La capture du CO2 par des microalgues

Une économie circulaire du CO2 au service de la décarbonation de l’industrie

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°775 Mai 2022
Par Guillaume CHARPY

Car­bon­Works innove sur la cap­ture du CO2 et sa val­ori­sa­tion en pro­duits biosour­cés pour l’industrie grâce aux microalgues pho­to­syn­thé­tiques. Guil­laume Charpy, CEO de la jeune pousse française, nous en dit plus sur cette inno­va­tion de rup­ture et nous explique son fonc­tion­nement. Entretien.

Qu’est-ce que CarbonWorks ?

Car­bon­Works offre une solu­tion qui, dans un proces­sus unique, répond à un dou­ble objec­tif de décar­bon­a­tion : la cap­ture de CO2, et la pro­duc­tion de pro­duits biosour­cés en sub­sti­tu­tion de matières pre­mières d’origine fossile. 

Notre ambi­tion est de faire de la cap­ture de car­bone par les microalgues une brique qui con­tribue de manière sig­ni­fica­tive à la décar­bon­a­tion de l’industrie et à la tran­si­tion écologique. Nous dévelop­pons pour cela des tech­nolo­gies de rup­ture pour per­me­t­tre une cul­ture inten­sive des microalgues et ain­si mas­si­fi­er la décarbonation. 

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce processus de capture de carbone ? 

La cap­ture du car­bone de Car­bon­Works est biologique et repose sur le proces­sus de pho­to­syn­thèse. Pour mémoire la pho­to­syn­thèse est le proces­sus par lequel une plante cap­ture et assim­i­le le car­bone du CO2 pour sa crois­sance, et rejette l’oxygène. Ce sont les microalgues que nous cul­tivons qui font ce tra­vail de pho­to­syn­thèse. Con­crète­ment, nous ali­men­tons nos bassins de cul­ture de microalgues avec le CO2 indus­triel, mais égale­ment avec de la lumière : c’est en effet l’énergie du pho­ton qui per­met au végé­tal d’assimiler le carbone.

“En amont, nous capturons le CO2 industriel pour faire croître les microalgues, et en aval nous faisons produire à ces microalgues des molécules pour alimenter l’industrie en matières premières biosourcées.”

Mais c’est bien la sec­onde étape qui donne sa valeur à la cap­ture du CO2. Les microalgues sont des micro-organ­ismes qui sont apparus sur terre il y a trois mil­liards d’années. Elles ont dévelop­pé une capac­ité for­mi­da­ble à pro­duire dif­férentes molécules pour s’adapter à leur envi­ron­nement. En fonc­tion de la souche cela peut être des pro­téines, des lipi­des, des tox­ines, etc. : ce sont en quelque sorte des micro-usines naturelles. En choi­sis­sant telle souche de microalgue, il est ain­si pos­si­ble de pro­duire telle molécule d’intérêt pour l’industrie.

Pour résumer, en amont, nous cap­tur­ons le CO2 indus­triel pour faire croître les microalgues, et en aval nous faisons pro­duire à ces microalgues des molécules pour ali­menter l’industrie en matières pre­mières biosourcées.

En quoi votre solution est-elle pertinente pour la décarbonation de l’industrie ?

Nous pra­tiquons ce qu’on appelle la CCU (Car­bon Cap­ture and Util­i­sa­tion) ou CVC (Cap­ture et Val­ori­sa­tion du Car­bone). Cette solu­tion évite l’extraction de matières car­bonées fos­siles, puisqu’au lieu d’aller chercher plus de car­bone dans le sous-sol (pét­role…) pour pro­duire ce dont nous avons besoin, nous allons chercher ce car­bone dans les émis­sions de CO2. C’est là que réside l’intérêt de notre savoir-faire : con­tribuer à l’économie cir­cu­laire du CO2. Cette économie cir­cu­laire peut s’appliquer sur du CO2 d’origine fos­sile comme d’origine biogénique – celui pro­duit par la décom­po­si­tion des végé­taux, con­cen­tré par exem­ple par un méthaniseur. 

Pour cela, nous dévelop­pons des tech­nolo­gies de rup­ture pour pass­er d’une cul­ture exten­sive des microalgues à une cul­ture inten­sive. C’est ce moyen qui per­me­t­tra de mas­si­fi­er notre solu­tion sans con­som­mer plus de ter­res, plus d’eau, et sans porter atteinte à la biodiversité. 

Pouvez-vous donner des exemples ? 

Pour le compte d’une entre­prise tierce, nous pro­duisons un fongi­cide à base de microalgues. 

Comme pour nos autres parte­naires notre rôle con­siste à pro­duire la bio­masse pour leur compte et en extraire la molécule d’intérêt. Nous ne sommes en revanche pas sur l’applicatif et ne souhaitons pas nous y positionner. 

Nous explorons égale­ment des parte­nar­i­ats avec des indus­triels dans la fab­ri­ca­tion de col­orants ali­men­taires ou dans le domaine des omé­ga 3, mais aus­si d’autres molécules tou­jours pour le compte de l’industrie.

La capac­ité de pro­duc­tion des microalgues est en réal­ité très vaste et notre solu­tion per­met de répon­dre à des deman­des très var­iées d’industriels intéressés par les pro­duits biosourcés.

Quels sont les défis de CarbonWorks ?

Les défis sont de deux ordres. Mon­ter en échelle nos procédés d’intensification de la cul­ture de microalgues, et par voie de con­séquence de pro­duc­tion de pro­duits biosour­cés et de cap­ture de CO2. Et dévelop­per des parte­nar­i­ats avec des indus­triels désireux de sub­stituer des pro­duits biosour­cés à des pro­duits d’origine fossile.

Quelles sont vos perspectives de développement ?

Nous avons réal­isé en févri­er 2022 une lev­ée de fonds de 11 mil­lions d’euros auprès d’acteurs de référence. Avec cela nous avons les moyens de faire pass­er notre tech­nolo­gie à l’échelle et dévelop­per des parte­nar­i­ats de pro­duc­tion de matières pre­mières naturelles pour le compte de l’industrie. Nous visons un déploiement indus­triel de nos solu­tions dès 2025. 


En bref

  • Créa­tion de Car­bon­Works en 2021 
  • 9 familles de brevets qui résul­tent de 5 ans de R&D
  • 7 col­lab­o­ra­teurs
  • 11 mil­lions d’euros lev­és en févri­er 2022
  • 6 action­naires : Fer­men­talg et Suez, et 4 fonds d’investissement avec BNP Paribas, Bpifrance, Deme­ter, Aquiti Gestion
  • Focus CCU

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