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Karim Beguir (X97) de Polytechnique à l’entrepreneuriat à succès dans l’IA

Dossier : TrajectoiresMagazine N°790 Décembre 2023
Par Alix VERDET

Karim Beguir (X97) est le co­fondateur d’Ins­ta­Deep, un lea­der mon­dial dans l’IA, implan­té dans dix pays sur trois conti­nents, à la ren­contre des cultures occi­den­tales, afri­caines et moyen-orien­tales. Pas­sion­né par les mathé­ma­tiques appli­quées, la tech et l’impact, et riche de son double héri­tage cultu­rel, Karim témoigne de son par­cours d’entrepreneur pour lequel la plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té poly­tech­ni­cienne s’est révé­lée un atout majeur.


Lire aus­si : Cana­li­ser la puis­sance de l’IA pour le déve­lop­pe­ment humain


Peux-tu nous présenter ton parcours, ta famille, d’où tu viens ?

Je suis fran­co-tuni­sien né à Gre­noble de père tuni­sien. Il finis­sait ses études de méde­cine lorsqu’il a ren­con­tré ma mère. Je suis fils unique. Lorsque j’avais un an mon père a obte­nu son diplôme et nous sommes tous par­tis vivre dans le sud de la Tuni­sie, à Tataouine. J’ai gran­di à côté des lieux de tour­nage de Star Wars (la pla­nète Tatooine). Tataouine, c’est la der­nière ville avant le désert. Et j’ai éga­le­ment vécu dans un petit vil­lage des Hautes-Alpes, en France, d’où ma mère, pro­fes­seure d’histoire-géo, est ori­gi­naire. Mon enfance était très contras­tée entre deux cultures fascinantes.

As-tu fait toute ta scolarité en Tunisie ?

J’ai lit­té­ra­le­ment fait toute la Tuni­sie en com­men­çant par Tataouine, toutes les grandes villes de la côte tuni­sienne, notam­ment Djer­ba, Sousse et Tunis. Bien que je sois fran­çais, j’ai pas­sé cette période à l’école tuni­sienne et j’ai ensuite fait le lycée fran­çais de Tunis jusqu’en ter­mi­nale. En ter­mi­nale, je suis venu à Jan­son-de-Sailly où j’ai pas­sé mon bac puis fait ma pré­pa. Bien qu’également admis en pré­pa à Louis-le-Grand et à Hen­ri-IV, j’ai pré­fé­ré « jouer le match à domi­cile » car je m’étais bien adap­té à Janson.

J’ai eu l’X en trois demi en 1997. C’était l’année où ils avaient chan­gé le sys­tème de M’ en MP*, c’est-à-dire avec un même nombre de places en maths et en phy­sique, sauf que le nombre de can­di­dats en maths n’avait pas chan­gé, donc c’était pro­ba­ble­ment un des concours les plus dif­fi­ciles d’une géné­ra­tion pour ceux qui étaient dans la filière maths. Ce n’était pas de la tarte mais j’ai réus­si le concours et mon rêve était deve­nu réalité.

Comment as-tu connu Polytechnique ?

J’ai tou­jours eu une pas­sion pour les maths appli­quées, mais pas pour le côté théo­rique car ce qui m’intéressait, c’était l’impact. Poly­tech­nique a tou­jours eu cette aura extra­ordinaire, ce côté fan­tas­tique de mix entre la science et avoir de l’impact en France et dans le monde. Je trou­vais inté­res­sant aus­si le sta­tut mili­taire. Fina­le­ment, quand ça s’est réa­li­sé, ça m’a ouvert des portes extra­or­di­naires. Les années que j’ai pas­sées sur le cam­pus à l’X ont été par­mi les plus enri­chis­santes de mon par­cours. Je me suis fait des amis qui le sont res­tés pour la vie et dont cer­tains sont plus tard deve­nus des sou­tiens, voire des investisseurs.

Est-ce qu’il y a un goût pour les sciences dans ta famille ou est-ce toi qui as développé ce goût pour les maths appliquées ?

