Stratégies hydrogène dans le monde

À qui l’hydrogène redistribue les cartes géopolitiques ?

Dossier : HydrogèneMagazine N°795 Mai 2024
Par Mikaa BLUGEON-MERED

L’essor de l’hydrogène bas car­bone, reflé­té par l’adoption de stra­té­gies natio­nales et la mon­tée en puis­sance de la diplo­ma­tie hydro­gène, marque un tour­nant poten­tiel­le­ment déci­sif dans la poli­tique éner­gé­tique mon­diale. Les 120 pays enga­gés dans cette dyna­mique illus­trent non seule­ment la diver­si­té des approches, mais aus­si la com­plexi­té des enjeux géo­po­li­tiques et indus­triels sous-jacents.

Alors que le monde s’oriente vers un ave­nir plus durable et neutre en car­bone, le rôle de l’hydrogène bas car­bone, sous ses diverses formes, est appe­lé à deve­nir de plus en plus cen­tral dans la dyna­mique éner­gé­tique mon­diale depuis une décen­nie. Dans ce contexte, et à défaut d’une éco­no­mie de l’hydrogène décar­bo­né encore vrai­ment mas­si­fiée, la dimen­sion géo­po­li­tique de ce vec­teur éner­gé­tique s’exprime à tra­vers un nombre de nou­veaux moyens de dif­fu­sion de poli­tique indus­trielle qui, chaque année depuis cinq ans, croissent for­te­ment à tra­vers l’ensemble de la pla­nète. Accords de coopé­ra­tion straté­gique signés entre États, entre mul­ti­na­tio­nales et gou­ver­ne­ments, com­pé­ti­tions nor­ma­tives, accords de recherche et bre­ve­tage, accords de finan­ce­ment de moyens de pro­duc­tion, poli­tiques de for­ma­tion et cap­tage de talents locaux… tous ces élé­ments par­ti­cipent de concert au déve­lop­pe­ment de la filière mais aus­si à sa poli­ti­sa­tion tous azimuts.

Des stratégies nationales et internationales

L’archétype de cette dyna­mique est la stra­té­gie natio­nale hydro­gène, ou par­fois feuille de route hydro­gène, ou par­fois les deux. Dans cer­tains États, il s’agit d’un docu­ment de pla­ni­fi­ca­tion indus­trielle stricte, pré­pa­ré plus ou moins col­lé­gia­le­ment entre les exé­cu­tifs natio­naux ou régio­naux, le sec­teur pri­vé et le sec­teur uni­ver­si­taire. Dans d’autres, ce docu­ment relève davan­tage de l’expression d’une inten­tion poli­tique, d’un sou­hait, d’un récit natio­nal nou­veau, voire d’une cer­taine frus­tra­tion – pour les États qui écrivent et adoptent des stra­té­gies hydro­gène bien plus ambi­tieuses que ce qu’ils ne peuvent réel­le­ment livrer en pra­tique dans le délai qu’ils fixent eux-mêmes. 

Ces stra­té­gies natio­nales hydro­gène trouvent éga­le­ment un pro­lon­ge­ment dans ce que les plus ambi­tieux, comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Corée du Sud ou le Chi­li, appellent désor­mais une « diplo­ma­tie hydro­gène », cris­tal­li­sée autour de nou­velles ini­tia­tives et ins­ti­tu­tions mul­ti­la­té­rales qu’ils créent pour por­ter leur vision de cette indus­trie nais­sante et essayer d’en faire émer­ger une qui réponde à suf­fi­sam­ment d’intérêts croi­sés pour sou­te­nir concrè­te­ment le déve­lop­pe­ment de ces nou­veaux marchés.

géopolitique de l'hydrogène

Un mouvement mondial

Avec désor­mais 80 pays ayant adop­té offi­ciel­le­ment une stra­té­gie natio­nale hydro­gène ou un docu­ment de pla­ni­fi­ca­tion stra­té­gique ou d’affirmation poli­tique simi­laire (feuille de route, plan d’action, plan straté­gique, loi de pro­gram­ma­tion, mis­sion natio­nale, etc.) au 31 décembre 2023, l’hydrogène bas car­bone d’aujourd’hui pré­sente une mosaïque d’approches diverses, reflé­tant les res­sources, objec­tifs stra­té­giques et capa­ci­tés d’exécuter les ambi­tions de chaque nation.

