© Air Liquide _ Pierre-Emmanuel RASTOIN

« L’hydrogène ne fera pas tout, mais sans l’hydrogène, nous ne réussirons pas la transition écologique »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Philippe BOUCLY (X72)

Alors que la tran­si­tion éner­gé­tique et la course à la décar­bo­na­tion de nos socié­tés se pour­suit, le rôle stra­té­gique de l’hydrogène ne fait doré­na­vant plus aucun doute. Phi­lippe Bou­cly (X72), Pré­sident de France Hydro­gène, dresse pour nous un état des lieux de la filière hydro­gène fran­çaise et décrypte pour nous les enjeux et les oppor­tu­ni­tés notam­ment en termes de sou­ve­rai­ne­té et de réindustrialisation. 

Quelles sont les missions de France Hydrogène ? 

France Hydro­gène est une asso­cia­tion qui regroupe tous les acteurs de l’hydrogène en France. Nous étions 60 en 2016, 120 en 2019 et aujourd’hui, nous comp­tons plus de 460 membres, par­mi les­quels, on retrouve des grands groupes de l’énergie (Tota­lE­ner­gies, EDF, Engie, Air Liquide…), de la mobi­li­té (Alstom, Miche­lin, Forvia/Faurecia, Plas­ti­cOm­nium, SNCF, RATP, Keo­lis, Trans­dev…), ain­si que des PME, des ETI et des start-up, mais aus­si des labo­ra­toires de recherche qui tra­vaillent sur l’hydrogène en France. France Hydro­gène a la par­ti­cu­la­ri­té de ne pas être une fédé­ra­tion pro­fes­sion­nelle. Elle compte par­mi ses adhé­rents des métro­poles, des agglo­mé­ra­tions, des com­mu­nau­tés de com­munes, des pôles de com­pé­ti­ti­vi­té, des syn­di­cats d’énergie, des syn­di­cats de trans­ports…, et toutes les régions de France métro­po­li­taine, car le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène se fera au niveau local, dans les ter­ri­toires. Récem­ment, nous avons créé deux nou­velles délé­ga­tions régio­nales, Antilles-Guyane et Corse. 

Notre prin­ci­pale mis­sion est de por­ter la voix de l’hydrogène en France, de repré­sen­ter la filière, de don­ner de la visi­bi­li­té aux enjeux et aux oppor­tu­ni­tés rela­tifs à l’hydrogène et d’agir pour le déploie­ment de l’hydrogène. Nos actions sont ain­si gui­dées par trois maîtres-mots forts : 

  • Connaître : notre pôle d’expertise est en veille et mène des recherches de manière per­ma­nente pour appor­ter une infor­ma­tion fiable rela­tive à la recherche, aux avan­cées tech­no­lo­giques, mais aus­si au déve­lop­pe­ment des pro­jets en France, en Europe et dans le monde ;
  • Dif­fu­ser : notre pôle com­mu­ni­ca­tion est quant à lui en charge de dif­fu­ser ces informations ;
  • Influen­cer : cette mis­sion de lob­bying est por­tée par notre pôle de rela­tions ins­ti­tu­tion­nelles dont le rôle est notam­ment d’anticiper les évo­lu­tions légis­la­tives et régle­men­taires en France et en Europe pour pro­mou­voir un cadre pro­pice au déve­lop­pe­ment de l’hydrogène. Dans ce cadre actuel­le­ment, nous sommes mobi­li­sés afin que l’énergie nucléaire soit recon­nue comme une source d’énergie valable, au même titre que l’électricité renou­ve­lable, pour pro­duire de l’hydrogène.

L’hydrogène est considéré comme un vecteur stratégique de la transition énergétique, sans lequel nous risquons de voir cette transition échouer. Pourquoi et qu’en est-il réellement ?

