale S et l’École s’explique avant tout par le manque de fémi­ni­sa­tion des classes pré­pa­ra­toires scien­ti­fiques et non par le concours d’entrée.
L’épreuve de sport ne semble pas limi­ter l’accès des filles puisque c’est une épreuve comp­tant pour l’oral, où les jeunes filles réus­sissent mieux.

En filière MP, il est d’environ 16% à l’écrit, il tombe à 10,5 % à l’oral et remonte à 14 % au moment de l’intégration.

En filière PC, le pour­cen­tage d’inscrites est éga­le­ment à peu près constant aux alen­tours de 20%. Il chute de quelques points à l’admissibilité et remonte après l’oral. Par exemple, en 2011, on comp­tait 26 % d’inscrites et 24% de reçues. Le concours de l’X dimi­nue ain­si de deux points le taux de fémi­ni­sa­tion des pro­mo­tions potentielles.

Encourager les « 5÷2 »

Les jeunes filles font aujourd’hui moins sou­vent une troi­sième année de classe pré­pa­ra­toire que leurs aînées. Celles qui le font réus­sissent très bien. Comme l’illustre par exemple la filière PSI, 40% des entrantes sont des « 5÷2 » contre une moyenne de 28 % de « 52 », filles et gar­çons confon­dus. On peut pen­ser qu’encourager les jeunes filles hési­tantes à faire une « 5÷2 » pour­rait per­mettre d’augmenter le nombre de jeunes filles à l’X.

L’impact des filières

On com­pare sou­vent des sta­tis­tiques qui prennent en compte à part égale les trois filières prin­ci­pales du recru­te­ment après les classes pré­pa­ra­toires aux grandes écoles : MP, PSI et PC.

Trois sur quatre
Les classes pré­pa­ra­toires comptent aujourd’hui quatre filières : MP (mathé­ma­tiques-phy­sique), PC (phy­sique-chi­mie), PSI (phy­sique et sciences de l’ingénieur), PT (phy­sique et technologie).
L’X pro­pose des places dans les trois premières.

Or, ces trois filières ne sont pas équi­va­lentes puisque le nombre de places offertes est dif­fé­rent : 186 pour les MP, 142 pour les PC et 45 pour les PSI (chiffres du concours 2011). D’autre part, les filières ne sont pas fémi­ni­sées à la même hau­teur : la filière PC est plus fémi­ni­sée que la filière PSI, par exemple.

Si l’on pon­dère le taux de fémi­ni­sa­tion à l’entrée en fonc­tion du nombre de places pro­po­sées, on obtient le taux de fémi­ni­sa­tion des entrants de 19,5 %. La moyenne arith­mé­tique donne, quant à elle, 18,6%.

Agir au lycée

Polytechniciennes au Garde-à-vous
Le nombre de poly­tech­ni­ciennes varie entre 45 et 75 par promotion.
© JÉRÉMY BARANDE – ÉCOLE POLYTECHNIQUE

L’École, forte de ces consta­ta­tions, par­ti­cipe à l’augmentation de la fémi­ni­sa­tion de l’enseignement supé­rieur scientifique.

La sen­si­bi­li­sa­tion est à faire prin­ci­pa­le­ment au lycée, puisque c’est après le bac­ca­lau­réat que beau­coup de lycéennes ne choi­sissent pas de s’orienter en classes pré­pa­ra­toires scien­ti­fiques. Elles ont beau­coup d’idées pré­con­çues, sou­vent fausses.

Chaque année, des étu­diants en deuxième année de l’École retournent dans leur lycée pour par­ti­ci­per, par exemple, à des forums d’anciens élèves. Cela per­met de ras­su­rer beau­coup de jeunes filles qui se posent sou­vent des ques­tions. Leurs craintes et inter­ro­ga­tions ne portent pas tant sur le quo­ti­dien d’un étu­diant de « pré­pa » que sur le fond : Qu’est-ce que deve­nir ingé­nieur ? Après une « pré­pa », doit-on faire for­cé­ment de l’ingénierie ? Est-ce que c’est dif­fi­cile d’être une fille en PSI ? Les gar­çons ne sont-ils pas trop durs ? Des ques­tions sou­vent désta­bi­li­santes car por­teuses de cli­chés et d’une mau­vaise connais­sance de la réalité.

La journée de la femme

L’École agit éga­le­ment en orga­ni­sant tous les ans une jour­née de la femme. Des lycéennes viennent à cette occa­sion à l’École pour décou­vrir ce qu’est l’École poly­tech­nique et en apprendre plus sur les classes pré­pa­ra­toires et les sciences et l’ingénierie.

Les forums d’anciens élèves ras­surent beau­coup de jeunes filles

Mais plus lar­ge­ment, l’École ouvre au sein de ces pro­grammes d’égalité des chances à une meilleure connais­sance des classes pré­pa­ra­toires. « Une grande école, pour­quoi pas moi ? », par exemple, informe une cen­taine de lycéens chaque année, de même que la jour­née des « cor­dées de la réussite ».

Nous tous, riches de cette expé­rience, hommes ou femmes, sommes por­teurs d’un devoir d’information auprès des jeunes. Non seule­ment pour une plus grande fémi­ni­sa­tion des écoles d’ingénieurs, mais éga­le­ment pour un plus grand nombre d’ingénieurs en France.

Biblio­gra­phie
Filles et Gar­çons sur le che­min de l’égalité de l’École à l’enseignement supérieur.
Rap­port du concours 2011 de l’École polytechnique.

Commentaire

Ajouter un commentaire

Phi­lippe Cuvillierrépondre
17 septembre 2012 à 18 h 16 min

Et si la solu­tion était…
Mer­ci pour cet article.
Je ne com­pren­drai jamais pour­quoi la direc­tion de l’É­cole n’use pas de son meilleur (son seul ?) levier, qui est d’ou­vrir le concours aux pré­pas BCPST. Une telle démarche serait par­ti­cu­liè­re­ment cohé­rente avec les objec­tifs chif­frés du contrat plu­ri­an­nuel, qui sou­haite qu’une majo­ri­té d’é­lèves poly­tech­ni­ciens s’in­té­ressent à la bio­lo­gie au cours de leur sco­la­ri­té. L’en­sei­gne­ment de BCPST est certes dif­fé­rent, mais non sans atout, notam­ment le fait qu’il com­porte de nom­breuses heures de sta­tis­tiques et probabilités.

Répondre