De plus, on ajoute tous les pays qui sont en train de tra­vailler sur une stra­té­gie natio­nale hydro­gène (ou tout docu­ment pro­gram­ma­tique de même nature assi­mi­lé), ceux dont le sec­teur pri­vé local (Mexique, Islande, Pérou) ou la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire locale (Koweït, Ser­bie) ont édi­té une stra­té­gie hydro­gène pour pous­ser le gou­ver­ne­ment à en adop­ter une, et ceux qui ont der­niè­re­ment signé, à la COP28 de Dubaï, la Décla­ra­tion d’intention sur l’hydrogène vert, sans pour autant avoir de stra­té­gie natio­nale hydro­gène ni même, offi­ciel­le­ment, tra­vailler à la rédac­tion d’une telle stra­té­gie ; ce sont à ce jour 120 pays sur les 197 États du sys­tème onu­sien qui par­ti­cipent de la poli­ti­sa­tion et de l’institution­nalisation du sec­teur de l’hydrogène.

En 2019, si l’on reprend les mêmes cri­tères, ils étaient moins de 20 ; ce qui témoigne de l’importance poli­tique et géo­po­li­tique prise par la pro­messe d’une indus­trie hydro­gène bas car­bone dans l’après-Accord de Paris, et sur­tout dans l’après-Covid.

Alors, afin d’y voir plus clair dans cette fré­né­sie mon­dia­li­sée d’engagements stra­té­giques plus ou moins effi­cients, clas­sons ces 120 États en quatre grands groupes d’acteurs aux réa­li­tés de mar­ché, et donc aux orien­ta­tions poli­tiques, bien distinctes.


80 pays ont une stra­té­gie H2 (ou assimilée)

4 pays ont une stra­té­gie H2 non officielle

30 Pays ont une stra­té­gie H2 en déve­lop­pe­ment

38 Pays sont signa­taires de la Décla­ra­tion d’in­ten­tion sur l’hydrogène propre (COP28, 2023)

Ensemble

120 Pays impli­qués qui représentent :

  • 90,6 % de la popu­la­tion mondiale
  • 98,7 % du PIB mondial
  • 94 % des émis­sions mon­diales de GES (CO2eq.)

Groupe 1 : les pays pauvres en ressources

Le pre­mier groupe concerne les pays pauvres en res­sources géo­lo­giques et pau­vre­ment à moyen­ne­ment dotés en éner­gies renou­ve­lables com­pé­ti­tives, en quête d’hydrogène issu de renouvelables.

Les pays dépour­vus de res­sources en hydro­car­bures et ne dis­po­sant pas d’un poten­tiel suf­fi­sant en éner­gies renou­ve­lables se concentrent prin­ci­pa­le­ment sur l’hydrogène issu de renou­ve­lables, l’hydrogène vert. Cette caté­go­rie inclut typi­que­ment des nations avec un espace géo­gra­phique limi­té ou situées dans des régions qui ne sont pas par­mi les plus enso­leillées ou ven­tées de la pla­nète. Par exemple le Japon, l’Autriche, l’Allemagne ou encore Sin­ga­pour, avec leur super­fi­cie ter­restre res­treinte et leur absence de réserves de com­bus­tibles fos­siles – ou le désir de ne plus y tou­cher pour s’aligner sur les objec­tifs de l’Accord de Paris sur le cli­mat –, inves­tissent mas­si­ve­ment dans ces tech­no­lo­gies de l’hydrogène issu de renou­ve­lables, lequel hydro­gène sera donc impor­té et trans­por­té par voie mari­time ou par cana­li­sa­tions selon les géographies.

