BioUp accompagne des startups prometteuses dans le domaine de la santé

BioUp : faire émerger des leaders mondiaux français en HealthTech

Dossier : TrajectoiresMagazine N°778 Octobre 2022
Par Hervé KABLA (84)

En 2019, Elsy Boglio­li (X01) a fon­dé BioUp, pour com­bi­ner son exper­tise stra­té­gique et sa pas­sion pour la solu­tion des défis opé­ra­tion­nels aux­quels les entre­prises de la tech de san­té font face. Son por­te­feuille d’activités lui per­met de tirer un plein pro­fit de ses expé­riences pas­sées, dont le coaching.

Quelle est l’activité de BioUp ? 

J’ai créé BioUp en 2019 pour accom­pa­gner des start-up pro­met­teuses dans la san­té, en par­ti­cu­lier dans leurs efforts de déve­lop­pe­ment et mon­tée en échelle. Nous avons beau­coup de très belles jeunes socié­tés dans ce domaine en France, mais encore trop peu de licornes ou même d’entreprises valo­ri­sées plu­sieurs milliards.

Elsy Boglioli (X01) fondatrice de BioUp
Elsy Boglio­li (X01), fon­da­trice de BioUp qui accom­pagne des start-up dans le domaine de la santé.

Quel est ton parcours ? 

À la sor­tie de l’X, je ne savais pas bien vers quel type de métier m’orienter et j’ai assez natu­rel­le­ment choi­si le conseil, voie idéale pour explo­rer plu­sieurs sec­teurs. J’ai pas­sé douze ans au Bos­ton Consul­ting Group et j’ai ado­ré ce cha­pitre de ma vie pro­fes­sion­nelle. J’ai tra­vaillé dans la grande consom­ma­tion, dans la banque, dans l’industrie lourde, et puis je suis tom­bée amou­reuse du sec­teur san­té. Par la suite, en tant qu’associée à Paris, j’ai déve­lop­pé une acti­vi­té auprès de jeunes socié­tés de bio­tech­no­lo­gie, et ces socié­tés m’ont tant plu que j’en ai rejoint une, Cel­lec­tis, en 2017, en tant que direc­trice des opé­ra­tions. Puis, en 2019, j’ai déci­dé de créer ma propre struc­ture pour pou­voir tra­vailler avec plu­sieurs socié­tés et les aider à se développer. 

Comment t’est venue l’idée ?

Alors que j’étais encore au BCG en 2016, j’ai tra­vaillé avec France Bio­tech sur un état des lieux du sec­teur Bio­tech-Heal­th­Tech en France. Nous avons ana­ly­sé les freins du sec­teur et pro­po­sé des pistes pour per­mettre aux entre­prises de mieux se déve­lop­per. Puis en 2020 j’ai tra­vaillé à nou­veau sur ce sujet avec BPI France et BCG. Nous avons consta­té que les freins étaient tou­jours là et que la France n’avait pas réus­si à « bri­ser le pla­fond de verre » de la Heal­th­Tech. Le sec­teur de la san­té, en par­ti­cu­lier le déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments, est com­plexe et nos jeunes pousses ont trop sou­vent ten­dance à réin­ven­ter la roue. En créant ma struc­ture pour accom­pa­gner plu­sieurs socié­tés, j’espère leur appor­ter une com­bi­nai­son unique d’expertise en consul­ting stra­té­gique, acquise au BCG, et de capa­ci­té d’exécution ter­rain, grâce à mon pas­sage chez Cel­lec­tis. Mon objec­tif : contri­buer à faire émer­ger des lea­ders mon­diaux fran­çais en Heal­th­Tech !

Qui sont les concurrents ? 

Je tra­vaille beau­coup en réseau et j’ai plus de par­te­naires que de concur­rents ; les fonds d’investissement par exemple sont des acteurs clés qui peuvent eux aus­si accom­pa­gner les jeunes pousses. Mais les diri­geants ont besoin d’être épau­lés aus­si par des indé­pen­dants, et c’est en cela que nous sommes complémentaires.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

J’ai com­men­cé par tra­vailler avec deux, puis trois clients, pas­sant une à deux jour­nées par semaine avec cha­cun. Petit à petit mon modèle a évo­lué et je passe aujourd’hui en moyenne quelques heures par semaine avec chaque client. J’ai réa­li­sé que, en peu de temps et avec un bon niveau de pré­pa­ra­tion, on peut déblo­quer de nom­breux sujets stra­té­giques, lan­cer des recru­te­ments clés ou pré­pa­rer une réunion avec des inves­tis­seurs. Je pense que savoir faire évo­luer son modèle et se réin­ven­ter au fil de l’eau est essen­tiel lorsque l’on entreprend. 

Quels sont les problèmes que rencontrent les entreprises de biotechnologie, en France et dans le monde ? 

