Wagner : La Tétralogie

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°749 Novembre 2019
Par Marc DARMON (83)

Metro­po­li­tan Ope­ra New York, direc­tion James Levine et Fabio Luisi

Sept DVD ou quatre Blu-ray Deutsche Grammophon

Nous avions déjà com­men­té, dans ces colonnes, l’initiative prise à la Sca­la de Milan en 2010 de pré­sen­ter (et de fil­mer) les quatre opé­ras que forme L’Anneau du Nibe­lung, le chef‑d’œuvre de Wag­ner. Nous par­lons ici à nou­veau de ce monu­ment de l’histoire de la musique, dans une autre pro­duc­tion à New York, très dis­cu­tée il y a dix ans mais pro­ba­ble­ment la plus réus­sie, qui se trouve en DVD, et reprise avec suc­cès cette année 2019 à New York.

Dans cet ensemble de quatre opé­ras, Wag­ner pousse à son maxi­mum pen­dant seize heures les élé­ments du sys­tème qu’il a créé : orches­tra­tion révo­lu­tion­naire, spec­tacle total inté­grant musique, texte, décors et mise en scène, mélo­die conti­nue autour de thèmes musi­caux (Leit­mo­tive) reve­nant régu­liè­re­ment, et tout cela sur un livret écrit par le com­po­si­teur lui-même, tiré d’anciennes légendes ger­ma­niques. Dès ses pre­miers opé­ras de matu­ri­té, Wag­ner avait ponc­tué ses œuvres de thèmes récur­rents, les Leit­mo­tive, qui rap­pellent les per­son­nages, les objets impor­tants, les sen­ti­ments (« un bot­tin musi­cal » disait Debus­sy, moqueur, et injuste). Les quatre opé­ras de la Tétra­lo­gie, L’Or du Rhin, La Wal­ky­rie, Sieg­fried et Le Cré­pus­cule des dieux, par­tagent leurs thèmes qui sou­vent découlent les uns des autres dans un véri­table enche­vê­tre­ment qui est un vrai et for­mi­dable jeu de piste, dont même les spé­cia­listes découvrent des liens à chaque écoute.

La taille de cette rubrique ne per­met pas de résu­mer sans cari­ca­tu­rer l’intrigue des quatre opé­ras que forme le cycle de L’Anneau du Nibe­lung. Le monde recréé par Wag­ner, issu des mytho­lo­gies nor­diques et ger­ma­niques, avec ses dieux affai­blis (Odin-Wotan, Thor-Donner,
Loki-Loge…), ses hommes vils, ses héros extrêmes, a de nom­breux niveaux de lec­ture, comme la mytho­lo­gie de Tol­kien, assez proche. On conseille pour pas­ser un bon moment d’écouter l’amusante syn­thèse en huit minutes (pour le trou­ver goo­glez « you­tube tétra­lo­gie simple »).

Ce Ring, pro­duit et fil­mé sur trois ans (2010−2012) au Met de New York, et à nou­veau repris en 2019, dans la mise en scène du Qué­bé­cois Robert Lepage qui avait créé le spec­tacle du Cirque du Soleil (pré­sen­té depuis quinze ans au MGM de Las Vegas). La dis­tri­bu­tion est magni­fique, même si un contre­temps nous a pri­vés du Sieg­fried de Ben Hepp­ner, ini­tia­le­ment pré­vu. Mais nous avons droit aux superbes Jonas Kauf­mann en Sieg­mund, Bryn Ter­fel en Wotan, Debo­rah Voigt et Eva-Maria West­broek dans les rôles de Bru­ne­hilde et de Sie­glinde. Et la grande Wal­traud Meier dans son rôle épo­nyme, la Wal­ky­rie Wal­traute, for­mi­dable dans son célèbre air du Cré­pus­cule des dieux.

Très belle direc­tion d’orchestre éga­le­ment, James Levine, l’âme du Met pen­dant qua­rante ans, lais­sant sa place au désor­mais célèbre Fabio Lui­si pour les deux der­nières productions.

Pour la dou­zaine de décors dif­fé­rents néces­saires au cours des quatre opé­ras, Lepage se base sur un mur avec 24 pales mobiles, sur­nom­mé La Machine, dont le poids (45 tonnes) néces­si­ta de ren­for­cer la scène du Met. Ce décor repré­sente de façon très réus­sie tour à tour les pro­fon­deurs du Rhin, les piliers ou les esca­liers du Wal­hal­la, les mon­tures des Wal­ky­ries, etc. Décors bruyants sur scène pour les pre­mières repré­sen­ta­tions, le décor est par­fai­te­ment silen­cieux sur les DVD.

L’image haute défi­ni­tion est très belle. Notam­ment on se réjouit d’avoir de nom­breuses camé­ras dans la fosse d’orchestre, per­met­tant de beaux plans sur l’un des meilleurs orchestres de fosse d’opéra du monde.

Lire aus­si : WAGNER : La Tétra­lo­gie dans La Jaune et la Rouge n°714, avril 2016

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