Mon père, avant de faire méde­cine, avait fait de la phy­sique car il en était pas­sion­né. Quand j’étais petit dans le désert tuni­sien, il m’apportait les der­niers ordi­na­teurs, les der­nières consoles de jeux, Intel Vision, Ata­ri, Ami­ga 500. Donc il y a tou­jours eu cette pas­sion pour la science, l’innovation, les grandes ques­tions phy­siques, mais j’étais plus pas­sion­né par les maths et notam­ment les maths appli­quées. Mon père aurait pu faire une car­rière clas­sique de méde­cin en France ou dans des villes hup­pées de la côte tuni­sienne. Non, il a vou­lu reve­nir à Tataouine qui, à l’époque, man­quait cruel­le­ment de méde­cins et il a fait toute sa car­rière là-bas. Il a lais­sé un héri­tage moral extra­or­di­naire, il avait cette pas­sion d’entre­prendre, de faire des pro­jets. Et il m’a pas­sé le virus : je n’ai jamais eu peur de prendre des risques et j’ai aus­si vou­lu pla­cer l’humain au cœur de tout pro­jet scientifique.

Du côté de ma mère, j’ai héri­té une pas­sion pour la géo­po­li­tique et pour l’histoire, ce qui n’est pas sou­vent le cas pour des gens qui font de la deep tech. L’histoire peut appor­ter des idées, des manières de réflé­chir à des concepts comme l’intelligence arti­fi­cielle, la super–intelligence, qui sont fas­ci­nants. Si vous regar­dez le débat, par exemple dans les années 1930–1940 sur l’énergie nucléaire, sur le concept de fis­sion, vous vous ren­dez compte que c’est presque le même débat qu’on a aujourd’hui sur la super­in­tel­li­gence qui est aus­si une réac­tion en chaîne.

Dans quelle section étais-tu à l’École ? Qu’est-ce que tu as choisi comme 3A, 4A ?

J’étais en sec­tion foot­ball, grande pas­sion fami­liale. Et ma pas­sion, c’étaient les maths appli­quées mais aus­si l’économie et les sta­tis­tiques. Natu­rel­le­ment, l’Ensae était l’école d’appli la plus adap­tée, ce qui m’a per­mis de faire un double diplôme avec le Cou­rant Ins­ti­tute of Mathe­ma­ti­cal Sciences à NYU. J’y suis res­té ensuite en tant que lec­teur, je suis reve­nu régu­liè­re­ment y don­ner des cours en maths appli­quées quand j’ai com­men­cé ma car­rière aux États-Unis.

À la fin de tes études, qu’est-ce qui se profile pour toi ?

J’ai com­men­cé ma car­rière en tant qu’ingénieur finan­cier à JP Mor­gan entre New York et Londres pour déve­lop­per des modèles de risques com­plexes pour des pro­duits déri­vés, des pro­duits struc­tu­rés com­plexes. Après dix ans, je me suis posé la ques­tion : « Com­ment veux-tu que les gens se sou­viennent de toi ? » Et j’ai tout lâché ! alors que j’avais un poste de mana­ging direc­tor. Beau­coup d’amis m’ont dit : « Tu es com­plè­te­ment fou de lais­ser tom­ber tout ça. » Je suis reve­nu aux sources, dans le désert tuni­sien à Tataouine, pour réflé­chir à ce que je pou­vais faire dans l’entrepreneuriat entre l’Europe et l’Afrique. Au départ j’ai vou­lu aider les jeunes via la construc­tion de ter­rains de foot, dans le but de les atti­rer pour leur apprendre ensuite à pro­gram­mer. Lors de cette aven­ture, j’ai ren­con­tré ma cofon­da­trice Zoh­ra Slim, une auto­di­dacte avec une expé­rience soft­ware et produit.

“InstaDeep, c’était vraiment un pari sur un duo plus que sur business plan.”

Nous nous sommes bien enten­dus, j’ai beau­coup appré­cié son éthique du tra­vail et j’ai sen­ti que nous par­ta­gions les mêmes valeurs humaines. Nous avons créé une boîte de tech avec lit­té­ra­le­ment 2 000 € et deux ordi­na­teurs. Et c’est comme ça qu’InstaDeep est né de manière très impro­bable en 2014. C’était vrai­ment un pari sur un duo plus que sur busi­ness plan. Et c’est ensuite que les oppor­tu­ni­tés sont venues. Un an plus tard, je lis un article d’intelligence arti­fi­cielle à l’époque de l’IA visuelle et je me rends compte que ce sont des choses que j’avais étu­diées, que j’avais toutes les briques et la pas­sion pour ce type de sujets. Ça a été le moment clé.

