Valérie de Crécy-Lagard

Valérie de Crécy-Lagard (X84) Géniale et chaleureuse

Dossier : TrajectoiresMagazine N°778 Octobre 2022
Par Pierre LASZLO

Notre cama­rade Valé­rie de Cré­cy-Lagard, après un début de car­rière à Paris, dirige à Gai­nes­ville (Flo­ride) une équipe axée sur l’informatique géno­mique. Elle uti­lise la géno­mique com­pa­ra­tive et fonc­tion­nelle pour iden­ti­fier la fonc­tion bio­chi­mique des pro­duits des gènes.

Elle est impres­sion­nante d’énergie men­tale et de fougue. Une force de la nature.
Son mari, Eudes de Cré­cy, d’une très ancienne famille fran­çaise, inven­teur et indus­triel, et elle sont ins­tal­lés en Flo­ride, à Gai­nes­ville. L’université y est très grande, 50 000 étu­diants. Deux enfants, une fille en inter­nat à l’université Van­der­bilt, dans le Ten­nes­see ; et un fils, dont la mémoire excep­tion­nelle lui per­met d’à peine étudier.

De l’intérêt d’une enfance cosmopolite

Valé­rie de Cré­cy-Lagard, 58 ans en 2022, eut une enfance cos­mo­po­lite. Son père, diplo­mate, exer­ça entre autres à Londres, Buca­rest et Milan. Elle y sui­vit l’enseignement de lycées fran­çais. En par­ti­cu­lier, elle ché­rit le sou­ve­nir de deux ensei­gnantes de fran­çais et de lit­té­ra­ture à Milan : Mmes Pel­le­gri­ni et Tar­ta­ra. Le séjour lon­do­nien lui offrit son bilin­guisme ; elle lui est rede­vable avec le fran­çais de sa réus­site au concours d’entrée à l’X, qu’elle pré­pa­ra à Paris, au lycée Hen­ri-IV. Elle y avait déjà sui­vi les cours de ter­mi­nale, impres­sion­née par ceux de sa pro­fes­seure de bio­lo­gie : sa voca­tion naissait.

Sa sec­tion spor­tive à l’X fut le pentath­lon, faute d’escrime, pas encore offerte aux filles. Durant son ser­vice natio­nal, à Mont-de-Mar­san, elle fut même cham­pionne de France mili­taire à l’épée. Dia­lo­guer avec elle, c’est comme l’affronter en un assaut d’escrime ! À pré­sent, elle s’adonne au ten­nis, qu’elle adore. Je vois en elle une émule et conti­nua­trice de Jean Boro­tra (X1920).

Son pas­sage à Palai­seau ? Elle y par­ti­ci­pa, je sup­pose avec un entrain conta­gieux, à une cam­pagne de Kès. Ten­tée par la chi­mie, elle y fit de la RMN (réso­nance magné­tique nucléaire) avec Jean-Yves Lal­le­mand (X62), mais se lais­sa séduire par la bio­chi­mie, qu’enseignait Syl­vain Blanquet.

De Paris à la Floride

Sa car­rière de géné­ti­cienne s’ouvrit à l’Institut Pas­teur et à l’École nor­male supé­rieure, dans les labo­ra­toires d’Antoine Dan­chin – encore aujourd’hui en acti­vi­té, j’eus la joie de l’apprendre. Elle lui doit sa for­ma­tion, mais sur­tout à Susan Got­tes­man, des Natio­nal Ins­ti­tutes of Health à Bethes­da. « Au retour des US, j’ai tra­vaillé chez Rhône-Pou­lenc à Vitry-sur-Seine, avant d’être recru­tée à l’Institut Pas­teur comme char­gée de recherche. » Puis elle par­tit pour les États-Unis, d’abord à l’Institution Scripps, à San Die­go ; puis à Gai­nes­ville, où elle com­men­ça comme assis­tant pro­fes­sor et où elle est à pré­sent full pro­fes­sor.

“La science se fait dans et par l’écriture.”

Valé­rie de Cré­cy-Lagard est deve­nue experte dans la méca­nique de pré­ci­sion qu’est l’obtention de contrats de recherche, et dans la recherche pro­pre­ment dite par sa culture en géno­mique et par ses magis­trales qua­li­tés d’écriture. C’est un gros atout, car la science – on n’aurait garde de l’oublier – se fait dans et par l’écriture, outre la curio­si­té, l’imagination, l’érudition, le tra­vail assi­du, la volon­té d’innover et l’esprit cri­tique (en oublierais-je ?).

Une pionnière des fonctions géniques

Valé­rie de Cré­cy-Lagard dirige à Gai­nes­ville un petit groupe, de six à huit per­sonnes seule­ment, axé sur l’informatique géno­mique. Ses publi­ca­tions expriment un beau talent de la for­mule mémo­rable – déter­mi­nant aux États-Unis où un scien­ti­fique doit savoir s’y vendre, au sens jour­na­lis­tique : elle y excelle. Une autre qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle, peut-être déve­lop­pée par sa for­ma­tion poly­tech­ni­cienne, est son apti­tude à fédé­rer des col­lègues du monde entier sur des ques­tions d’intérêt géné­ral en bio­chi­mie, et à les faire col­la­bo­rer en de belles syn­thèses de leurs tra­vaux respectifs.

Elle œuvre à user de la géno­mique com­pa­ra­tive et fonc­tion­nelle pour iden­ti­fier la fonc­tion bio­chi­mique des pro­duits des gènes. Ain­si, c’est une pion­nière dans l’art d’établir les fonc­tions du vaste éven­tail de gènes nou­vel­le­ment décou­verts, dans toutes les formes vivantes : bac­té­ries, archées, plantes, ani­maux, cham­pi­gnons et protistes.

C’est une ardente, à la parole forte et aisée, car d’une impres­sion­nante créativité.


Pour en savoir plus : 

  • David Locke, Science as Wri­ting, Yale Uni­ver­si­ty Press, New Haven CT, 1992. 
  • Bio­syn­the­sis and func­tion of post­trans­crip­tio­nal modi­fi­ca­tions of trans­fer RNAs. El Yacou­bi B, Bailly M, de Cré­cy-Lagard V. Annual Review of Gene­tics, 2012.
    Vol. 46:69–95.
  • ‘Unk­nown’ pro­teins and ‘orphan’ enzymes : the mis­sing half of the engi­nee­ring parts list – and how to find it. Han­son AD, Pri­bat A, Wal­ler JC, de Cré­cy-Lagard V. Bio­chem J. 2009 Dec 14 ; 425(1): 1–11.
  • Mat­ching tRNA modi­fi­ca­tions in humans to their known and pre­dic­ted enzymes, Valé­rie de Cré­cy-Lagard et al., Nucleic Acids Research, 2019, 47(5), 2143–2159.
  • Dis­co­ve­ry of novel bac­te­rial queuine sal­vage enzymes and path­ways in human patho­gens. Yuan Y, Zal­lot R, Grove TL, Payan DJ, Mar­tin-Vers­traete I, Šepić S, Balam­kun­du S, Nee­la­kan­dan R, Gadi VK, Liu CF, Swair­jo MA, Dedon PC, Almo SC, Gerlt JA, de Cré­cy-Lagard V. Proc Natl Acad Sci USA. 2019 Sep 17, 116(38), 19126–19135.

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