Flotte océanographique française : membres de l’équipage et scientifiques à bord du navire océano­graphique Pourquoi pas ? au retour de la campagne Momarsat. © Ifremer / E. Lenglemetz

Sur les sept mers du monde : la Flotte océanographique française

Dossier : L'océanMagazine N°791 Janvier 2024
Par François HOULLIER (X78)

La Flotte océa­no­gra­phique fran­çaise a su déve­lop­per des moyens maté­riels et humains qui la placent au pre­mier plan de la recherche mon­diale. Son uni­fi­ca­tion lui confère un carac­tère sin­gu­lier en Europe. Elle est lan­cée actuel­le­ment dans une démarche pros­pec­tive dont tout l’enjeu est de des­si­ner ce qu’elle sera demain – ses équipes, ses moyens, ses pra­tiques, ses cam­pagnes –, pour qu’elle puisse conti­nuer de se pro­je­ter sur les sept mers du monde et per­mettre aux scien­ti­fiques de décryp­ter le fonc­tion­ne­ment de l’océan global.

La France s’est enga­gée dans le mouve­ment inter­na­tio­nal d’observation des océans, d’abord indi­rec­te­ment sous l’impulsion du prince Albert Ier de Mona­co. Ensuite par les pre­mières cam­pagnes océa­no­gra­phiques de l’un des ancêtres de l’Ifremer, l’Office scien­ti­fique et tech­nique des pêches mari­times : principale­ment orien­tées vers l’halieutique, elles ont au départ été menées à bord de navires de la Marine natio­nale, de cha­lu­tiers recon­ver­tis et du Pour­quoi pas ? IV de Jean-Bap­tiste Char­cot, puis grâce au Pré­sident Théo­dore Tis­sier, un navire dédié de 50,60 mètres, lan­cé en 1933. C’est à par­tir des années 1960 que des moyens navals plus consé­quents, navires et engins sous-marins, ont été construits.

La Flotte océanographique française

Héri­tière de cette his­toire, la Flotte océa­no­gra­phique fran­çaise (FOF) est à la fois la plus grande infra­struc­ture de recherche envi­ron­ne­men­tale fran­çaise, avec un bud­get annuel conso­li­dé de plus de 80 mil­lions d’euros, et l’une des plus impor­tantes en Europe et dans le monde, grâce à une com­bi­nai­son de moyens navals qui lui per­met d’opérer depuis la côte jusqu’au grand large et depuis la sur­face jusqu’aux abysses, d’être pré­sente sur toutes les façades mari­times de l’Hexagone et de se pro­je­ter dans l’Atlantique, l’océan Indien et le Paci­fique. Double sin­gu­la­ri­té en Europe, la Flotte est à la fois uni­fiée et multifonctionnelle.

“Double singularité en Europe, la Flotte océanographique française est à la fois unifiée et multifonctionnelle.”

L’unification

Au terme d’un long pro­ces­sus enta­mé au début des années 2010, l’unification de la FOF a abou­ti : en 2018, le sous-affrè­te­ment du Marion Dufresne par l’Institut polaire fran­çais a été repris par l’Ifremer ; paral­lè­le­ment, l’Institut de recherche pour le déve­lop­pe­ment (IRD) et le CNRS ont trans­fé­ré leurs navires océa­no­gra­phiques à l’Ifremer, res­pec­ti­ve­ment en 2018 et 2020. Depuis 2020, la FOF est ain­si opé­rée par l’Ifremer et sa filiale d’armement, Genavir.

Grâce à une gou­ver­nance adap­tée, elle est cepen­dant lar­ge­ment ouverte à l’ensemble de la com­mu­nau­té scien­ti­fique fran­çaise (uni­ver­si­tés, CNRS, Ifre­mer, IRD, Muséum natio­nal d’histoire natu­relle…). Cette uni­fi­ca­tion est aty­pique en Europe : les autres grandes Flottes océa­no­gra­phiques natio­nales (Alle­magne, Royaume-Uni…) sont en effet répar­ties, dans chaque pays, entre plu­sieurs éta­blis­se­ments, ce qui leur demande un effort accru de coordination.

