Un attachement à une identité sociale, culturelle ou économique

Dossier : Les pays de FranceMagazine N°631 Janvier 2008
Par Pierre MIRABAUD

La loi d’ori­en­ta­tion pour l’amé­nage­ment et le développe­ment du ter­ri­toire, adop­tée le 4 févri­er 1995, a intro­duit la notion de ” pays ” en invi­tant les ter­ri­toires à l’ex­péri­men­ta­tion. Le cadre posé pour la créa­tion d’un pays fut alors le suiv­ant : lorsqu’un ter­ri­toire présente une cohé­sion géo­graphique, cul­turelle, économique ou sociale, il peut for­mer un pays, le pays exprime la com­mu­nauté d’in­térêts économiques et soci­aux, en assur­ant le cas échéant les sol­i­dar­ités récipro­ques entre la ville et l’e­space rur­al ; l’E­tat coor­donne dans le cadre du pays son action en faveur du développe­ment local et du développe­ment urbain avec celle des col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales et des groupe­ments de com­munes compétents.

Repères
Au 30 juin 2006, on recen­sait 283 con­trats signés avec l’E­tat qui se répar­tis­sent comme suit :
135 con­trats signés avec l’E­tat, la région et le départe­ment, 104 con­trats signés avec l’E­tat et la région, 3 con­trats signés avec l’E­tat et le départe­ment sans la région, 41 con­trats signés avec l’E­tat seul.

Un bassin d’emploi et un projet de développement

En 1998–1999, une réflex­ion s’est engagée pour con­solid­er et pré­cis­er les objec­tifs assignés au pays. Elle a abouti, à tra­vers la loi d’ori­en­ta­tion pour l’amé­nage­ment et le développe­ment durable du ter­ri­toire (LOADDT), adop­tée le 25 juin 1999, à une nou­velle déf­i­ni­tion du pays comme “bassin d’emploi”, com­posé d’une ville-cen­tre et de ses com­munes péri­ur­baines et rurales. Le pays doit être por­teur d’un pro­jet de développe­ment durable qui prend la forme d’une charte. A l’oc­ca­sion du débat sur la loi, la recherche d’une artic­u­la­tion entre aggloméra­tion et pays (ou bien entre pays et com­mu­nautés de com­munes) a été demandée avec force. Par la suite, la recon­nais­sance du pays, à tra­vers sa charte, lui per­met d’ac­céder à la con­trac­tu­al­i­sa­tion dans le cadre des Con­trats de Plan Etat-Régions pour la péri­ode 2000–2006. Le pays a été réaf­fir­mé (loi urban­isme et habi­tat du 2 juil­let 2003) comme un espace per­ti­nent de réflex­ion et d’élab­o­ra­tion d’un pro­jet de développe­ment com­mun et son proces­sus de créa­tion a été allégé, l’é­tape de l’ar­rêté de périmètre d’é­tude étant notam­ment sup­primée. La loi a pré­cisé, par ailleurs, quels organ­ismes peu­vent porter le pro­jet de pays. 

360 pays couvrant 80 % du territoire.

Sept ans après la pub­li­ca­tion de la LOADDT, on dénom­bre 358 pays dont 322 dis­posent d’une délim­i­ta­tion géo­graphique admin­is­tra­tive­ment arrêtée et 36 sont en cours de final­i­sa­tion. 46% de la pop­u­la­tion française vit désor­mais dans des pays recon­nus ou en pro­jet, cou­vrant 80% du ter­ri­toire mét­ro­pol­i­tain. Le mou­ve­ment de con­sti­tu­tion des pays a con­nu un essor impor­tant et rapi­de. Cette pro­gres­sion, par­ti­c­ulière­ment mar­quée sur les années 2004 à 2005, s’ex­plique par la fix­a­tion au 31 décem­bre 2004 de la date butoir pour la pas­sa­tion de con­trats avec les pays entrant dans le champ des con­trats de plan Etat-Régions. Afin de garan­tir de bonnes con­di­tions à l’élab­o­ra­tion des con­trats de pays cette échéance a ensuite été repoussée au 30 juin 2005. Ces con­trats, con­clus en appli­ca­tion du volet ter­ri­to­r­i­al des con­trats de plan Etat-Régions qui se sont achevés fin 2006, ont pu pour­suiv­re leur mise en oeu­vre jusqu’au 31 décem­bre 2007. Ces con­trats per­me­t­tent d’ap­puy­er les actions des pays qui, décli­nant leur charte, cou­vrent des domaines larges : l’é­conomie (dont le tourisme), la cul­ture, les ser­vices (dont l’in­ser­tion et la for­ma­tion), la préser­va­tion et la val­ori­sa­tion du pat­ri­moine naturel et cul­turel. Le thème de la san­té, au titre des ser­vices à la pop­u­la­tion, est égale­ment large­ment cou­vert par les pays. Il peut s’a­gir de con­tribuer à une amélio­ra­tion de la cou­ver­ture des offres en direc­tion des per­son­nes âgées par la mise en réseau d’ini­tia­tives jusqu’alors éclatées dans des petites com­munes ou portées par des com­mu­nautés de com­munes sur des espaces restreints et n’at­teignant pas une masse cri­tique suff­isante (en terme de pop­u­la­tion touchée). Le thème des déplace­ments est aus­si abor­dé : l’or­gan­i­sa­tion de trans­ports à la carte (“ tax­ibus ”) sur un ter­ri­toire large a per­mis de met­tre en place des ser­vices prof­ita­bles à la mobil­ité en milieu rur­al. Tou­jours dans le domaine des ser­vices, de nom­breuses ini­tia­tives visent à encour­ager et faciliter l’ac­cès des jeunes à des équipements sportifs ou cul­turels pour favoris­er l’in­té­gra­tion et le développe­ment per­son­nel. Les ini­tia­tives sont ain­si très var­iées. Leur élab­o­ra­tion à l’échelle du pays per­met de con­juguer adap­ta­tion aux spé­ci­ficités locales et recherche de via­bil­ité. De la même manière, dans le domaine économique, la réflex­ion sur un bassin de vie, représen­té par le pays, per­met un dia­logue de qual­ité, pré­paré avec l’E­tat, sur les pri­or­ités de développe­ment et d’in­vestisse­ment publics d’accompagnement. 

