Éric Willemenot a créé Move’n seeÉric Willemot (97) a créé Move’n see

Move’n see, le robot caméraman

Dossier : TrajectoiresMagazine N°765 Mai 2021
Par Hervé KABLA (84)

En 2011 Éric Wille­me­not (90) a créé Move’n see, une start-up qui a déve­lop­pé un robot camé­ra­man des­ti­né à faci­li­ter l’usage de la vidéo en fil­mant des heures sans cadreur. Et pas seule­ment en sport, mais éga­le­ment pour les confé­rences, les céré­mo­nies, les répé­ti­tions de spec­tacle et de danse, les vlog­gers, les jour­na­listes, les télé­vi­sions… La start-up exporte 94 % de sa production !

Quelle est l’activité de Move’n see ? 

Nous fai­sons des robots camé­ra­mans (à 800 euros pièce, donc à un tarif assez acces­sible) qui résolvent le pro­blème du camé­ra­man dont on ne dis­pose pas tou­jours. Trois quarts d’entre eux sont uti­li­sés dans le cadre d’entraînements de spor­tifs, et le quart res­tant pour la scène : confé­ren­ciers, pro­fes­seurs et pas­teurs évan­gé­liques. Nos robots camé­ra­mans sont fabri­qués en France et nous en expor­tons la majeure par­tie (94 % très exac­te­ment), c’est assez excep­tion­nel pour le souligner.

Comment t’est venue l’idée ?

Tout d’abord par mon back­ground : je suis ingé­nieur, depuis tou­jours très spor­tif, et pas­sion­né de vidéo depuis l’adolescence. Ensuite par un évé­ne­ment déclen­cheur : dix ans de para­chu­tisme, domaine où la vidéo est uti­li­sée de façon très appro­fon­die. Puis en 2007 j’ai quit­té Paris et je me suis ins­tal­lé près de Brest, où j’ai débu­té le surf en pre­nant des cours où je n’étais jamais fil­mé. J’ai alors com­men­cé une réflexion très floue qui a duré trois ans. Un matin de sep­tembre 2010, je me suis réveillé avec l’idée d’un ins­tru­ment qui filme tout seul depuis un tré­pied en orien­tant la camé­ra et en la fai­sant zoo­mer sans aucune inter­ven­tion humaine.

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Je suis le seul fon­da­teur. Après l’X, j’ai fait un DEA d’astrophysique, puis une thèse dans le domaine de l’instrumentation scien­ti­fique spa­tiale, sui­vie de trois années à l’Onera comme chef de pro­jet sur un ins­tru­ment scien­ti­fique pour un satel­lite. En 2000 j’ai été embau­ché dans une PME (Pho­to­ne­tics qui est ensuite deve­nue Ixsea, puis Ixblue) pour faire à peu près la même chose, mais dans l’industrie cette fois-ci. Plus tard j’ai eu la chance de pou­voir y diri­ger le dépar­te­ment R & D avec 45 per­sonnes, puis un site indus­triel à Brest et un autre à Lan­nion. Je les ai quit­tés en 2010 et j’ai créé Move’n see en mars 2011, après six mois de préparation.

Qui sont les concurrents ? 

Il n’y en avait abso­lu­ment aucun lors de la créa­tion. Et c’était très amu­sant car cer­tains de mes inter­lo­cu­teurs me disaient alors : « Ça ne mar­che­ra pas, un tel ins­tru­ment ne peut pas exis­ter, la preuve c’est que ça n’existe pas. » Puis dès 2012 les concur­rents ont com­men­cé à émer­ger, et heu­reu­se­ment, car lorsque l’on est seul sur un mar­ché c’est qu’il n’y a pas de mar­ché. Les deux prin­ci­paux concur­rents sont des start-up amé­ri­caines appa­rues en 2012. On se « tire la bourre » depuis lors et on s’en sort très bien, puisqu’à titre d’exemple la Fédé­ra­tion équestre amé­ri­caine a choi­si de s’équiper avec nos ins­tru­ments qui sont désor­mais pour eux un « outil offi­ciel d’entraînement », ce qui n’est pas le cas des concur­rents qui sont pour­tant sur place aux USA.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Un pre­mier robot qui ne fonc­tionne qu’en exté­rieur sor­ti en 2013, puis le lan­ce­ment du Pixio qui marche aus­si en indoor en 2015, au CES Las Vegas pour lui don­ner immé­dia­te­ment le maxi­mum d’impact inter­na­tio­nal. Plus récem­ment, c’est une levée de fonds début 2020 pour étendre notre offre aux 200 sports avec des ser­vices pure­ment numé­riques et un robot à base d’intelligence arti­fi­cielle dédié aux sports col­lec­tifs comme le foot, le hand, le rug­by, le bas­ket, le hockey, etc.

Qu’est-ce que la vidéo change dans la pratique du sport ? 

Le pre­mier objec­tif de nos clients est d’avoir plus de vidéo pour amé­lio­rer les débrie­fings des entraî­ne­ments et ain­si pro­gres­ser beau­coup plus vite. Les autres usages sont en géné­ral la com­mu­ni­ca­tion : blogs vidéo (appe­lés vlogs), influen­ceurs, spor­tifs spon­so­ri­sés qui doivent com­mu­ni­quer…, et le busi­ness, par exemple la vente de che­vaux à dis­tance, la vente de cours en ligne, l’autopromotion…

Et dans la retransmission d’événements sportifs, est-ce la même chose ? 

Non, nos robots sont pour l’instant peu uti­li­sés dans ce contexte car ils ont été conçus pour être légers et trans­por­tables, ce qui conduit à cer­taines limites, comme l’autonomie des bat­te­ries (trois heures), le poids assez limi­té des camé­ras uti­li­sables (1 kg) et sur­tout la néces­si­té d’un tag radio por­té par le ou les spor­tifs, ce qui com­plique l’utilisation sur des évé­ne­ments. Mais cela va chan­ger avec notre nou­velle géné­ra­tion de robots dédiée aux sports col­lec­tifs, car cette fois il n’y aura pas de tag radio à porter.

Pourra-t-on un jour se passer de coach ou d’entraîneur ?

On consi­dère en géné­ral qu’avoir plus de vidéo ne rem­place pas le coa­ching. La vidéo est un outil de plus, qui per­met d’accélérer la pro­gres­sion. Mais cette pro­gres­sion conserve les mêmes limites : si on est seul, on but­te­ra sur ses propres limites, alors que si on a un coach on ira beau­coup plus loin. Et, si le coach uti­lise bien la vidéo, alors c’est le som­met puisque non seule­ment on va plus loin, mais on y va plus vite.

Tu pratiques de nombreux sports extrêmes, qu’est-ce que cela t’apporte dans la conduite de ton entreprise ? 

Trois choses pro­ba­ble­ment : un esprit d’équipe qui s’est déve­lop­pé en par­tie grâce au sport et que je consi­dère comme un enri­chis­se­ment, un bien-être phy­sique qui influence le men­tal, et une règle simple apprise en para­chu­tisme et que j’applique en entre­prise : un risque faible d’un pro­blème grave ne doit être mépri­sé que si son coût de trai­te­ment est hors d’atteinte.

Cela fait presque dix années que ta société a été créée. Toujours la même niaque ? 

Oui, car les jour­nées ne se res­semblent pas et nous sommes tou­jours en phase d’innovation et de construc­tion de choses nou­velles. Je répète tou­jours que l’entreprise est trans­for­mée tous les six mois, et pour l’instant ça fait dix ans que ça dure.

Poster un commentaire