Actuel­le­ment, l’électricité repré­sente en moyenne 20 % de la consom­ma­tion finale d’énergie. En France, elle repré­sente plu­tôt 25 % compte tenu du chauf­fage élec­trique. Selon les dif­fé­rents modèles de pros­pec­tive, l’électricité devrait repré­sen­ter 50 à 60 % de la consom­ma­tion à l’horizon 2050. D’autres moyens doivent donc être mobi­li­sés pour cou­vrir les 40 à 50 % res­tants. Par­mi ceux-ci, on retrouve la cha­leur renou­ve­lable et les gaz renou­ve­lables, dont l’hydrogène qui est appe­lé à cou­vrir 10 à 20 % des besoins. L’hydrogène a, par ailleurs, un rôle impor­tant à jouer dans la décar­bo­na­tion des sec­teurs et des indus­tries dits « hard-to-abate », c’est-à-dire ceux qui sont dif­fi­ciles voire impos­sibles à décar­bo­ner en ayant recours à l’électrification. Par­mi ces indus­tries, on retrouve bien évi­dem­ment celles qui uti­lisent l’hydrogène comme matière pre­mière. C’est le cas pour la pro­duc­tion de l’ammoniac qui est fabri­qué à par­tir d’azote de l’air et d’hydrogène qui doit donc être pro­duit « pro­pre­ment » pour décar­bo­ner cette indus­trie. On peut éga­le­ment citer la pro­duc­tion de l’acier qui dégage deux tonnes de gaz car­bo­nique par tonne d’acier pro­duite. Pour faire de l’acier propre, il faut ain­si rem­pla­cer le char­bon par de l’hydrogène.

En paral­lèle, l’hydrogène a aus­si un rôle à jouer dans la décar­bo­na­tion de la mobi­li­té lourde (camions, bus, bateaux, avions, trains) et de la mobi­li­té inten­sive avec toute la logis­tique du der­nier kilo­mètre et les taxis. 

Dans cette course à la décar­bo­na­tion, l’hydrogène ne pour­ra pas solu­tion­ner tous les pro­blèmes. Tou­te­fois, sans hydro­gène, il est cer­tain que nous ne réus­si­rons pas la tran­si­tion écologique.

Encore faut-il que l’hydrogène soit décarboné…

En effet ! Selon les ana­lyses de cycle de vie, le nucléaire pro­duit 8 grammes de gaz car­bo­nique par kilo­watt­heure ; l’éolien en pro­duit 14 à 16 grammes par kilo­watt­heure, selon que la pro­duc­tion est onshore ou off­shore ; le pho­to­vol­taïque en pro­duit 20 à 40 grammes par kilo­watt­heure dans les condi­tions actuelles… À par­tir de ces don­nées, il est évident qu’il n’y a aucune rai­son objec­tive d’écarter l’électricité nucléaire pour pro­duire de l’hydrogène.

Ce débat est aujourd’hui au cœur des dis­cus­sions au sein de la Com­mis­sion Euro­péenne à Bruxelles. En effet, les textes euro­péens tels qu’ils ont été conçus scellent un lien indis­so­ciable entre la décar­bo­na­tion de l’économie, les éner­gies renou­ve­lables et, in fine, l’électricité renou­ve­lable. Sur ce sujet, se des­sinent actuel­le­ment deux groupes. Le pre­mier groupe com­po­sé de l’Allemagne, l’Autriche, le Luxem­bourg et le Dane­mark ne veut prendre en compte que les éner­gies renou­ve­lables pour la pro­duc­tion de l’hydrogène. Le second groupe est la coa­li­tion, l’« Alliance du Nucléaire », qui a récem­ment vu le jour à l’initiative de la France. Cette alliance ras­semble 14 pays (la France, la Bel­gique, la Fin­lande, les Pays-Bas, la Croa­tie, la Tchè­quie, la Slo­va­quie, la Pologne, la Hon­grie, la Rou­ma­nie, la Slo­vé­nie, l’Estonie, la Suède, la Bul­ga­rie), ain­si que l’Italie, qui a un sta­tut d’invité et le Royaume-Uni, qui est observateur.

“Selon les analyses de cycle de vie, le nucléaire produit 8 grammes de gaz carbonique par kilowattheure ; l’éolien en produit 14 à 16 grammes par kilowattheure, selon que la production est onshore ou offshore ; le photovoltaïque en produit 20 à 40 grammes par kilowattheure dans les conditions actuelles… À partir de ces données, il est évident qu’il n’y a aucune raison objective d’écarter l’électricité nucléaire pour produire de l’hydrogène.”

Face à l’urgence de décar­bo­ner nos socié­tés et aux ques­tions d’acceptabilité que posent les renou­ve­lables et plus par­ti­cu­liè­re­ment l’éolien, un chan­ge­ment d’attitude vis-à-vis du nucléaire est aujourd’hui indispensable. 

Les quan­ti­tés d’hydrogène « propres » néces­saires sont telles qu’on ne peut se per­mettre d’écarter aucune piste tech­no­lo­gique pour pro­duire de l’hydrogène, comme le recours à la bio­masse avec des pro­cé­dés de pyro­ga­zéi­fi­ca­tion ou de ther­mo­lyse. On peut notam­ment citer le pro­cé­dé HYNOCA®, déve­lop­pé par la socié­té Haff­ner, qui per­met de pro­duire de l’hydrogène renou­ve­lable par ther­mo­lyse de biomasse. 