Dominante rurale ou urbaine.

La diver­sité des sit­u­a­tions locales et la liber­té offerte par le cadre lég­is­latif ont naturelle­ment entrainé une cer­taine hétérogénéité dans la con­fig­u­ra­tion des pays. Le tableau ci-dessous illus­tre cette forte dis­par­ité des sit­u­a­tions. Aus­si, plutôt que de chercher à définir un pro­fil moyen, il est préférable d’ap­procher cette var­iété par des pro­fils types. Nous trou­vons ain­si, des pays à dom­i­nante rurale (où plus de 50 % de la pop­u­la­tion habite un espace à dom­i­nante rurale.). Ils sont 166, soit 48 % du total des pays. Au sein de cette caté­gorie, 16 pays inter­vi­en­nent sur des ter­ri­toires peu struc­turés qui ne sont pas ancrés sur un pôle d’emploi majeur et qui sont à l’é­cart des grands cen­tres urbains. 32 autres ter­ri­toires, soit 20% de cette caté­gorie, ne sont pas cen­trés sur un pôle d’emploi, mais sont sous forte influ­ence d’un pôle urbain qu’ils n’in­clu­ent pas dans leur périmètre. Enfin, pour l’essen­tiel (70% des cas) ce type de pays à dom­i­nante rurale prend appui sur une ou plusieurs villes petites ou moyennes en englobant en moyenne 50 000 habi­tants sur une soix­an­taine de communes.

Près de la moitié des Pays de France sont à dom­i­nante rurale

Un sec­ond type peut être qual­i­fié de pays à dom­i­nante urbaine. Il s’ag­it de ter­ri­toires sur lesquels 70% de la pop­u­la­tion habite un espace à dom­i­nante urbaine. Par­mi ces 122 pays, les sit­u­a­tions vari­ent assez sen­si­ble­ment entre des ter­ri­toires placés sous l’in­flu­ence d’un pôle urbain majeur (22 pays dont 90% de la pop­u­la­tion habitent en zone à dom­i­nante urbaine) et ceux dont la pop­u­la­tion réside pour l’essen­tiel en zone péri­ur­baine (19 pays struc­turés générale­ment autour de villes cen­tres). Enfin, pour ce type, il existe des ter­ri­toires (23) aux sit­u­a­tions plus com­plex­es qui inclu­ent un pôle urbain mais sont égale­ment sous influ­ence d’un ou plusieurs cen­tres urbains extérieurs. Enfin, des pays se retrou­vent dans un entre-deux, ils sont qual­i­fiés de pays mixtes. 15% de l’ensem­ble des pays réu­nis­sent, en effet, une pop­u­la­tion à pro­por­tion équiv­a­lente rurale et urbaine. Ils sont générale­ment ancrés sur une ville moyenne ou un réseau de petites villes. 

Des Conseils de développement

Quar­ante cinq parcs régionaux
Le mail­lage des pays vient en com­plé­ment des Parcs Naturels Régionaux. Crées en 1967, on en compte 45 en 2007. Ils ont voca­tion à s’in­scrire sur des espaces naturels dont la pro­tec­tion et la val­ori­sa­tion sont des enjeux fon­da­men­taux et ont une dimen­sion envi­ron­nemen­tale pré­dom­i­nante. Pour autant, mal­gré sa spé­ci­ficité, la démarche des PNR a nour­ri la réflex­ion notam­ment pour ce qui touche à la par­tic­i­pa­tion des acteurs locaux.Plus large­ment, l’en­richisse­ment des poli­tiques des ter­ri­toires de pro­jet a égale­ment été le fait de l’ap­pli­ca­tion de trois généra­tions de pro­grammes d’ini­tia­tives com­mu­nau­taires Leader (Liai­son entre Acteurs de Développe­ment de l’E­conomie Rurale — Pro­gramme européen piloté de 1994 à 2006 en France par la DATAR puis la DIACT) qui ont per­mis de dot­er ces ter­ri­toires organ­isés (pays, parcs) de moyens financiers con­séquents pour dévelop­per une stratégie locale dans un cadre parte­nar­i­al pub­lic privé très affirmé.