J’ai créé une petite équipe de recherche et Zoh­ra a déve­lop­pé l’équipe soft­ware. Et c’est ensuite qu’on a com­men­cé à per­cer. Tout d’abord à Londres, où nous avons créé notre bureau, et ensuite très rapi­de­ment à Paris. Et c’est là que la socié­té a com­men­cé à accé­lé­rer avec cette culture de l’innovation, à faire de la recherche avec des jeunes talen­tueux. Mes pre­miers sta­giaires à Londres étaient de jeunes poly­tech­ni­ciens. C’était aus­si le moment où j’avais eu la chance d’être sélec­tion­né pour ren­con­trer Mark Zucker­berg. Je l’ai pris comme un signe qu’on pou­vait faire des choses à grande échelle. Ça nous a don­né l’ambition de faire d’InstaDeep une socié­té de classe mon­diale, un lea­der en IA, au même titre que les plus grands comme Deep­Mind, qui venait d’être rache­tée par Google pour 600 mil­lions de dollars.

J’ai dit à tous mes anciens cama­rades de Poly­tech­nique : « Vous allez voir, Ins­ta­Deep va faire des choses du niveau que Deep­Mind », et tout le monde me pre­nait pour un fou. Mais, d’une manière amu­sante, c’est exac­te­ment ce qui s’est pas­sé. Notre pre­mier papier de recherche a eu un grand reten­tis­se­ment, des cher­cheurs de Deep­Mind l’ont remar­qué, et nous nous sommes retrou­vés à pré­sen­ter notre tra­vail aux lea­ders de Google AI et de Deep­Mind. Je n’oubliais pas notre objec­tif d’être com­pé­ti­tif. Cette dis­ci­pline finan­cière que j’avais acquise par mes années dans la banque était utile : si on crée de la valeur pour nos par­te­naires, pour nos clients, on va gran­dir avec eux. Un de nos traits saillants, c’était qu’on s’attaquait tou­jours à des pro­blèmes que per­sonne n’avait résolus.

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Peux-tu donner des exemples de problèmes que vous avez résolus ?

Avec la Deutsche Bahn, on a démar­ré en 2019 une col­la­bo­ra­tion pour créer le plus grand sys­tème au monde de ges­tion de tra­fic fer­ro­viaire. L’Allemagne, c’est un tra­fic de plus de 40 000 trains par jour sur 33 000 kilo­mètres de voie fer­rée dans un réseau assez dense. On a démar­ré plu­sieurs col­la­bo­ra­tions en 2019 qui ont été réus­sies et nous déve­lop­pons un pro­gramme de cinq ans avec eux pour gérer de manière opti­male le tra­fic fer­ro­viaire avec l’IA.

Pour don­ner une idée des enjeux, un kilo­mètre de voie fer­rée, en fonc­tion de la confi­gu­ra­tion du ter­rain, ça peut valoir 100 mil­lions d’euros. Si sur le même réseau vous pou­vez, grâce à l’IA, avoir plus de capa­ci­tés en termes de tra­fic sur ce réseau, ça a une valeur très impor­tante pour un opé­ra­teur fer­ro­viaire. C’est un exemple très concret qui est une pre­mière mon­diale ren­due pos­sible par notre excel­lence en recherche. En effet, le pre­mier contact qu’on avait eu avec nos futurs par­te­naires s’était éta­bli à tra­vers les articles de recherche qu’on publiait, pas dans le but de dépo­ser des bre­vets, mais pour contri­buer à ce monde de l’IA très ouvert. L’open source, c’était une valeur forte pour nous et ça l’est tou­jours. Quand vous par­tez sur les bonnes bases et que vous faites les choses pour les bonnes rai­sons, les bonnes per­sonnes vont vous trouver.

Un autre exemple de pre­mière mon­diale pour l’équipe : on a bos­sé pen­dant cinq ans pour créer un pro­duit qui s’appelle DeepPCB, qui est le pre­mier sys­tème d’IA auto­nome qui per­met de faire le rou­tage de cir­cuit impri­mé, c’est-à-dire de créer les connexions élec­troniques entre les dif­fé­rents com­po­sants. Nous sommes les pre­miers au monde à cas­ser ce pro­blème et à l’offrir à nos par­te­naires indus­triels en hard­ware. Cette inno­va­tion ne s’est pas faite en Sili­con Val­ley mais grâce à un groupe de poly­tech­ni­ciens entre la France, l’Europe et l’Afrique. Et encore, durant la pan­dé­mie de la Covid, on tra­vaillait avec BioN­Tech et c’était l’époque de l’explosion des variants de la Covid.

Nous avons réflé­chi à com­ment uti­li­ser l’IA pour avoir un impact posi­tif dans cette crise d’ampleur mon­diale et, en col­la­bo­ra­tion avec BioN­Tech, nous avons créé le pre­mier sys­tème au monde qui uti­lise de l’IA géné­ra­tive sur le Sars-CoV‑2, avant même que le terme ne soit uti­li­sé et ne devienne à la mode.