Des missions larges

Au-delà des cam­pagnes de recherche scien­ti­fique qui consti­tuent sa pre­mière rai­son d’être, la FOF est aus­si char­gée de réa­li­ser des mis­sions qui sont d’une autre nature : elle contri­bue aux for­ma­tions orga­ni­sées par les uni­ver­si­tés ; elle per­met au Ser­vice hydro­gra­phique et océa­no­gra­phique de la Marine (SHOM) de mener des cam­pagnes au pro­fit de la Marine natio­nale ; elle effec­tue aus­si des mis­sions orien­tées vers l’appui aux poli­tiques publiques ou alors dans le cadre de par­te­na­riat avec des entre­prises. Elle est par­fois ponc­tuel­le­ment impli­quée dans des opé­ra­tions excep­tion­nelles de secours : cela a été le cas, mal­heu­reu­se­ment en vain, en juin 2023, lorsque les équipes de Gena­vir et de l’Ifremer se sont mobi­li­sées, dans un temps très court, pour par­ti­ci­per aux opé­ra­tions de sau­ve­tage du sous-marin pri­vé Titan qui avait dis­pa­ru à proxi­mi­té de l’épave du Tita­nic.

Une communauté humaine, scientifique et technique

La pre­mière ques­tion posée à pro­pos de la Flotte océa­no­gra­phique fran­çaise concerne presque tou­jours ses navires, leur nombre, leur taille, leur capa­ci­té, leur théâtre de déploie­ment… La Flotte ne se résume cepen­dant pas à cette dimen­sion : les ins­tru­ments et engins qu’ils emportent et opèrent sont aus­si essen­tiels. Sur­tout, la FOF n’existe que par les ingé­nieurs, tech­ni­ciens, marins et logis­ti­ciens qui en ont la charge au sein de l’Ifremer et de Gena­vir, et pour la com­mu­nau­té scien­ti­fique qui l’utilise.

Répar­ties entre l’Ifremer (pro­gram­ma­tion des mis­sions, concep­tion des moyens navals et déve­lop­pe­ments tech­no­lo­giques rela­tifs aux sys­tèmes embar­qués ou sys­tèmes sous-marins) et sa filiale Gena­vir (réa­li­sa­tion des cam­pagnes océano­graphiques et logis­tique affé­rente, main­tien en condi­tions opé­ra­tion­nelles des navires et de leurs appa­raux), ce sont près de cinq cents per­sonnes qui sont enga­gées, à terre et en mer, dans cette très grande infra­struc­ture de recherche.

Dans la période actuelle, les deux uni­tés tech­no­lo­giques de la direc­tion de la FOF sont impli­quées dans des pro­jets de grande ampleur tels que la maî­trise d’ouvrage de la construc­tion du navire semi-hau­tu­rier des­ti­né à rem­pla­cer le navire côtier Tha­lia dans la Manche et dans l’Atlantique, ou la qua­li­fi­ca­tion du robot sous-marin auto­nome Ulyx conçu par l’Ifremer et construit en par­te­na­riat avec l’entreprise Exail.


Un mouvement international d’observation

Il y a un siècle et demi, l’expédition anglaise menée à bord du navire HMS Chal­len­ger a mar­qué une étape majeure dans l’histoire de l’exploration et de l’observation de l’océan et déclen­ché une véri­table ému­la­tion par­mi les grandes nations industrielles.

