Blue chips pour Noël

Blue chips pour Noël

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°790 Décembre 2023
Par Jean SALMONA (56)

« Tant crie l’on Noël qu’il vient »
Bal­lades des pro­verbes, Fran­çois Villon

BartokBartók 

1er décembre 1944. L’Orchestre sym­pho­nique de Bos­ton crée le Concer­to pour orchestre que son direc­teur, Serge Kous­se­vitz­ky, a com­man­dé en mai à Béla Bartók pour mille dol­lars. Bartók est gra­ve­ment malade et à court d’argent. Avec ce Concer­to, il va don­ner au monde son tes­ta­ment musi­cal, qui va se révé­ler être l’une des œuvres majeures du XXe siècle. Richesse des thèmes, des timbres et des rythmes, orches­tra­tion qui dépasse encore ce que Bartók, grand orches­tra­teur, a fait de mieux, ce som­met de la musique tonale laisse encore pan­tois aujourd’hui. 

Après ce Concer­to, Bartók emploie ses ‑der­nières forces dans la com­po­si­tion (sur com­mande de l’altiste William Prim­rose) d’un Concer­to pour alto, qui res­te­ra inache­vé (il manque le scher­zo) et dont un de ses dis­ciples achè­ve­ra la mise au point. Œuvre lar­ge­ment ins­pi­rée du folk­lore hon­grois dont on ne peut écou­ter le mou­ve­ment cen­tral, ada­gio reli­gio­so, les yeux secs. Bartók mour­ra en sep­tembre 1945 sans avoir enten­du son Concer­to pour alto.

Ces deux œuvres ont été super­be­ment enre­gis­trées par l’Orchestre natio­nal de Lille, une des for­ma­tions prin­ci­pales de la scène musi­cale fran­çaise, diri­gée par Alexandre Bloch, avec en soliste Ami­hai Grosz, pre­mier alto du Phil­har­mo­nique de Ber­lin. Un grand disque. 

1 CD ALPHA

BachBach – Suites et Concertos brandebourgeois

L’universalité de la musique de Bach fait qu’elle se prête à toutes les inter­pré­ta­tions. Les 6 Concer­tos bran­de­bour­geois et les 4 Suites (« ouver­tures »), som­met de la musique ins­tru­men­tale de Bach, peuvent être joués par une for­ma­tion moderne de musique de chambre avec pia­no, flûte tra­ver­sière, vibra­to des cordes, aus­si bien que par un ensemble de musique baroque avec cla­ve­cin, flûte à bec, ins­tru­ments anciens, absence de vibra­to, ce qui est le cas de l’ensemble Zefi­ro, diri­gé par Alfre­do ‑Ber­nar­di­ni. L’interprétation Zefi­ro est sans doute la plus authen­tique, la plus proche de ce que Bach a vou­lu. On retrouve ain­si des pages célèbres, presque popu­laires : la badi­ne­rie de la Suite en si, l’aria de la Suite en ré, le 1er mou­ve­ment du 5e Bran­de­bour­geois (qu’esquisse a capel­la la bande de copains dans Vincent, Fran­çois, Paul et les autres, le film de Claude Sau­tet). Mais on redé­couvre aus­si les moins connus de ces chefs‑d’œuvre de Bach, com­po­sés à Cothen pen­dant la période sans doute la plus
heu­reuse de sa vie, qui irra­dient la joie de vivre. 

3 CD ARCANA

L’Opéra de quat’sousBrecht et Kurt Weill, L’Opéra de quat’sous

En juillet 2023, au Fes­ti­val d’Aix, la Comé­die-Fran­çaise et l’ensemble Le Bal­con ont pré­sen­té une ver­sion fran­çaise du Drei-gro­schen-oper. C’est l’enregistrement de cette pro­duc­tion qui fait l’objet d’un CD tout récent. En France, nous connais­sons en géné­ral L’Opéra de quat’sous par le film de Pabst (1931), ver­sion alle­mande avec Lotte Lenya, et, éven­tuel­le­ment, par sa ver­sion fran­çaise avec Mar­go Lion. Ici, c’est une nou­velle tra­duc­tion et une nou­velle adap­ta­tion qui pré­sident à cette ver­sion, brillante, enle­vée. La voix rocailleuse et inou­bliable de Lotte Lenya nous manque ; mais nous pou­vons enfin com­prendre le texte de Ber­tolt Brecht et les comé­diens fran­çais sont comme tou­jours impeccables.

La ver­sion fran­çaise du film de Pabst, tour­née en même temps que la ver­sion alle­mande, met­tait en scène des acteurs fran­çais et un texte infi­dèle au texte de Brecht, avec, par exemple, le poème « En ce bor­deau où tenons nostre état », Bal­lade de la grosse Mar­got de Fran­çois Vil­lon. 

1 CD ALPHA

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