« Ces pays voient en l’hydrogène vert un chemin vers une forme d’indépendance énergétique. »

Mal­gré les défis immenses de cette approche, ces pays voient en l’hydrogène vert un che­min vers une forme d’indépendance éner­gé­tique par la mul­ti­pli­ca­tion et la diver­si­fi­ca­tion de leur port­fo­lio de par­te­naires four­nis­seurs d’énergies bas car­bone, ain­si qu’un meilleur contrôle de la four­ni­ture par rap­port à un mar­ché des hydro­car­bures car­tel­li­sé et vola­til. Ou autre­ment dit : dépour­vus des res­sources néces­saires pour main­te­nir leur niveau de déve­lop­pe­ment, ils n’ont pas vrai­ment le choix que d’aller dans cette direction.

D’autres États, comme la France et la Corée du Sud, tentent de com­bi­ner cette approche avec de l’hydrogène issu de nucléaire, avec un suc­cès limi­té pour le moment en rai­son des coûts et des délais de livrai­son tant des élé­ments hydro­gène que des infra­struc­tures nucléaires néces­saires à cette approche. Par ailleurs, ces États vivent aus­si en ce moment un embal­le­ment média­ti­co-poli­tique (simi­laire déjà à celui de 2013–2014) pour les poten­tielles res­sources d’hydrogène natu­rel éma­nant du sol et du sous-sol – un hydro­gène non pas vec­teur mais bien source pri­maire d’énergie, dont le poten­tiel théo­rique est avé­ré mais dont le déve­lop­pe­ment en pra­tique et à l’échelle reste encore lointain.


Lire aus­si : L’approche pion­nière fran­çaise de la poli­tique hydrogène


Groupe 2 : les purs producteurs d’hydrocarbures

Le deuxième groupe ras­semble les expor­ta­teurs d’hydrocarbures avec un poten­tiel limi­té en renou­ve­lables : c’est l’approche H2 + CCUS (cap­ture, uti­li­sa­tion et sto­ckage du car­bone). Ces nations riches en réserves d’hydrocarbures mais avec un poten­tiel limi­té en éner­gies renou­ve­lables se tournent vers la pro­duc­tion d’hydrogène avec cap­ture, uti­li­sa­tion et sto­ckage du car­bone. Le Qatar, Bru­nei, le Koweït et Tri­ni­té-et-Toba­go sont des exemples pré­pon­dé­rants dans cette catégorie.

Dotés d’immenses réserves de pétrole mais de condi­tions moins bonnes pour la géné­ra­tion d’énergie renou­ve­lable à grande échelle à cause d’une géo­gra­phie défa­vo­rable, ces pays tirent par­ti de leur infra­struc­ture éner­gé­tique exis­tante pour pro­duire de l’hydrogène alors dit bleu, com­bi­nant le refor­mage du gaz natu­rel ou de char­bon avec les tech­no­lo­gies de CCUS.

« La responsabilité de la gestion des gaz à effet de serre par le producteur d’hydrogène est alors transférée à son client. »

La popu­la­ri­té de cette chaîne de valeur varie gran­de­ment d’un pays à l’autre, étant don­né que celle-ci main­tien­drait la pré­pon­dé­rance d’une éco­no­mie car­bo­née. Elle demande un surin­ves­tis­se­ment en début de chaîne, qui sera com­pen­sé en bout de chaîne par l’évitement par­tiel des nou­velles taxes et res­tric­tions régle­men­taires sur les pro­duits car­bo­nés, comme le Méca­nisme d’ajustement car­bone aux fron­tières, adop­té défi­ni­ti­ve­ment par l’Union euro­péenne ain­si que par le Royaume-Uni en 2023 – selon la per­for­mance de la cap­ture de car­bone réa­li­sée, ce qui est dif­fi­ci­le­ment quan­ti­fiable à l’échelle d’un État à ce stade. Tou­te­fois, cette chaîne de valeur est jus­te­ment asso­ciée essen­tiellement à l’industrie pétro­ga­zière et tend à être assi­mi­lée à des logiques d’écoblanchiment.