D’autres pays se sont ensuite lan­cés dans cette aven­ture, d’abord en se dotant de navires océa­no­gra­phiques, c’est-à-dire de bateaux équi­pés d’instruments scien­ti­fiques et ‑tech­niques des­ti­nés à obser­ver la colonne d’eau, à car­to­gra­phier les fonds marins, à recueillir des échan­tillons, à déployer des bouées d’observation, à conduire des pêches scien­ti­fiques… ; puis en déve­lop­pant de nou­veaux moyens d’investigation et d’intervention, des engins sous-marins habi­tés ou des robots télé­opé­rés depuis le bord, des carot­tiers pour extraire des sédi­ments pro­fonds, des équi­pe­ments sis­miques pour ana­ly­ser la nature des fonds marins…

Dans les der­nières décen­nies, la palette de ces moyens navals d’exploration, de recon­nais­sance, d’observation et d’expérimentation s’est élar­gie. D’abord grâce aux satel­lites pour l’observation spa­tiale de l’océan, qui néces­sitent cepen­dant des cali­bra­tions in situ pour les­quelles les moyens à la mer res­tent essen­tiels. Ensuite grâce à des moyens auto­nomes, de sur­face ou sous-marins (flot­teurs, drones ou pla­neurs), déployés depuis les navires.


Des moyens de surface

La FOF regroupe une pano­plie de navires de recherche, d’engins sous-marins et d’équipements mobiles, qui lui donne accès à toutes les mers du globe, hors zone polaire. De 75 à 120 mètres de long, les quatre navires hau­tu­riers poly­va­lents sont capables de réa­li­ser des cam­pagnes océa­no­gra­phiques plu­ri­dis­ci­pli­naires de plu­sieurs semaines sur tous les bas­sins océa­niques. Ils sont com­plé­tés par un navire semi-hau­tu­rier basé en Nou­velle-Calé­do­nie, ain­si que par quatre navires côtiers et une vedette qui sont uti­li­sés dans la Manche, dans l’Atlantique et en Médi­ter­ra­née pour des cam­pagnes pou­vant aller jusqu’à une dizaine de jours. S’y ajoutent sept petits navires de sta­tion du CNRS, répar­tis sur les façades mari­times métro­po­li­taines et qui effec­tuent des sor­ties courtes.

Des moyens sous-marins

La FOF est éga­le­ment dotée d’un ensemble, unique en Europe, d’engins sous-marins dont cer­tains sont capables d’opérer jusqu’à 6 000 mètres de pro­fon­deur : le sous-marin habi­té Nau­tile lan­cé en 1984 et le robot télé­opé­ré Vic­tor 6000 mis en ser­vice en 1999, tous deux uti­li­sés pour l’exploration des fonds marins, le pré­lè­ve­ment d’échan­tillons, l’installation d’observatoires de fond de mer… ; l’engin auto­nome Ulyx capable de mener des mis­sions de recon­nais­sance et de car­to­gra­phie à haute résolution. 

Les navires embarquent par ailleurs des appa­raux scien­ti­fiques dédiés : des équi­pe­ments acous­tiques pour son­der les fonds marins ou la colonne d’eau ; des équi­pe­ments sis­miques pour explo­rer, depuis les navires hau­tu­riers, la croûte océa­nique jusqu’à plu­sieurs kilo­mètres ; des carot­tiers pour extraire des sédi­ments qui per­mettent notam­ment des recons­ti­tu­tions de l’évolution du cli­mat sur des cen­taines de mil­liers d’années.

Des milliers de scientifiques

La FOF touche une com­mu­nau­té scien­ti­fique large de plu­sieurs mil­liers de cher­cheurs, ingé­nieurs et tech­ni­ciens. Ce sont ain­si près de 1 800 scien­ti­fiques qui embarquent chaque année sur les navires de la Flotte, dont plus des deux tiers appar­tiennent à d’autres éta­blis­se­ments que l’Ifremer. Cette com­mu­nau­té est par­ti­cu­liè­re­ment atten­tive aux per­for­mances de la FOF, qui dépendent à la fois de la nature même de ses navires, engins et équi­pe­ments, et de la façon dont ils sont mis en œuvre par les équipes de Genavir.

