Faire carrière dans l'assurance

Assurance : comment entre-t-on dans la carrière ?

Dossier : Vie de l'associationMagazine N°793 Mars 2024
Par Isabelle TANCHOU (X80)
Par Frédéric van ROEKEGHEM (X80)

L’AX s’intéresse en ce début d’année à la thé­ma­tique des diri­geants, avec notam­ment un dîner de ren­contre avec des hauts diri­geants le 18 mars, le lan­ce­ment d’un groupe X diri­geants, et for­ma­tion de codé­ve­lop­pe­ment dédiée aux diri­geants. Dans ce cadre et en liai­son avec le thème de ce numé­ro consa­cré aux assu­rances, Isa­belle Tan­chou (X80) a inter­viewé un cama­rade deve­nu diri­geant dans les assurances.

Frédéric, peux-tu rappeler qui tu es, ton parcours et ce qui t’a amené dans le métier de l’assurance ? Ou doit-on parler de métiers, au pluriel ? 

J’ai la chance d’avoir un par­cours éclec­tique et, il faut bien le dire, assez aty­pique. À la sor­tie de l’X, j’ai hési­té à rejoindre le sec­teur de l’assurance, mais fina­le­ment opté pour le corps de l’Armement, notam­ment pour ne pas rompre avec les sciences de l’ingénieur. Après l’école d’application, un DEA de Paris Saclay et un Mas­ter of Science de l’Université de Cali­for­nie, j’ai tra­vaillé pen­dant quatre ans au minis­tère de la Défense.

Une occa­sion se pré­sen­tant au minis­tère de l’Economie, des Finances et du Bud­get, le DRH de la DGA m’a inci­té à rejoindre ce minis­tère, où j’ai exer­cé pen­dant sept ans. Ayant décli­né la res­pon­sa­bi­li­té du bureau Défense à la direc­tion du Bud­get – pour évi­ter un conflit d’intérêt évident – j’y ai pris en charge le sec­teur des retraites, au moment de la « réforme Bal­la­dur », et j’ai ensuite été nom­mé conseiller tech­nique au cabi­net du ministre de l’Économie et des Finances, au moment de la « réforme Jup­pé » de 1995.

Ma ren­contre avec l’assurance obli­ga­toire (san­té, retraite, chô­mage…) et la régu­la­tion des régimes d’assurance com­plé­men­taire date en fait de cette époque ; je n’imaginais pas qu’elle allait être aus­si déter­mi­nante pour la suite de ma car­rière pro­fes­sion­nelle ! Ain­si, au début des années 2000, j’ai eu l’occasion d’exercer mes fonc­tions au sein de l’audit groupe de l’assureur AXA, avant de reve­nir dans le sec­teur public pour diri­ger l’Acoss (Agence cen­trale des orga­nismes de sécu­ri­té sociale) et les Urssaf.

« En tant que directeur de cabinet du ministre de la Santé et de la Protection sociale, j’ai piloté la mise en œuvre de la réforme de l’assurance maladie de 2004. »

En tant que direc­teur de cabi­net du ministre de la San­té et de la Pro­tec­tion sociale, j’ai pilo­té la mise en œuvre de la réforme de l’assurance mala­die de 2004, à la suite de laquelle j’ai été nom­mé direc­teur géné­ral de la Caisse natio­nale d’assurance mala­die et de l’Union natio­nale des caisses d’assurance mala­die, poste que j’ai occu­pé pen­dant dix ans. À l’époque, l’ensemble des orga­nismes d’assurance mala­die, y com­pris les éta­blis­se­ments de soins, employaient 97 000 sala­riés (de droit pri­vé) et l’UNCAM (Union natio­nale des caisses d’as­su­rance mala­die) négo­ciait (c’est tou­jours le cas) les conven­tions et les tarifs de toutes les pro­fes­sions libé­rales de san­té (méde­cins, phar­ma­ciens, den­tistes, infirmiers…).

Après deux man­dats pas­sion­nants, j’ai sou­hai­té retour­ner dans le sec­teur pri­vé pour diri­ger une entre­prise de cour­tage d’assurance san­té inter­na­tio­nale et j’ai ensuite pris la direc­tion géné­rale des fonc­tions cor­po­rate du pre­mier cour­tier d’assurance en France spé­cia­li­sé dans les risques d’entreprise, le groupe Diot-Sia­ci. J’ai bien évi­dem­ment gar­dé des liens forts avec le sec­teur de la san­té, ayant été élu membre libre de l’Académie natio­nale de méde­cine et pré­si­dant actuel­le­ment le conseil de sur­veillance du pre­mier groupe de cli­niques pri­vées fran­çais, le groupe Elsan. J’ai donc effec­ti­ve­ment eu la très grande chance d’exercer de nom­breux métiers à la fois dans la san­té, la retraite, l’assurance publique, l’assurance pri­vée et le cour­tage d’assurance.