Aujourd’hui, disposons-nous des capacités techniques, technologies, opérationnelles et humaines en France pour développer une filière hydrogène ?

En matière d’hydrogène, la France est dans le pelo­ton de tête. En matière de recherche, de déve­lop­pe­ment et d’innovation, selon une ana­lyse de l’Office euro­péen des bre­vets por­tant sur les bre­vets rela­tifs à l’hydrogène, l’Europe a dépo­sé 28 % des bre­vets mon­diaux, dont 6 % sont des bre­vets fran­çais. Elle est sui­vie par le Japon (24%) et les États-Unis (20%). En paral­lèle, la France couvre tous les maillons de la chaîne de valeur de l’hydrogène et notam­ment : les élec­tro­ly­seurs (McPhy, John Cocke­rill, Elo­gen, Gen­via, Gen-Hy), la pile à com­bus­tible (la joint-ven­ture Sym­bio entre Miche­lin et Fau­re­cia…), les réser­voirs (Plas­tic Omnium, Fau­re­cia…), les véhi­cules (Stel­lan­tis, Hyvia, Alstom)… 

Sur le plan opé­ra­tion­nel, la France peut comp­ter sur ses grands groupes pour déployer et mettre en œuvre des pro­jets, notam­ment Air Liquide, EDF, ENGIE, Tota­lE­ner­gies, ou encore Tech­nip Ener­gies, ain­si que sur des ingé­nie­ries spé­cia­li­sées, comme AXENS, filiale de l’IFP…

En termes de capa­ci­tés humaines, nous avons mené en 2021 une étude qui a mis en évi­dence que la filière hydro­gène implique plus de 80 métiers, dont près d’une ving­taine sont déjà en ten­sion. Ce tra­vail a été pour­sui­vi dans le cas du pro­jet DEF’HY en par­te­na­riat avec des orga­nismes spé­cia­li­sés dans l’emploi afin d’identifier les for­ma­tions exis­tantes ain­si que les lacunes et pro­po­ser des amé­lio­ra­tions à la situa­tion actuelle. On compte actuel­le­ment à peu près 6 000 emplois dans la filière hydro­gène et, à hori­zon 2030, l’objectif est d’atteindre plus de 100 000 emplois.

Avons-nous d’ores et déjà des projets déployés sur le territoire national ?

En 2019, l’ADEME a lan­cé des appels à pro­jets autour de l’hydrogène. Un récent rap­port a, par ailleurs, fait le point sur ces pro­jets. Sur 138 pro­jets pré­sen­tés, 46 ont été sou­te­nus, soit une aide totale de 320 mil­lions d’euros pour un inves­tis­se­ment glo­bal de 1,2 mil­liard, ce qui, compte tenu des quan­ti­tés pro­duites, repré­sente un sou­tien de 208 euros par tonne de car­bone évi­tée. Cela va notam­ment per­mettre le déve­lop­pe­ment de 81 méga­watts d’électrolyse, contre 8,2 méga­watts actuellement. 

En termes de pro­jets, on peut citer la socié­té Hyset­Co, qui a une flotte de plus de 400 taxis qui fonc­tionnent à l’hydrogène et qui s’est récem­ment dotée d’une sta­tion à la Porte de Saint-Cloud à Paris, qui a la capa­ci­té de pro­duire 1 tonne d’hydrogène par jour. Tou­jours dans le domaine de la mobi­li­té, 33 bus à l’hydrogène cir­culent en France, dont 8 à Pau, 5 à Auxerre, 7 à Ver­sailles, 5 à Tou­louse, ain­si que 6 bus opé­rés par le Syn­di­cat mixte des trans­ports Artois-Gohelle… L’objectif est d’avoir 1 000 bus en cir­cu­la­tion à hori­zon 2030. Sont aus­si en cir­cu­la­tion une benne à ordures à hydro­gène, des remorques fri­go­ri­fiques déve­lop­pées par la socié­té CHEREAU… On peut aus­si citer la socié­té Hyli­ko qui déve­loppe un concept très inté­res­sant de « Trucks As A Ser­vice », un ser­vice com­plet de loca­tion de camions et de four­ni­ture d’hydrogène moyen­nant un for­fait men­suel. Pour accé­lé­rer le déploie­ment de l’hydrogène dans la mobi­li­té lourde et notam­ment du côté du camion, une coa­li­tion s’est consti­tuée afin de déve­lop­per le rétro­fit, une démarche qui consiste à rem­pla­cer le moteur die­sel du camion par un sys­tème hydro­gène (des réser­voirs, une pile à com­bus­tible et une batterie)…