La com­mu­nau­té des usa­gers de la Flotte est aus­si légi­ti­me­ment sen­sible au pro­ces­sus d’évaluation, sélec­tion et pro­gram­ma­tion des cam­pagnes : le délai entre le dépôt d’une pro­po­si­tion de cam­pagne et sa réa­li­sa­tion peut atteindre jusqu’à cinq ans, voire plus dans la période actuelle du fait des impacts dif­fé­rés de la pan­dé­mie de Covid. Les don­nées ain­si acquises sont ensuite ana­ly­sées et uti­li­sées pen­dant de nom­breuses années. Depuis sa concep­tion jusqu’à la pleine valori­sation des don­nées acquises, le cycle de vie d’une cam­pagne océa­no­gra­phique s’étend ain­si sur un temps long de l’ordre de la dizaine d’années. Au bout du compte, ce sont envi­ron 350 articles scien­ti­fiques qui sont publiés chaque année et qui s’appuient sur des don­nées issues des cam­pagnes océa­no­gra­phiques antérieures.

Un instrument de la souveraineté de la France

Au-delà de son impor­tance cri­tique pour la com­mu­nau­té scien­ti­fique marine, la Flotte océa­no­gra­phique fran­çaise pos­sède une dimen­sion sym­bo­lique évi­dente et consti­tue un ins­tru­ment de la sou­ve­rai­ne­té natio­nale dans plu­sieurs registres : en sou­te­nant la mise en œuvre de poli­tiques publiques de por­tée natio­nale, euro­péenne ou inter­na­tio­nale ; en garan­tis­sant la maî­trise de tech­no­lo­gies de pointe ; en affir­mant la pré­sence scien­ti­fique de la France sur presque toutes les mers du globe.

Pre­mier exemple de poli­tique publique à laquelle la FOF contri­bue : les cam­pagnes menées chaque année à la même période dans le golfe de Gas­cogne, en mer Cel­tique, dans la Manche ou en mer du Nord col­lectent des don­nées halieu­tiques indis­pen­sables pour suivre l’état et la dyna­mique des popu­la­tions des prin­ci­pales espèces de pois­sons pêchées ; elles sont ain­si au cœur de la mise en œuvre de la poli­tique com­mune des pêches.

Dans un registre dif­fé­rent, les cam­pagnes du pro­gramme Exten­sion rai­son­née du pla­teau conti­nen­tal (Extra­plac) sou­tiennent depuis 2000 les demandes por­tées par la France auprès de la Com­mis­sion des limites du pla­teau conti­nen­tal (CLPC) des Nations unies pour étendre ses droits sou­ve­rains sur le pla­teau conti­nen­tal, au-delà de sa zone éco­no­mique exclu­sive. Sur le fon­de­ment d’observations géo­lo­giques, morpho­logiques et géo­phy­siques, les sept pre­mières demandes vali­dées par la CLPC ont abou­ti à étendre le domaine sous-marin de la France de 731 000 km² ; les cinq demandes en cours ou en attente d’examen cor­res­pondent à un poten­tiel d’extension addi­tion­nelle de 530 000 km2.

Une souveraineté qui est aussi technologique

Le troi­sième exemple concerne les grands fonds marins. L’Ifremer porte pour le compte de la France deux des trente et un contrats d’exploration déli­vrés par l’Autorité inter­na­tio­nale des fonds marins, l’un sur les nodules poly­mé­tal­liques dans le Paci­fique Est, l’autre sur les sul­fures poly­mé­tal­liques sur la dor­sale médio-atlan­tique. Ces contrats sup­posent de réa­li­ser régu­liè­re­ment des cam­pagnes océa­no­gra­phiques, non seule­ment pour carac­té­ri­ser ces envi­ron­ne­ments très pro­fonds, leur géo­lo­gie et leurs res­sources miné­rales, mais aus­si pour connaître leur bio­di­ver­si­té et leur fonc­tion­ne­ment éco­lo­gique ou pour éva­luer les risques que ferait cou­rir une éven­tuelle exploi­ta­tion de ces milieux vul­né­rables et peu résilients.