Nous avons été les pre­miers à uti­li­ser les modèles actuels pour faire com­prendre à une IA ce qu’est le Sars-CoV‑2 et, à par­tir de là, essayer d’avoir une détec­tion pré­coce des variants potentiel­lement à haut risque, en moyenne un mois et demi avant leur dési­gna­tion offi­cielle par l’OMS. C’est un sys­tème qu’on a vali­dé avec nos par­te­naires BioN­Tech par des tests labo. Ce qui a per­mis d’accélérer la réponse à la pan­dé­mie. Avec tou­jours cette volon­té d’innover et d’avoir un impact concret.

Notre mis­sion chez Ins­ta­Deep est d’accélérer l’avènement d’un monde où l’IA béné­fi­cie à tous. Nous avons ain­si ouvert dans plu­sieurs pays d’Afrique : Tuni­sie, Nige­ria, Afrique du Sud, on ouvre à Kiga­li au Rwan­da ; notre plus gros bureau est à Paris, nous sommes à Londres, à Ber­lin, à San Fran­cis­co, à Bos­ton et aux Émi­rats arabes unis, à Dubaï et à Abou Dha­bi. On veut que l’IA soit une oppor­tu­ni­té à tous les niveaux, que ce soit une amé­lio­ra­tion de com­pé­ti­ti­vi­té pour les entre­prises par­te­naires d’InstaDeep, mais aus­si pour les jeunes talents que nous déployons dans le monde. L’idée de cette implan­ta­tion géo­gra­phique assez large pour une équipe de 350 per­sonnes, c’est d’aller vrai­ment recru­ter les meilleurs, de créer une dream team.

Recrutes-tu dans tous les pays où tu t’implantes ?

Oui, abso­lu­ment. Le but, c’est vrai­ment d’offrir des pos­si­bi­li­tés nou­velles, notam­ment dans les pays où nous sommes des pion­niers de l’IA. Ce que j’aime le plus, c’est de mettre des gens de dif­fé­rentes cultures ensemble, sources de richesse et de grande créa­ti­vi­té. Et mettre nos jeunes talents fran­çais en contact avec des talents aux États-Unis, en Alle­magne, en Afrique a été une expé­rience extra­or­di­naire et très pro­duc­tive. Beau­coup de socié­tés venant des États-Unis ou d’Europe, qui consi­dèrent l’Afrique comme une source de com­pé­ti­ti­vi­té coût, vont rater ce type d’opportunités. Ce n’est pas facile de créer une équipe qui soit har­mo­nieuse entre le monde en déve­lop­pe­ment et le monde déve­lop­pé. Mais c’est jus­te­ment une de nos forces.

On a été capable de créer cette culture et de mon­trer qu’elle était très com­pé­ti­tive avec Ins­ta­Deep, qui est une des plus grandes aven­tures de l’histoire de l’IA en France et la plus grande de l’histoire de l’IA en Afrique aus­si. Mon­trer que, si on a le cou­rage de créer une socié­té posi­tive, on per­met une vraie méri­to­cra­tie où cha­cun a sa place, où le but est de faire des choses posi­tives qui impactent le monde, tout en étant un busi­ness per­for­mant. Ce n’est pas un rêve, c’est pos­sible et je pense que c’est impor­tant dans le monde d’aujourd’hui. Si on regarde le poten­tiel plu­tôt que les choses néga­tives, si on prend du recul avec un filtre his­to­rique, nous pou­vons dire que nous vivons dans la meilleure époque pos­sible, ou en tout cas la plus inté­res­sante s’agissant de celle de la mon­tée de l’IA.

Est-ce que tu peux nous parler de BioNTech et de son articulation avec InstaDeep ?

Après notre col­la­bo­ra­tion pen­dant la pan­dé­mie, quand Ins­ta­Deep a fait une levée de fonds record pour l’IA en France et en Afrique de 100 mil­lions de dol­lars, BioN­Tech ain­si que Google et d’autres par­te­naires tels que Deutsche Bahn ont tous rejoint le tour qui était mené par Alpha Intel­li­gence Capi­tal, AI Capi­tal, un fonds deep tech fran­çais et inter­na­tio­nal. Fina­le­ment, on a déci­dé de deve­nir une seule équipe à tra­vers l’acquisition qu’on a fina­li­sée fin juillet 2023, mais qu’on allait gar­der la marque Ins­ta­Deep, on allait conti­nuer à rayon­ner dans le domaine de l’IA tout en tra­vaillant de manière très proche avec BioN­Tech sur les grandes pro­blé­ma­tiques de l’IA en bio­lo­gie et notam­ment sur la créa­tion d’une pla­te­forme de nou­velle géné­ra­tion dans l’immuno­thérapie.

