Cybersécurité et emploi : « La demande des entreprises devrait être forte et stable pour plusieurs années »

Dossier : CybersécuritéMagazine N°773 Mars 2022
Par Hervé MAFILLE

Her­vé Mafille, fon­da­teur du cabi­net UVU GROUP spé­cia­li­sé dans le recru­te­ment sur les métiers de la cyber­sé­cu­ri­té. Actif depuis 2016 dans ce domaine, il nous livre sa lec­ture de ce mar­ché en pleine explo­sion mar­quée par un véri­table dés­équi­libre entre la demande des entre­prises et les pro­fils à recru­ter. Explications.

Dans un contexte où le risque cyber est de plus en plus prégnant et important se pose la question des compétences et des talents. Comment se porte le marché et quelles sont les perspectives de carrière qu’il peut offrir ?

Glo­ba­le­ment, le recru­te­ment des cadres en 2022 est très actif. En cyber­sé­cu­ri­té, le constat semble encore plus sen­sible, car la pénu­rie de pro­fils dans ce domaine pré­sente une asy­mé­trie durable encore pour quelques années. Le mar­ché est certes ten­du, néan­moins, les entre­prises ne veulent pas non plus recru­ter des talents ne répon­dant pas à leurs attentes (soft skills et hard skills). 

Côté can­di­dats, nous voyons deux optiques. Nous accom­pa­gnons par­fois des can­di­dats en recon­ver­sion en cyber­sé­cu­ri­té qui peinent à trou­ver des entre­prises. Pour les can­di­dats pré­sen­tant les qua­li­fi­ca­tions et com­pé­tences sou­hai­tées par le mar­ché, vous l’aurez com­pris, il y a un réel bou­le­vard : des pro­jets de trans­for­ma­tion très inté­res­sants, des bud­gets, et des par­cours qui peuvent avoir un accé­lé­ra­teur for­mi­dable à condi­tion de faire les bons choix et d’avoir la bonne atti­tude. Les salaires sont alors en conséquence.

Comment les métiers de la cybersécurité ont-ils évolué au cours des dernières années ?

Je sou­haite tout d’abord indi­quer que l’ANSSI a publié une liste des métiers de la cyber­sé­cu­ri­té, cela pour­ra inté­res­ser celles et ceux qui vou­dront creu­ser la ques­tion. Si nous pre­nons le terme de cyber­sé­cu­ri­té dans un sens large, il y a une mul­ti­tude de métiers et d’expertises connexes. Ces métiers peuvent par­fois évo­luer avec les menaces et les avan­cées tech­no­lo­giques, c’est le cas notam­ment avec la sécu­ri­té cloud, le quan­tique l’IA… et par­fois de nou­veaux métiers appa­raissent ou évo­luent (négo­cia­teur de ran­som­ware, expert en M&A Cyber Due Dili­gence…). Les solu­tions inno­vantes actuel­le­ment déve­lop­pées par les star­tups (French­Tech, pôle d’excellence cyber, Cam­pus Cyber…) vont pro­ba­ble­ment faire éclore de nou­velles exper­tises, de nou­veaux métiers ou de nou­velles facettes de ces métiers. 

Quels sont les profils mais aussi les compétences recherchées par vos clients ?

Les pro­jets de trans­for­ma­tion numé­rique trouvent dans la cyber­sé­cu­ri­té le point d’appui néces­saire à l’effet de levier recher­ché par les entre­prises. Dès lors, il y a beau­coup de ten­sion sur les exper­tises en sécu­ri­té cloud, et c’est éga­le­ment le cas pour les com­pé­tences en ana­lyse des risques cyber et GRC. Nous accom­pa­gnons par exemple de plus en plus de star-up qui inves­tissent et ras­surent leurs par­ties pre­nantes avec une démarche ISO27001. 

Comment appréhendez-vous la complexité du marché aujourd’hui ?

La ques­tion pour les can­di­dats en cyber­sé­cu­ri­té n’est pas de savoir s’ils vont trou­ver un emploi, mais plu­tôt de savoir sur quel pro­jet les can­di­dats vont être sti­mu­lés, pro­gres­ser, trou­ver du sens. 

Il ne faut pas oublier que le domaine est en per­pé­tuel mouvement.

“Les entreprises qui veulent recruter aujourd’hui doivent avoir en tête qu’elles doivent proposer des projets de qualité, et être réactives pour mener les entretiens, car en général les candidats signent un nouveau poste en 2 à 3 semaines.”

Les entre­prises qui veulent recru­ter aujourd’hui doivent avoir en tête qu’elles doivent pro­po­ser des pro­jets de qua­li­té, et être réac­tives pour mener les entre­tiens, car en géné­ral les can­di­dats signent un nou­veau poste en 2 à 3 semaines.