Les don­nées acquises dans ce cadre sont essen­tielles pour fon­der la posi­tion de la France sur ce sujet sen­sible. Par ailleurs, dans un contexte mar­qué par une atten­tion accrue du minis­tère des Armées à la maî­trise des fonds marins, par l’essor de tech­no­lo­gies, duales, de recon­nais­sance et d’observation auto­nomes de l’océan et par le mou­ve­ment vers la décar­bo­na­tion du trans­port mari­time, la FOF contri­bue à la sou­ve­rai­ne­té tech­no­lo­gique du pays. Les com­pé­tences des équipes de la FOF, le fait que leurs inno­va­tions sont systé­matiquement tes­tées en condi­tions opé­ra­tion­nelles et dans des contextes variés sont ain­si des atouts pour le déve­lop­pe­ment de filières industrielles.

Trajectoires  des campagnes de la Flotte océanographique française qui se sont déroulées, depuis 
1921, sur les navires français ou 
en coopération 
sur des navires 
étrangers. 
De gauche 
à droite : 
1921 - 1959 ; 
1960 - 1983 ; 
depuis 1984. Source : Ifremer / Sismer
Tra­jec­toires des cam­pagnes océano­graphiques qui se sont dérou­lées, depuis 1921, sur les navires fran­çais ou en coopé­ra­tion sur des navires étran­gers.
De gauche à droite : 1921 – 1959 ; 1960 – 1983 ; depuis 1984. Source : Ifre­mer / Sismer

Une présence dans les trois grands bassins océaniques

Autre face de la FOF en matière de sou­ve­rai­ne­té, sa capa­ci­té de pro­jec­tion per­met à la France d’affirmer sa pré­sence dans les trois grands bas­sins océa­niques, par exemple dans la zone indo­pa­ci­fique. Cette pré­sence glo­bale est aus­si illus­trée par les trois cartes pré­sen­tées ci-des­sus, qui per­mettent de suivre le déploie­ment des cam­pagnes océa­no­gra­phiques au cours du siècle der­nier ; elles donnent aus­si à voir les zones d’intérêt de la com­mu­nau­té scien­ti­fique fran­çaise, que cet inté­rêt soit lié à la proxi­mi­té des côtes de l’Hexagone (en Médi­ter­ra­née ou dans l’Atlantique) et des outre-mer ou qu’il découle de décou­vertes majeures.

On voit ain­si appa­raître, dans les années 1960–1980, l’effort d’exploration de la dor­sale médio-atlan­tique et de la zone de Cla­rion-Clip­per­ton dans le Paci­fique Est. Cette carte montre aus­si les zones où la FOF est peu pré­sente, voire absente : par exemple, les zones nord et est de l’océan Indien ou les océans Arc­tique et Aus­tral (par défaut de brise-glace scientifique).

L’avenir de la Flotte océanographique française 

L’unification de la FOF s’est accom­pa­gnée d’une réflexion pros­pec­tive qui a débou­ché en 2020 – c’était une pre­mière – sur une pro­gram­ma­tion décen­nale du renou­vel­le­ment des moyens navals. Au double regard du coût (la construc­tion d’un navire hau­tu­rier d’une cen­taine de mètres coû­te­rait aujourd’hui plus de 100 M€) et de la durée de vie des navires océa­no­gra­phiques (une qua­ran­taine d’années) et des équi­pe­ments lourds qui leur sont liés, de tels exer­cices de pros­pec­tive et de pro­gram­ma­tion sont indis­pen­sables. Cette program­mation s’est déjà tra­duite par la fina­li­sa­tion d’actions enga­gées et par le lan­ce­ment de nou­veaux pro­jets (moder­ni­sa­tion en cours du robot Vic­tor 6000, construc­tion d’un navire semi-hau­tu­rier pour la Manche et l’Atlantique en 2023–2025, moder­ni­sa­tion du Pour­quoi pas ? en 2024–2025, déci­sion de construire un navire semi-hau­tu­rier pour le Paci­fique et l’océan Aus­tral en rem­pla­ce­ment de l’Antea).