Il y a deux pro­blèmes très spé­ci­fiques au sec­teur des bio­tech­no­lo­gies. D’une part évi­dem­ment la com­plexi­té et les ordres de gran­deur aux­quels une socié­té doit faire face, dans toutes les dimen­sions : temps, coûts de déve­lop­pe­ment, mon­tants à inves­tir. Alors qu’une socié­té dans le numé­rique peut mettre sur le mar­ché un pro­duit en quelques mois et l’améliorer en conti­nu, il faut déjà plu­sieurs années pour qu’une socié­té de bio­tech­no­lo­gie puisse envi­sa­ger de démar­rer un essai cli­nique chez l’homme. Et ensuite encore de nom­breuses années pour pas­ser les dif­fé­rentes phases de déve­lop­pe­ment cli­nique. Les mon­tants à inves­tir se chiffrent quant à eux en dizaines, voire cen­taines de mil­lions. L’autre spé­ci­fi­ci­té est la plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té. Il faut bien sou­vent une dizaine de per­sonnes seniors pour réus­sir le déve­lop­pe­ment d’un médi­ca­ment. Au-delà des fon­da­teurs (CEO, chief scien­ti­fic offi­cer), il faut embau­cher rapi­de­ment les chief medi­cal offi­cer, chief regu­la­to­ry offi­cer, chief qua­li­ty offi­cer. Ces fonc­tions sont par­fois négli­gées, car les scien­ti­fiques pensent que la science par­le­ra d’elle-même ; mais la réa­li­té est dif­fé­rente et de nom­breuses socié­tés échouent à cause d’erreurs sur ces fonc­tions per­çues comme « auxiliaires ».

Les entreprises françaises ne disposent-elles pas d’avantages sérieux, comme le crédit d’impôt recherche, des données médicales centralisées (via la sécurité sociale), un système de santé cohérent ? 

Ces avan­tages existent, mais ne suf­fisent pas à réus­sir le déve­lop­pe­ment d’un médi­ca­ment. Grâce au CIR et aux diverses moda­li­tés d’aide de BPI France, les jeunes entre­prises arrivent à se finan­cer et à pas­ser les toutes pre­mières étapes de leur vie ; mais, si les études cli­niques et les aspects régle­men­taires ne suivent pas, alors ces aides sont vaines et c’est mal­heu­reu­se­ment ce que l’on a sou­vent obser­vé par le passé.

“Quand on sort de l’X, on peut se permettre de prendre des risques.”

Tu es passée par le conseil, l’entreprise, et tu es maintenant indépendante : est-ce l’avenir de tous les X et de toutes les Xes ? 

Je le sou­haite à tous ! Enfin, à tous ceux qui en ont envie. L’indépendance est un modèle de car­rière qui se déve­loppe et est très attrac­tif. Les car­rières n’ont plus lieu d’être linéaires, limi­tées à un grand groupe, avec une pro­gres­sion clas­sique et pro­gres­sive des éche­lons de la hié­rar­chie. Être indé­pen­dant c’est avoir plu­sieurs vies, plu­sieurs car­rières, se don­ner la liber­té d’explorer dif­fé­rentes pistes et de choi­sir les per­sonnes avec les­quelles on sou­haite col­la­bo­rer. Aujourd’hui je tra­vaille avec envi­ron une quin­zaine d’entreprises, dans des sec­teurs très variés, de la thé­ra­pie cel­lu­laire à l’accompagne­ment des jeunes parents. J’accompagne des entre­pre­neurs brillants, ambi­tieux, cou­ra­geux et incroya­ble­ment sym­pa­thiques. Je n’ai pas un seul client avec lequel je m’ennuie, ni un conseil dans lequel je ne me sens pas utile. C’est une vraie richesse et une chance.

BioUp promeut des entreprises de la HealthTech

Que devrait-on faire, à ton avis, pour que les ingénieurs et les personnes issues d’une formation médicale apprennent à mieux travailler ensemble ? 

Je crois que pour une fois nous n’avons rien à faire, la science s’en charge. Aujourd’hui les sujets d’ingénierie sont par­tout en méde­cine : data science, tech, IA, appli­qués aux ana­lyses des don­nées de bio­lo­gie, etc. Tree­Frog, socié­té dont je pré­side le conseil de sur­veillance, est un excellent exemple en la matière. Le cœur de notre science est l’application de tech­no­lo­gies de pointe à la bio­lo­gie pour recréer des niches bio­mi­mé­tiques, afin de per­mettre le déve­lop­pe­ment de cel­lules dans un envi­ron­ne­ment qui est le plus simi­laire pos­sible à celui du corps humain. Meta­fo­ra Bio­sys­tems est un autre exemple, avec l’utilisation d’IA pour opti­mi­ser des tech­niques d’analyse de pro­fil cel­lu­laire. En résu­mé, cela fait des années que nous en par­lions, mais la conver­gence san­té et tech­no­lo­gie est enfin là, avec des exemples concrets d’applications médicales. 

Dans ce numéro, nous voyons qu’il y a des femmes engagées dans le DataLab de la Gendarmerie nationale. Tu effectues toi-même du mentorat auprès d’anciens membres féminins de l’unité technologique de l’armée israélienne. Qu’est-ce qui les différencie des femmes passées par l’X ?

C’est une ques­tion dif­fi­cile ; je connais de nom­breuses femmes pas­sées par l’X et leurs par­cours sont tous dif­fé­rents. Ce que j’observe en Israël, c’est peut-être une plus forte appé­tence au risque. En France même, si les car­rières sont de moins en moins linéaires quand on sort de l’X, on a tout de même une cer­taine pres­sion sociale et il peut sem­bler natu­rel de rejoindre un grand groupe. Les femmes que j’accompagne en Israël sont toutes déjà pas­sées par plu­sieurs socié­tés à l’âge de trente ans et elles ont sou­vent tra­vaillé dans des start-up. Quand on sort de l’X, on peut se per­mettre de prendre des risques, car on a jus­te­ment une bonne assu­rance aca­dé­mique, donc il ne faut pas hési­ter à oser ! 

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