La structuration et le développement d’une filière hydrogène française et européenne représente par ailleurs un enjeu en matière de réindustrialisation. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

Les tech­no­lo­gies de l’hydrogène res­tent chères. Pour accé­lé­rer leur déploie­ment, un sou­tien finan­cier de la part des États est néces­saire. À par­tir de ce constat, l’hydrogène a été recon­nu comme IPCEI, (Impor­tant Pro­ject of Com­mon Euro­pean Inter­est) afin de faci­li­ter le finan­ce­ment par les États de cham­pions natio­naux et de pro­jets de grande enver­gure, comme les giga-fac­to­ries qui vont être déve­lop­pées par les fabri­cants d’électrolyseurs (McPhy, John Cocke­rill, Elo­gen, Gen­via) ; de piles à com­bus­tible, notam­ment dans la région de Lyon (Sym­bio) et d’Aix-en-Provence (Hélion) ; ou encore de réser­voirs, comme à Venette près de Com­piègne pour Plas­tic Omnium… Stel­lan­tis a pré­vu d’installer une ligne de pro­duc­tion de véhi­cules uti­li­taires légers à hydro­gène à Hor­dain, dans le Nord, près de Valen­ciennes, avec l’objectif de pro­duire 5 000 véhi­cules par an dès 2024. 

Dans cette démarche de réin­dus­tria­li­sa­tion, les centres de recherche sont aus­si très actifs avec en pre­mière ligne le CEA et le CNRS. On peut, à cet égard, men­tion­ner que le CEA est action­naire de Gen­via aux côtés de Schlum­ber­ger, du cimen­tier Vicat, VINCI ou encore l’Agence régio­nale éner­gie cli­mat d’Occitanie. Gen­via a recon­ver­ti le site de l’usine Came­ron de Schlum­ber­ger de Béziers, qui fabri­quait des vannes pour l’industrie Oil & Gas, pour lan­cer une pre­mière ligne de pro­duc­tion de stacks pour l’électrolyse haute tem­pé­ra­ture. En France, nous avons des cham­pions natio­naux qui font œuvre de pion­nier : Stel­lan­tis et Renault au tra­vers de sa filiale Hyvia avec Plug Power sont les seuls au monde à pro­duire des véhi­cules uti­li­taires légers à hydro­gène, de même Alstom avec son train à hydrogène !

Quels sont, selon vous, les enjeux et les freins qui persistent ?

Le coût, en pre­mier lieu ! Aujourd’hui, il faut pas­ser à l’échelle et mas­si­fier la pro­duc­tion pour capi­ta­li­ser sur les gains qui seront géné­rés par la mas­si­fi­ca­tion. La réduc­tion des coûts passe, en effet, par la mutua­li­sa­tion des usages et de la pro­duc­tion mas­sive d’hydrogène. Pour ce faire, une des prin­ci­pales pistes est le déploie­ment d’écosystèmes ter­ri­to­riaux. En 2021, France Hydro­gène avait mené une étude en ce sens et avait iden­ti­fié 7 bas­sins majeurs de déve­lop­pe­ment de l’hydrogène : les ports (Dun­kerque, Saint-Nazaire, Fos), les val­lées (Axe Seine, val­lée du Rhône) et les zones fron­ta­lières avec l’Espagne, la Bel­gique et l’Allemagne. Le reste du ter­ri­toire étant cou­vert par une infra­struc­ture de recharge pen­sée pour garan­tir la dis­tri­bu­tion de l’hydrogène et four­nir un confort d’utilisation aux uti­li­sa­teurs. En paral­lèle, il faut accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment de l’offre indus­trielle fran­çaise et les giga factories. 

Dans cette conti­nui­té se pose la ques­tion du prix de l’électricité : afin de pro­po­ser des tarifs acces­sibles pour la pro­duc­tion d’hydrogène par élec­tro­lyse, il est néces­saire de revoir l’architecture du mar­ché de l’électricité en Europe (le mar­ket desi­gn) et pri­vi­lé­gier les contrats à long terme, comme les PPA (Power Pur­chase Agree­ment) qui sont actuel­le­ment recom­man­dés pour le renou­ve­lable et dont l’utilisation a voca­tion à être éten­due à la pro­duc­tion d’électricité nucléaire. La capa­ci­té à garan­tir le prix est cri­tique : sans visi­bi­li­té sur le prix de l’hydrogène et sa com­pé­ti­ti­vi­té, rares seront les indus­triels qui pren­dront le risque d’investir dans le déve­lop­pe­ment de la filière. 

