L'urgence de la patience

L’urgence et la patience

Dossier : Mot du PrésidentMagazine N°795 Mai 2024
Par Loïc ROCARD (X91)

L’urgence et la patience sont les deux côtés de la médaille pour l’auteur aux prises avec l’élaboration d’un texte, nous dit Jean-Phi­lippe Tous­saint. L’impériosité d’un côté qui garan­tit l’impulsion, l’inévitable len­teur de l’autre qui est propre aux choses sérieuses. La même dicho­to­mie me vient à l’esprit lorsqu’il est ques­tion de l’hydrogène énergie.

À la lec­ture du dos­sier de ce mois-ci on prend conscience, si on ne l’avait déjà, que le déve­lop­pe­ment de la filière hydro­gène est aus­si impé­ra­tif qu’il sera labo­rieux. Pour­tant l’élément pre­mier de la table de Men­de­leïev n’est pas ce qui manque dans la nature. 

Avec le dihy­dro­gène gaz c’est une autre affaire, et pas nou­velle car ce gaz pri­sé dans la pétro­chi­mie, la fabrique des engrais, celle du verre, est un vieil ami de l’industrie de papa. On l’y mani­pule avec pré­cau­tion puisqu’il est hau­te­ment explo­sif, et l’on n’a pas tou­jours été déran­gé par son poids car­bo­nique cala­mi­teux. Aujourd’hui on l’est, mais l’hydrogène qui donne un cer­tain espoir et que l’on dit vert, voire bleu, c’est celui qui n’existe pas encore, ou si peu, celui qui n’est pas les­té de car­bone à l’amont par le méthane dont il pro­vient. Il sera le pen­dant d’une élec­tri­ci­té elle-même peu car­bo­née, renou­ve­lable ou nucléaire, qu’il fau­dra pro­duire massivement.

“Le développement de la filière hydrogène est aussi impératif qu’il sera laborieux.”

L’électrification en cours des usages de la vie cou­rante suf­fi­sant à faire bon­dir les besoins en élec­tri­ci­té des pro­chaines décen­nies, comme RTE ne manque pas de le répé­ter, ce qu’il fau­dra pour fabri­quer de l’hydrogène propre devra venir en plus. Et aujourd’hui c’est trop cher pour être envi­sa­gé sans des inci­ta­tions et des régu­la­tions fortes. Avec l’hypothèse que le déve­lop­pe­ment des sources de pro­duc­tion élec­trique en France suf­fi­ra tout juste à satis­faire les besoins directs en élec­trons, il fau­dra donc faire venir l’hydrogène de plus ou moins loin. Peut-être des déserts enso­leillés d’Afrique. En espé­rant ne pas être confron­té un jour au même pro­blème que l’Allemagne avec sa per­fu­sion de gaz russe.

Donc, comme à chaque fois qu’il s’agit de ques­tions éner­gé­tiques, la com­plexi­té est de la par­tie, la régu­la­tion et l’accès au capi­tal sont les clés de la bataille et les injonc­tions contra­dic­toires jamais très loin. En dépit de l’urgence, une cer­taine patience sera de rigueur. Bonne lecture ! 

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