Glo­ba­le­ment, c’est logique : la res­pon­sa­bi­li­té de la ges­tion des gaz à effet de serre par le pro­duc­teur d’hydrogène est alors trans­fé­rée à son client en « Scope 3 aval » ou impu­tée sur le « Scope 2 four­nis­seur » et per­met au pro­duc­teur d’hydro­gène avec cap­tage de car­bone de béné­fi­cier au mieux d’un posi­tion­ne­ment cli­ma­to-com­pa­tible de façade, tout en per­met­tant de fac­to la conti­nua­tion des indus­tries extrac­tives en amont et émet­trices de CO2 à l’usage, en aval.

Groupe 3 : les développeurs techno-agnostiques

Le groupe 3 ras­semble les expor­ta­teurs d’hydrocarbures avec un poten­tiel abon­dant en renou­ve­lables : les « déve­lop­peurs tech­no-agnos­tiques ». Des pays comme l’Arabie saou­dite, Oman, le Bré­sil, la Nor­vège, l’Australie mais aus­si la Rus­sie, le Cana­da et les États-Unis, dotés à la fois de dépôts d’hydrocarbures signi­fi­ca­tifs et d’une abon­dance de res­sources renou­ve­lables, adoptent une approche plu­tôt tech­no-agnos­tique de la pro­duc­tion d’hydrogène sur le papier : ils sont idéa­le­ment posi­tion­nés pour déve­lop­per toutes les formes de chaînes de valeur de l’hydrogène, de l’hydrogène par élec­tro­lyse de l’eau avec élec­tri­ci­té issue de renou­ve­lables aus­si bien que le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène dit bleu issu d’énergies fos­siles avec séques­tra­tion du car­bone. Leur poten­tiel de mar­ché tous azi­muts limite leur expo­si­tion aux risques éco­no­miques et socio-poli­tiques inhé­rents au fait que l’industrie de l’hydrogène bas car­bone entame à peine sa phase de massification.

« Ces pays sont ceux qui sont les plus à même de tirer leur épingle du jeu à long terme dans la transition vers une économie électro-hydrogène mondialisée. »

Autre­ment dit : ces pays sont ceux qui sont les plus à même de tirer leur épingle du jeu à long terme dans la tran­si­tion vers une éco­no­mie élec­tro-hydro­gène mon­dia­li­sée parce que, en dis­po­sant de la plu­part des moyens de pro­duc­tion éner­gé­tiques d’hier et de demain en abon­dance, ils peuvent orien­ter le mar­ché, anti­ci­per et atté­nuer les effets délé­tères et le manque à gagner à court-moyen terme en cas de tran­si­tion éner­gé­tique trop sou­daine (de leur point de vue de pro­duc­teurs d’hydrocarbures, bien sûr), et sur­tout déga­ger des capa­ci­tés d’investissement dans l’hydrogène bas car­bone bien plus impor­tantes que les autres pays de la pla­nète, afin de gagner des parts de mar­ché à tous les niveaux durant la phase de mas­si­fi­ca­tion et matu­ra­tion de l’industrie. Tou­te­fois, le poten­tiel d’écoblanchiment de l’hydrogène dans ces États est tout aus­si éle­vé que dans les pays « noirs ».

En pra­tique, les gou­ver­ne­ments de ce groupe de pays posi­tionnent leur poten­tiel hydro­gène davan­tage comme un moyen de conti­nuer à exploi­ter leurs éner­gies fos­siles en par­lant de la chaîne de valeur H2 + CCUS comme d’un « vec­teur de tran­si­tion » entre l’économie des éner­gies fos­siles et l’économie élec­tro-hydro­gène. Ce fai­sant, tout en s’affichant comme sou­tiens de la chaîne de valeur éner­gies renou­ve­lables + hydro­gène, ils en retardent le plein déve­lop­pe­ment chez eux, mais aus­si, par capil­la­ri­té, à l’échelle mon­diale, et per­pé­tuent de fait le carac­tère car­bo­né de l’industrie de l’hydrogène. Ain­si, dis­po­ser de toutes les poten­tielles chaînes de valeur sur son ter­ri­toire n’amène pas vrai­ment – aujourd’hui – à une approche tran­si­tion­nelle en phase avec les objec­tifs de l’Accord de Paris, malheureusement.