Un exercice prospectif

En 2023, il a été déci­dé de relan­cer un cycle de pros­pec­tive et de pro­gram­ma­tion. Les rai­sons en sont mul­tiples : trois des quatre navires hau­tu­riers arrivent en fin de vie entre 2030 et 2035 ; l’essor rapide des moyens auto­nomes d’observation inter­roge sur la place qui leur sera accor­dée au sein de la FOF ; les pro­grammes lan­cés dans le cadre du plan France2030 sont sus­cep­tibles d’accroître la demande de cam­pagnes scien­ti­fiques ; la décar­bo­na­tion du trans­port mari­time concerne aus­si les navires scientifiques. 

Cette pros­pec­tive s’organise autour de trois grands axes.

Le pre­mier est consa­cré à la science : quelles seront les prin­ci­pales ques­tions en océa­no­lo­gie dans les pro­chaines décen­nies ? De quelles obser­va­tions et don­nées les cher­cheurs auront-ils besoin ? Deux exemples illus­trent concrè­te­ment ce sujet : les recherches en paléo­climatologie vont-elles conti­nuer de néces­si­ter de carot­ter les sédi­ments pro­fonds ? Le sui­vi des popu­la­tions et com­mu­nau­tés de pois­sons va-t-il, à terme, repo­ser sur des méthodes molé­cu­laires ? Selon les réponses à ces ques­tions, le dimen­sion­ne­ment des futurs navires océa­no­gra­phiques pour­rait être modifié.

Le second axe est tech­no­lo­gique : la mon­tée en puis­sance de l’observa­tion auto­nome (drones de sur­face ou sous-marins) va-t-elle induire un nou­vel équi­libre entre ces nou­veaux engins et les moyens lourds que sont les navires ? Le déploie­ment de la télé­pré­sence va-t-il modi­fier l’organisation des cam­pagnes en mer en favo­ri­sant les inter­ac­tions en temps réel entre équipes embar­quées et à terre ? Quelle sera la tra­jec­toire de décar­bo­na­tion des navires océano­graphiques, des cam­pagnes et in fine, car c’est bien cela qui comp­te­ra, des données ?

La nécessité de partenariats

Le troi­sième axe est par­te­na­rial. La FOF a su orga­ni­ser des formes de mutua­li­sa­tion, par exemple entre les besoins de la recherche et de l’appui aux poli­tiques publiques, et nouer des par­te­na­riats en France (avec les Terres aus­trales et antarc­tiques fran­çaises et la Marine natio­nale) et à l’international (dis­po­si­tifs d’échanges et d’accès croi­sés entre Flottes océano­graphiques de dif­fé­rents pays). Peut-on aller plus loin dans cette direc­tion, en Europe ou dans le monde, notam­ment autour des moyens les plus lourds que sont les brise-glace et les grands navires hauturiers ? 

À ce volet s’ajoute celui de la diver­si­fi­ca­tion de l’offre de moyens navals et de navires d’opportunité construits à d’autres fins que scien­ti­fiques mais qui peuvent contri­buer à l’acquisition de don­nées océano­graphiques : com­ment tirer par­ti d’initiatives pion­nières sans dés­équi­li­brer, éco­no­mi­que­ment ou éthi­que­ment, le modèle d’accès à la Flotte océa­no­gra­phique fran­çaise qui repose à la fois sur un finan­ce­ment public et sur un pro­ces­sus exi­geant d’évalua­tion des cam­pagnes pro­po­sées par les cher­cheurs ? Com­ment col­la­bo­rer avec les arma­teurs com­mer­ciaux ou avec les plai­san­ciers qui sillonnent les mers et qui sont prêts à équi­per leurs bateaux de cap­teurs potentielle­ment utiles à la science ? 

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