La période de Covid a éga­le­ment mis en exergue des sou­haits d’organisation du tra­vail à dis­tance, qui sur cer­tains métiers de la cyber­sé­cu­ri­té sont pos­sibles, mais sur d’autres semblent tou­te­fois plus com­pli­qués à mettre en œuvre.

Comment voyez-vous la demande évoluer sur les prochaines années ?

La demande des entre­prises devrait être forte et stable pour plu­sieurs années.

Notre démarche est de faire l’adéquation entre des com­pé­tences et des sou­haits de réa­li­sa­tion per­son­nelle afin de les mettre en lumière sur des pro­jets d’entreprise. Lorsque cette adé­qua­tion s’opère, les recru­te­ments prennent une toute autre dimension.

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec notre lectorat sur ce sujet ?

Par­mi les sujets notables, il y a tout d’abord une aug­men­ta­tion de pro­fes­sion­nels de la cyber­sé­cu­ri­té qui ont quit­té le sta­tut de sala­rié pour tra­vailler en free­lance. Il pour­ra certes se poser la ques­tion de l’employabilité à long terme sur cer­taines exper­tises en cyber­sé­cu­ri­té qui pour­raient être auto­ma­ti­sables, mais la demande du mar­ché est bien présente. 

De manière géné­rale, la ges­tion de car­rière indi­vi­dua­li­sée sera impor­tante à gar­der en tête, autant pour les free­lances, que pour les entre­prises, car il y a encore assez peu de démarche GPEC spé­ci­fique à ces exper­tises poin­tues. Ensuite, nous avons vu une réelle prise en compte par les ins­tances diri­geantes des enjeux de cyber­sé­cu­ri­té. Cer­taines entre­prises ont créé des fonc­tions de direc­tion cyber­sé­cu­ri­té, ceci impli­quant la prise en compte des enjeux de cyber­sé­cu­ri­té à un niveau stra­té­gique, et non plus seule­ment tactique.

De même, le sujet de la cyber­sé­cu­ri­té se dis­cute entre pro­fes­sion­nels des fusions-acqui­si­tions au-delà des grands cabi­nets de conseil accom­pa­gnant les entre­prises du CAC40 et du SBF120. Nous accom­pa­gnons d’ailleurs plu­sieurs RSSI/CISO qui ont ren­for­cés leurs com­pé­tences sur des for­ma­tions cer­ti­fiantes en finance par exemple, ou encore en se for­mant sur des Exe­cu­tive MBA.


Evaluation d'entreprise au regard des risques de cybersécurité, métiers et emploiCet ouvrage a été orga­ni­sé de manière à faci­li­ter les dia­logues entre les dif­fé­rentes par­ties pre­nantes des fusions-acqui­si­tions, d’une part les experts de la finance et de la cyber­sé­cu­ri­té entre eux, et d’autre part les fonc­tions diri­geantes à la fois avec ces experts, mais aus­si entre cédants et repre­neurs. À la lec­ture de ce livre, les experts en cyber­sé­cu­ri­té pour­ront envi­sa­ger de nou­veaux angles de vue sur les enjeux de finance et un voca­bu­laire leur per­met­tant de démon­trer l’importance des inves­tis­se­ments qu’ils demandent, les experts en finance gagne­ront en com­pré­hen­sion des enjeux de cyber­sé­cu­ri­té et des indi­ca­teurs pour les mesu­rer, puis les diri­geants et admi­nis­tra­teurs indé­pen­dants pour­ront mieux pilo­ter la stra­té­gie et avoir une influence sur les sujets majeurs.

Finance et cyber­sé­cu­ri­té étant des domaines de haute exper­tise, il importe aux diri­geants de pou­voir bien s’accompagner dans les opé­ra­tions de fusions-acqui­si­tions et d’avoir des points de repère pour pilo­ter les équipes et pres­ta­taires. Il importe éga­le­ment aux diri­geants de faci­li­ter les dia­logues entre les inté­rêts par­fois diver­gents des repre­neurs et cédants, et c’est fina­le­ment en ce sens que ce livre pour­ra per­mettre une prise de hau­teur sur les sujets majeurs à évo­quer dans le cadre des négociations.

Ce livre ne pré­tend pas appor­ter une méthode seule et unique, chaque opé­ra­tion de M&A étant spé­ci­fique. Le livre per­met d’ouvrir le débat sur la prise en compte des risques cyber en PME et ETI. Il per­met d’identifier cer­taines mesures cor­rec­trices à prendre avant la signa­ture d’un deal, et poten­tiel­le­ment ain­si d’éviter des écueils post-acquisitions.

Ce livre inté­res­se­ra éga­le­ment tout étu­diant se des­ti­nant à des métiers tou­chant à la sécu­ri­sa­tion et la valo­ri­sa­tion de l’entreprise.


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