Groupe 4 : les futurs champions de l’hydrogène renouvelable

Le qua­trième et der­nier groupe est celui des pays riches en éner­gies renou­ve­lables, pauvres en hydro­car­bures : les futurs cham­pions de l’hydrogène renou­ve­lable. Dans des géo­gra­phies comme le Chi­li, le Maroc, le Groen­land, la Colom­bie, la Nami­bie ou encore la Mau­ri­ta­nie, dépour­vues de res­sources en hydro­car­bures abon­dantes mais dotées d’un fort poten­tiel en éner­gies renou­ve­lables, les stra­té­gies natio­nales sont qua­si exclu­si­ve­ment tour­nées vers l’hydrogène issu de renou­ve­lables. Ces pays comptent exploi­ter leur richesse natu­relle variée – qu’il s’agisse du rayon­ne­ment solaire intense, des vents puis­sants, de l’hydroélectricité abon­dante ou de la bio­masse – pour déve­lop­per des infra­struc­tures dédiées à la pro­duc­tion d’hydrogène, par élec­tro­lyse avant tout. 

On peut ajou­ter dans ce groupe les pays qui exploitent déjà des hydro­car­bures mais dont le poten­tiel renou­velable à long terme sur­passe les res­sources fos­siles, comme le Kaza­khs­tan, la Nami­bie ou l’Égypte. Le Chi­li, la Colom­bie et le Maroc, avec leurs vastes res­sources solaires et éoliennes, et le Groen­land, avec son poten­tiel hydro­élec­trique, se posi­tionnent comme des pion­niers dans ce domaine. L’Égypte, la Mau­ri­ta­nie, l’Angola ou encore l’Arctique sué­dois, béné­fi­ciant res­pec­ti­ve­ment de leur empla­ce­ment géo­gra­phique stra­té­gique et de com­plé­men­ta­ri­tés indus­trielles entre l’hydrogène et cer­taines de leurs res­sources minières locales (dans ces deux der­niers cas : du fer de haute qua­li­té par­fai­te­ment adap­té pour ver­dir la pro­duc­tion d’acier inoxy­dable), explorent acti­ve­ment ces pro­jets d’hydrogène vert et ses débou­chés indus­triels, de la pro­duc­tion d’engrais azo­tés décar­bo­nés à l’aquaculture, en pas­sant par les pro­téines de syn­thèse, par exemple.

« Ces pays comptent exploiter leur richesse naturelle variée pour développer des infrastructures dédiées à la production d’hydrogène, par électrolyse avant tout. »

Ces approches visent à atteindre l’autosuffisance éner­gé­tique, à déve­lop­per leurs réseaux natio­naux d’électricité et d’eau potable en liant les inves­tis­se­ments hydro­gène à ces inves­tis­se­ments d’importance tant pour la pro­duc­tion d’hydrogène elle-même que pour les com­mu­nau­tés locales dans la plu­part des pays concer­nés, et à déve­lop­per une capa­ci­té indus­trielle nou­velle autour de sec­teurs liés à l’hydrogène, comme la mobi­li­té, la construc­tion ou la chi­mie verte. Et dans le même temps, ces pays cherchent aus­si à se posi­tion­ner comme des expor­ta­teurs clés sur le mar­ché de l’hydrogène issu de renou­ve­lables et ses déri­vés (ammo­niac et métha­nol de syn­thèse, en prio­ri­té, pour le sec­teur mari­time), essen­tiellement à des­ti­na­tion des pays indus­tria­li­sés du pre­mier groupe, dépen­dants d’imports pour la sur­vie de leur indus­trie et prêts à presque tout pour éta­blir des accords bila­té­raux de coopé­ra­tion à cette fin. 

Les efforts de ces pays verts s’inscrivent dans une démarche glo­bale de réduc­tion de la dépen­dance aux com­bus­tibles fos­siles et de lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique, tout en sti­mu­lant leur propre déve­lop­pe­ment socio-éco­no­mique grâce aux éner­gies renou­ve­lables. Tou­te­fois, ils ne pèsent pas encore autant, en termes d’influence diplo­ma­tique hydro­gène, que les pays du groupe 3, étant don­né que leur influence dans la géo­po­li­tique de l’énergie au glo­bal est his­to­ri­que­ment limitée.