Quelle est la spécificité de ces métiers ? Quelles compétences faut-il avoir ou développer ? 

Le sec­teur des assu­rances, dans une vision large incluant non seule­ment le pri­vé, mais aus­si le pri­vé non lucra­tif et les assu­rances publiques obli­ga­toires, gère des flux finan­ciers mas­sifs et pré­sente une diver­si­té de métiers très impor­tante. Les coti­sa­tions d’assurance pri­vée s’élevaient à 240 Mds € en 2022, les mutuelles et les ins­ti­tu­tions de pré­voyance tota­li­saient 36 Md€ en assu­rance san­té et pré­voyance, les régimes obli­ga­toires de base 572 Md€ (dont 241 Md€ en san­té et 259 Md€ en retraite), la retraite com­plé­men­taire du sec­teur pri­vé 94 Md€…

La ges­tion de ces flux et la maî­trise des sys­tèmes d’information qui les gèrent (qui main­te­nant intègrent l’intelligence arti­fi­cielle géné­ra­tive), le déve­lop­pe­ment et la com­mer­cia­li­sa­tion des pro­duits d’assurance, le pilo­tage des équi­libres tech­niques et des réserves finan­cières cor­res­pon­dantes, la ges­tion d’actifs, la maî­trise des risques – notam­ment liés au dérè­gle­ment cli­ma­tique – et la lutte contre la fraude et la cyber cri­mi­na­li­té, l’évolution de la règle­men­ta­tion et notam­ment la fis­ca­li­té, le déve­lop­pe­ment des res­sources humaines, toutes ces acti­vi­tés au cœur de l’assurance per­mettent d’exercer de nom­breux métiers très divers et de déve­lop­per des com­pé­tences pro­fes­sion­nelles dans un contexte d’excellence par­ti­cu­liè­re­ment motivant.

« Ne pas hésiter à compléter la formation d’ingénieur avec des formations complémentaires. »

Bien évi­dem­ment, les ingé­nieurs, en par­ti­cu­lier les poly­tech­ni­ciens, peuvent dérou­ler dans les dif­fé­rents sec­teurs de l’assurance un par­cours pro­fes­sion­nel épa­nouis­sant, et même pas­sion­nant compte tenu des enjeux humains et éco­no­miques en cause. Le sec­teur se carac­té­ri­sant, nous l’avons évo­qué, par la ges­tion pru­den­tielle de flux finan­ciers impor­tants et notam­ment de l’épargne des assu­rés, il ne faut pas hési­ter à com­plé­ter la for­ma­tion d’ingénieur avec des for­ma­tions com­plé­men­taires, par exemple par un diplôme d’actuariat.

En tant que dirigeant, quel conseil donnerais-tu à un X qui voudrait s’engager dans cette voie ? Quelle perspective de carrière peut-il avoir ? 

En pre­mier lieu, il ne fait pour moi aucun doute que le sec­teur de l’assurance, au sens large, est un sec­teur stra­té­gique, dont le déve­lop­pe­ment va conti­nuer dans les années à venir. Donc, pour un jeune poly­tech­ni­cien qui sou­hai­te­rait s’engager dans ce sec­teur, le choix de la domi­nante métier d’une pre­mière par­tie de car­rière est un choix per­son­nel mais assez déter­mi­nant pour la suite de la car­rière. Bien évi­dem­ment, les poly­tech­ni­ciens et plus géné­ra­le­ment les ingé­nieurs dis­posent d’un avan­tage concur­ren­tiel, du fait de leur excel­lente maî­trise de la quan­ti­fi­ca­tion des pro­jets, de leur réso­lu­tion, ce qui peut par ailleurs être trans­po­sé dans des domaines plus éloi­gnés de leur for­ma­tion ini­tiale comme la fis­ca­li­té ou le droit, sous réserve bien évi­dem­ment d’une solide for­ma­tion com­plé­men­taire adaptée.

Mais je conseille­rais, éven­tuel­le­ment après une pre­mière expé­rience réus­sie dans un métier tech­nique, éco­no­mique ou finan­cier, de com­plé­ter cette expé­rience à l’international et de déve­lop­per ses com­pé­tences dans des fonc­tions où les qua­li­tés rela­tion­nelles sont déter­mi­nantes : les fonc­tions com­mer­ciales et le mana­ge­ment. Car, dans un métier de ser­vices et plus géné­ra­le­ment dans l’entreprise, qu’elle soit publique ou pri­vée, la capa­ci­té de déve­lop­per des rela­tions humaines har­mo­nieuses et d’accélérer le déve­lop­pe­ment de l’entreprise grâce à l’alignement des efforts col­lec­tifs est déter­mi­nante dans la créa­tion de valeur. Les pers­pec­tives de car­rière sont pro­met­teuses, jusqu’au plus haut niveau – la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne conti­nue de le démon­trer par l’exemple – mais évi­dem­ment la concur­rence est réelle !

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