En paral­lèle, il y a un tra­vail de fond à mener pour faire évo­luer les légis­la­tions et les régle­men­ta­tions. À l’heure actuelle, l’hydrogène est encore trop sou­vent consi­dé­ré comme un pro­duit chi­mique. Or, il doit doré­na­vant être consi­dé­ré comme un vec­teur éner­gé­tique. Sur ce sujet, il y a eu des avan­cées en France puisque l’hydrogène a fait son entrée dans le Code de l’énergie. En paral­lèle, une réflexion doit être ini­tiée sur les rubriques ICPE (Ins­tal­la­tion Clas­sée pour la Pro­tec­tion de l’Environnement) et sur l’évolution des seuils. Au-delà de l’adaptation de la régle­men­ta­tion, il y a éga­le­ment un tra­vail à four­nir pour com­plé­ter et pal­lier des manques, dans le flu­vial ou le mari­time par exemple. 

Pour accélérer le développement, quelles sont les propositions de France Hydrogène ? 

Il nous faut sor­tir des posi­tions dog­ma­tiques et de cette logique qui veut que la décar­bo­na­tion passe uni­que­ment par l’électricité renou­ve­lable afin de per­mettre à chaque État d’explorer toutes les pistes pour atteindre ses objec­tifs en matière de décar­bo­na­tion, puis de neu­tra­li­té car­bone : bio­masse, nucléaire… En paral­lèle, il nous faut pour­suivre les efforts en matière de R&D et d’innovation pour que ces dif­fé­rentes solu­tions gagnent en matu­ri­té sur le plan tech­no­lo­gique afin ensuite de faci­li­ter leur pas­sage à l’échelle et leur indus­tria­li­sa­tion. C’est notam­ment le cas pour la ther­mo­lyse, la pyro­ga­zéi­fi­ca­tion, la plas­ma­lyse du méthane qui sont des tech­no­lo­gies émer­gentes. Au-delà, il ne faut pas oublier que l’hydrogène existe à l’état natu­rel. Jusqu’à pré­sent, cette piste a peu été explo­rée et des gise­ments d’hydrogène natu­rel pour­raient émer­ger. Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, il est éga­le­ment impor­tant de se regrou­per et de for­mer des coa­li­tions pour béné­fi­cier d’effets de taille et de financements. 

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs pour conclure ? 

Nous devons tous prendre conscience des ordres de gran­deur et des tem­po­ra­li­tés aux­quels nous sommes confron­tés. Notre situa­tion éner­gé­tique actuelle est le fruit de la révo­lu­tion indus­trielle du XIXe siècle et de l’exploitation du char­bon, du pétrole et du gaz natu­rel. Plus de deux siècles plus tard, nous devons en moins de trois décen­nies, rem­pla­cer ces éner­gies fos­siles qui repré­sentent 80 % de nos besoins par des alter­na­tives propres. 

Au-delà, le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène est aus­si un sujet d’ordre géo­po­li­tique et de réin­dus­tria­li­sa­tion. Que ce soit au plan indus­triel ou en matière de four­ni­ture d’énergie, nos socié­tés ne doivent pas repro­duire le modèle de la dépen­dance pas­sée aux éner­gies fos­siles et doivent abso­lu­ment s’affranchir de nou­velles dépen­dances. En effet, nous sommes face aux pré­mices d’une nou­velle géo­po­li­tique éner­gé­tique avec des pays où l’abondance d’énergies renou­ve­lables va leur per­mettre de pro­duire un hydro­gène à faible coût. Des pays qui jusqu’à pré­sent étaient impor­ta­teurs d’énergie (Chi­li, Maroc, Mau­ri­ta­nie, Nami­bie,…) ou des pays expor­ta­teurs de pétrole et gaz qui se tournent vers l’hydrogène et ses déri­vés (pays du Golfe, Aus­tra­lie…), ain­si que des pays qui vont cher­cher à asseoir leur lea­der­ship indus­triel, comme la Chine l’a fait sur le mar­ché des pan­neaux solaires. 

Plus que jamais, l’hydrogène repré­sente un enjeu de sou­ve­rai­ne­té éner­gé­tique, éco­no­mique et tech­no­lo­gique ain­si qu’une oppor­tu­ni­té qu’il nous faut impé­ra­ti­ve­ment saisir !

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