Une indispensable coopération internationale

Les pays du pre­mier groupe, bien qu’affrontant des défis signi­fi­ca­tifs, cherchent à diver­si­fier leurs sources d’énergie et à s’affranchir des mar­chés vola­tils des hydro­car­bures, le plus rapi­de­ment pos­sible, avec un sen­ti­ment d’urgence exa­cer­bé par les effets des poli­tiques en réponse à l’agression de l’Ukraine par la Rus­sie en 2022, tant pour les pays euro­péens que pour le Japon et la Corée du Sud côté asia­tique. Le groupe 2, quant à lui, repré­sente une tran­si­tion plus prag­ma­tique, cher­chant à conci­lier pro­duc­tion d’hydrocarbures et aspi­ra­tions envi­ron­ne­men­tales, sans pour autant don­ner la moindre garan­tie de sou­te­na­bi­li­té à long terme. Le groupe 3, avec sa stra­té­gie tech­no-agnos­tique, occupe une place pri­vi­lé­giée, capable d’influ–encer signi­fi­ca­ti­ve­ment le mar­ché mon­dial de l’hydrogène parce que déjà pres­crip­teur du mar­ché mon­dial de l’énergie au global. 

Enfin, les nations du groupe 4, grâce à leur abon­dance en éner­gies renou­ve­lables, s’érigent en lea­ders poten­tiels de l’hydrogène vert, avec des impli­ca­tions pro­fondes pour leur déve­lop­pe­ment socio-éco­no­mique et leur posi­tion sur l’échiquier éner­gé­tique mon­dial. Cette diver­si­té d’approches rap­pelle la com­plexi­té de la tran­si­tion éner­gé­tique mon­diale et com­bien les approches mani­chéennes de l’hydrogène por­tées tant par les pro- que les anti-hydro­gène dans le débat public sont toxiques dans l’ensemble. Chaque pays, en fonc­tion de ses res­sources, de son his­toire indus­trielle et de ses ambi­tions, façonne sa propre voie vers un ave­nir bas car­bone. Et, si l’hydrogène repré­sente une pro­messe pour une éner­gie propre et durable, sa concré­ti­sa­tion dépend de la capa­ci­té des nations à sur­mon­ter les défis tech­niques, éco­no­miques et poli­tiques – un défi qui ne peut être rele­vé en réa­li­té sans coopé­ra­tion inter­na­tio­nale, recherche, déve­lop­pe­ment, for­ma­tion et opti­mi­sa­tion des res­sources à une échelle systémique.

“Coopération internationale, recherche, développement, formation et optimisation des ressources à une échelle systémique.”

En somme, l’hydrogène bas car­bone est bien plus qu’un vec­teur éner­gé­tique (ou une source poten­tielle avec l’hydrogène natu­rel) ; il est déjà suf­fi­sam­ment pré­sent dans l’espace public inter­na­tio­nal aujourd’hui pour illus­trer les enga­ge­ments géo­po­li­tiques des États ; un baro­mètre des enga­ge­ments envi­ron­ne­men­taux des nations et un cata­ly­seur poten­tiel pour une tran­si­tion éner­gé­tique réel­le­ment verte et durable, ou non. La manière dont chaque pays navigue dans cette nou­velle ère défi­ni­ra non seule­ment son propre ave­nir éner­gé­tique, mais aus­si sa place dans un monde de l’énergie en rapide muta­tion, où l’énergie propre est syno­nyme de pro­grès, d’innovation et de lea­der­ship inter­na­tio­nal, mais peut aus­si être ins­tru­men­ta­li­sée poli­ti­que­ment pour main­te­nir un sta­tu quo écocidaire.

Commentaire

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Didier Ver­goterépondre
7 mai 2024 à 21 h 46 min

Pour­quoi ne parle t on jamais d’hy­dro­gène blanc

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