Anne Duthilleul-Chopinet (72)

Anne Duthilleul (72), premier porte-drapeau

Dossier : Le quarantième anniversaire des polytechniciennesMagazine N°677 Septembre 2012Par : Solveig GODELUCK

Ne jamais tra­vailler à plus d’un quart d’heure de chez soi. C’est l’une des recettes qui ont per­mis à Anne Duthilleul de pren­dre d’importantes respon­s­abil­ités pro­fes­sion­nelles tout en éle­vant cinq enfants. Il y a aus­si eu beau­coup de para­pheurs trans­portés entre le bureau et la mai­son. Et bien sûr, un mari qui aide. Cette haute fonc­tion­naire n’est de toute façon pas femme à se laiss­er rebuter par la difficulté.

© PHILIPPE DOBROWOLSKA

Depuis ce jour de 1972 où elle est entrée major à l’X, les attentes sont impor­tantes à son égard. Sous son nom de jeune fille, Chopinet, elle est dev­enue un porte-dra­peau pour l’École et pour les femmes. Au sens pro­pre comme au fig­uré, du reste. Car le major, c’est celui qui porte l’étendard de l’X lors du défilé du 14 Juil­let. Les cadres de l’École ont impro­visé des exer­ci­ces spé­ci­aux pour la pré­par­er. Elle s’est entraînée à inclin­er le lourd dra­peau devant le Prési­dent, encore et encore, jusqu’à ce que les mil­i­taires soient rassurés.

La science en train de se faire

Anne Duthilleul a tou­jours exprimé une grande recon­nais­sance pour l’École. Poly­tech­nique a su nour­rir sa soif de con­nais­sances : « Même si on a tra­vail­lé dur en pré­pa, on serait déçu d’un enseigne­ment allégé à l’École. Au con­traire, on est prêt à aller plus loin. Et l’X vous plonge dans le bain de la sci­ence en train de se faire, avec des pro­fesseurs qui sont les meilleurs dans leur domaine. »

C’est au cours de ces années qu’Anne et Jean- Marie, son futur époux ren­con­tré sur les bancs de sa pro­mo­tion, se for­gent une philoso­phie com­mune : « Nous pen­sons que la réal­ité ne peut être con­nue qu’en com­bi­nant des aspects con­tra­dic­toires mais com­plé­men­taires, tout comme la lumière se com­pose à la fois de cor­pus­cules et d’ondes. On ne dépasse ces con­tra­dic­tions qu’à tra­vers la créa­tion libre. Cela cor­re­spond bien au méti­er d’ingénieur ou d’architecte, qui sont là pour régler les prob­lèmes liés aux con­traintes et aux incom­pat­i­bil­ités apparentes. »

De fait, si le fil directeur de la car­rière d’Anne Duthilleul est, de son pro­pre avis, « le ser­vice pub­lic, l’intérêt général », elle a cumulé des mis­sions « d’inventeur de solu­tions ». En 1976, fraîche­ment émoulue du corps des Mines, elle entre d’abord au min­istère de l’Industrie où elle est chargée de l’inventaire minier du pays, ce qui l’emmène jusqu’en Guyane et en Nou­velle-Calé­donie. On s’en est sou­venu, puisque, depuis 2003, les min­istères de l’Outre-Mer et de l’Industrie l’ont chargée d’accompagner les deux nou­veaux pro­jets d’usines de nick­el en Nou­velle-Calé­donie. Elle doit en out­re accom­pa­g­n­er les développe­ments pétroliers récents en Guyane.

Intérêt général

Une capac­ité de propo­si­tion indis­pens­able lorsque l’on met ses com­pé­tences au ser­vice de l’intérêt général. Anne Duthilleul l’a véri­fié à la direc­tion du Bud­get, en 1982, lorsqu’elle a été chargée d’orienter les fonds de la recherche sci­en­tifique vers les « bons » organ­ismes et les « bons » programmes.

Pen­dant la cohab­i­ta­tion de 1986- 1988, elle est dev­enue con­seiller tech­nique du min­istre du Bud­get Alain Jup­pé, avec un pro­gramme rob­o­ratif : indus­trie, agri­cul­ture, équipement, envi­ron­nement, trans­ports, PME, etc. À ce moment, elle sait déjà se faire « l’interprète au niveau poli­tique et économique des con­traintes budgé­taires » et les surmonter.

Neuf ans plus tard, le prési­dent Chirac la rap­pellera pour relancer une stratégie d’ensemble dans les mêmes secteurs. Mais son engage­ment au ser­vice de l’État ne l’empêche pas de croire que les allers retours entre le pub­lic et le privé sont une excel­lente chose. « Ces deux univers s’enrichissent mutuelle­ment », sou­tient cette femme qui a présidé l’Erap, étab­lisse­ment pub­lic gérant des par­tic­i­pa­tions de l’État dans l’énergie et les télé­coms, après un pas­sage au CNES et dans le privé.

En 1992, alors chargée du plan stratégique chez GEC Alsthom Trans­ports, elle rap­pelle volon­tiers la réac­tion d’un directeur d’usine à qui elle annonce qu’il va fal­loir réduire les coûts de 20% pour être plus com­péti­tif. « Il m’a répon­du qu’il n’était pas ques­tion de licenci­er, qu’il allait plutôt trou­ver le moyen de sign­er 20% de con­trats en plus. Et c’est ce qu’il a fait en prenant des pro­jets à l’étranger. Là aus­si, on peut inven­ter des solu­tions gag­nant-gag­nant pour tous. »

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