L’E­tat a accom­pa­g­né cette émer­gence des pays au cours des années 2000–2006. La large cou­ver­ture qui résulte de ce mou­ve­ment a rem­pli un objec­tif pre­mier qui était d’as­sur­er une prise en charge par les acteurs locaux des enjeux d’amé­nage­ment locaux sur base d’un diag­nos­tic partagé. Ces années d’élab­o­ra­tion des pro­jets de pays ont été rich­es d’une mobil­i­sa­tion des élus, des acteurs socio­pro­fes­sion­nels et asso­ci­at­ifs qui se sont engagés dans des échanges et des réflex­ions sur des scé­narii de développe­ment pour leurs ter­ri­toires. Ce tra­vail a été mené au sein des con­seils de développe­ment, struc­tures dont l’or­gan­i­sa­tion très libre témoigne bien de la richesse des nou­velles pra­tiques par­tic­i­pa­tives qui se sont mis­es en place autour des pays. Des agricul­teurs, des forestiers, des com­merçants, des respon­s­ables de PME, d’étab­lisse­ments publics ont dépassé leur cadre pro­fes­sion­nel, aux côtés d’élus, maires, prési­dents de com­mu­nautés de com­munes, con­seillers généraux ou régionaux, députés, séna­teurs, pour iden­ti­fi­er les atouts, les faib­less­es et les oppor­tu­nités de développe­ment de leur ter­ri­toire. Ces échanges ont per­mis la déf­i­ni­tion de stratégie de développe­ment partagé entre les acteurs locaux dans un cadre sou­ple ne dou­blon­nant pas les instances exis­tantes. Les pays, en effet, n’ont pas voca­tion à se sub­stituer aux col­lec­tiv­ités locales exis­tantes et à assur­er la maîtrise d’ou­vrage d’équipements : les actions à con­duire découlant des chartes adop­tées sont mis­es en ouvre par des maîtres d’ou­vrage privés ou publics parte­naires des pays. Les pays s’in­stal­lent ain­si dans le paysage de la décen­tral­i­sa­tion qui a pour­suivi son évo­lu­tion au cours des dernières années. Il reste que la forme des rela­tions passées avec les départe­ments et les régions sera sûre­ment amenée à se pré­cis­er entre une indépen­dance revendiquée par des pays et le relais atten­du par les col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales sur leur politique. 

Des révisions de périmètres

Repères
Les départe­ments et les régions se sont égale­ment engagés dans la poli­tique des pays. Ces col­lec­tiv­ités sol­lici­tent les pays pour la mise en appli­ca­tion d’ac­tions rel­e­vant de leurs poli­tiques respec­tives, par­fois les sou­ti­en­nent sur des thé­ma­tiques qui peu­vent être ouvertes par l’in­ter­mé­di­aire d’ap­pel à projets.

Ces avancées et leurs lim­ites con­duisent l’E­tat, au-delà des inter­ro­ga­tions évo­quées ci-dessus, à pour­suiv­re son accom­pa­g­ne­ment des pays en cher­chant à amélior­er l’ef­fi­cac­ité de leur inter­ven­tion, notam­ment en cen­trant son appui sur des thé­ma­tiques ciblées, et à ren­dre plus lis­i­ble auprès du citoyen ce niveau d’or­gan­i­sa­tion inter­com­mu­nale. Pour cela, l’E­tat cherche à favoris­er de meilleures artic­u­la­tions entre urbain et rur­al et entre inter­com­mu­nal­ité de ser­vices et inter­com­mu­nal­ité de pro­jet en pro­posant, le cas échéant, des révi­sions de périmètres.

Les pays n’ont pas voca­tion à se sub­stituer aux col­lec­tiv­ités locales

Aujour­d’hui les pays sont ancrés dans le paysage admin­is­tratif français. Ils ne con­stituent pas un nou­v­el éch­e­lon admin­is­tratif recou­vrant les com­pé­tences de col­lec­tiv­ités départe­men­tales ou supra com­mu­nales et ne sont d’ailleurs pas por­teurs de com­pé­tences mais d’une mis­sion d’im­pul­sion et de coor­di­na­tion de la réflex­ion des acteurs locaux. La pour­suite et l’é­panouisse­ment de cette ambi­tion per­me­t­tront la réus­site du proces­sus de ter­ri­to­ri­al­i­sa­tion des poli­tiques publiques de l’E­tat et de l’U­nion européenne qui implique une prise en charge effec­tive de ces poli­tiques par les acteurs locaux dans le cadre d’in­stances de gou­ver­nance recon­nues et durables. Détails et cartes com­plé­men­taires disponibles sur http://www.territoires.gouv.fr

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