Karim aide des étudiants pendant AI Hack, un hackathon géant organisé en Tunisie.
Karim aide des étu­diants pen­dant AI Hack, un hacka­thon géant orga­ni­sé en Tuni­sie. © InstaDeep
“La formation à Polytechnique est extraordinairement bien adaptée pour devenir entrepreneur.”

L’originalité de cette aventure entrepreneuriale, n’est-ce pas d’être parti non de la tech mais de ce tandem initial avec Zohra ?

Quand on crée un pro­jet, ce sont les per­sonnes qui sont impor­tantes parce que, si les idées peuvent chan­ger, les per­sonnes ne changent pas. Mieux vaut créer un pro­jet sur la qua­li­té des per­sonnes, leur capa­ci­té à évo­luer, à tra­vailler dur, à apprendre à être des per­sonnes de confiance plu­tôt que sur un busi­ness plan qui va chan­ger dans un an. Pour être très sin­cère, quand nous avons démar­ré le pro­jet, Zoh­ra et moi, nous n’avons jamais pen­sé une seconde que ça pou­vait être le suc­cès que c’est deve­nu. Et, pour nous, ça a été une vraie leçon. C’est-à-dire que, si vous faites les choses pour les bonnes rai­sons, vous pou­vez aller beau­coup plus loin que tout ce que vous avez pu imaginer.

Par exemple, quand on consi­dère les pro­jets d’Elon Musk avec Tes­la, puis Spa­ceX, on voit que ce ne sont pas des pro­jets qu’il a fait pour l’argent. Lan­cer Spa­ceX, faire mieux que la Nasa, la Chine, la Rus­sie et l’Union euro­péenne réunies était quelque chose d’absolument fou, c’est un vrai tra­vail de pas­sion. Quelle était la pro­ba­bi­li­té que ça réus­sisse ? Elle était très faible, mais il a réus­si parce qu’il avait cette volon­té de faire des choses extra­or­di­naires et autres. On voit ça sou­vent par­mi les entre­preneurs qui ont fait des choses à très grande échelle. Ils ne sont pas moti­vés par des consi­dé­ra­tions finan­cières ou par du court terme. Croire en ses valeurs est vrai­ment important.

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Quels sont tes liens avec tes camarades polytechniciens ?

Mes meilleurs amis sont des anciens cama­rades de pro­mo, j’essaye d’assister régu­liè­re­ment aux évé­ne­ments sur le Pla­tâl et autres. J’ai aus­si la volon­té d’apporter quelque chose à l’École pour faire com­prendre aux jeunes poly­techniciens le poten­tiel que leur offrent leurs études. Sou­vent, quand on a réus­si l’X, on a ce sen­ti­ment de faire par­tie d’une élite et on craint par­fois de prendre des risques.

Le mes­sage que j’ai envie de pas­ser aux jeunes X, c’est que la for­ma­tion à Poly­technique est extra­ordinairement bien adap­tée pour deve­nir entre­pre­neur, pour faire par­tie d’une start-up d’élite, dans l’IA, mais aus­si dans les inno­va­tions deep tech qui sont en train d’avoir lieu. Parce qu’on passe sans cesse d’une chose à une autre, avec une grande obli­ga­tion d’acquisition de savoir, de com­pé­ti­ti­vi­té. Et cette flexi­bi­li­té, cette agi­li­té intel­lec­tuelle, elle est essen­tielle pour rele­ver les défis d’une start-up, qui sont par nature très incer­tains, très variables. Il faut être capable de tout faire : un jour faire de la science, le len­de­main aller expli­quer un pro­jet à un par­te­naire busi­ness, le sur­len­de­main, mener une ini­tia­tive éco­système qui n’a rien à voir, et de faire tout ça très bien. Et je trouve que le par­cours de l’X est très adap­té à ce genre de challenge.

Qu’est-ce que tu gardes de ton passage à l’École ?

La qua­li­té des cours et des pro­fes­seurs était extra­or­di­naire. Je me sou­viens par exemple de Pierre-Louis Lions qui venait d’avoir la médaille Fields et de son cours d’optimisation en maths appli­quées. Mais sur­tout j’ai ado­ré l’aspect plu­ri­dis­ci­pli­naire et le fait qu’il y avait une très forte cohé­sion. J’ai sou­vent retrou­vé des cama­rades par­tout dans le monde, que ce soit à New York, à Londres ou ailleurs, avec cet esprit de faire des choses formidables.

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