L'emploi dans le secteur de l'énergie

Tendances de l’emploi : Le secteur de l’énergie

Dossier : Vie AssociationMagazine N°738 Octobre 2018
Par Thierry SMAGGHE (78)

AX Car­rières fait le point avec le réseau poly­tech­ni­cien sur les grandes ten­dances de l’employabilité dans les dif­férents secteurs où des X sont investis. 

Le monde de l’énergie vit un change­ment impor­tant compte tenu de la tran­si­tion énergé­tique, de la pres­sion socié­tale liée aux enjeux de développe­ment durable, de la régle­men­ta­tion de l’Union européenne et de l’évolution du posi­tion­nement relatif des grands opéra­teurs d’énergie sur la chaîne de valeur (pro­duc­tion, trans­port, dis­tri­b­u­tion). Par ailleurs, les besoins en élec­tric­ité s’accroissent avec le développe­ment de la mobil­ité verte (véhicules électriques). 

Ces fac­teurs ont une influ­ence sur les métiers du secteur qui reste rel­a­tive­ment lim­itée. En dépit de la crois­sance des renou­ve­lables, l’industrie nucléaire demeure forte­ment généra­trice d’emploi pour les ingénieurs. De même, le secteur de l’exploration-production pétrolière et gaz­ière est égale­ment, sur longue péri­ode, un recru­teur impor­tant d’ingénieurs mal­gré des fluc­tu­a­tions liées au cours du pét­role. Enfin des métiers moins vis­i­bles comme le trans­port et la dis­tri­b­u­tion d’énergie (gaz, élec­tric­ité, chaleur et froid) auront aus­si des besoins crois­sants, avec des défis intéres­sants à la clé. 

L’importance de la culture d’entreprise

Dans la majorité des cas, les grandes entre­pris­es comme EDF, Total ou Engie deman­dent à un jeune ingénieur, en plus de ses com­pé­tences tech­niques de base, d’acquérir des com­pé­tences tech­niques liées au méti­er de l’entreprise. C’est cette com­pé­tence méti­er qui lui per­me­t­tra de dévelop­per sa crédi­bil­ité au sein de ces sociétés, qui ont une cul­ture d’entreprise et tech­nologique très forte et qui favorisent en pri­or­ité la pro­mo­tion interne. 

Il/elle peut débuter dans un poste de bureau d’études/ingénierie/R & D, de ges­tion de pro­jet ou opéra­tionnel en exploita­tion avec dans ce cas la pos­si­bil­ité d’encadrer rapi­de­ment une équipe sur le ter­rain. Des passerelles exis­tent entre ces trois fil­ières avec la pos­si­bil­ité de faire des allers-retours qui sont d’ailleurs un accéléra­teur de car­rière. Un début dans la tech­nique, voire la R & D, n’engage donc pas toute la car­rière et peut con­stituer une expéri­ence val­orisante. Et pour ceux qui aiment vrai­ment la tech­nique, la fil­ière exper­tise tech­nique est aus­si val­orisée que la fil­ière man­age­ment afin d’éviter des écarts en ter­mes de recon­nais­sance statu­taire et salariale. 

Soft skills et digital

La tech­nic­ité doit s’accompagner de com­pé­tences com­plé­men­taires dans le domaine des soft skills (savoir-être tel que l’intelligence émo­tion­nelle, la capac­ité à tra­vailler en équipe, etc.) ain­si qu’une vraie sen­si­bil­ité aux sujets socié­taux en par­ti­c­uli­er envi­ron­nement et sécurité. 

À not­er que compte tenu de la néces­sité de détenir une com­pé­tence liée au secteur de l’énergie pour accéder à un poste à respon­s­abil­ités, les embauch­es d’ingénieurs con­fir­més provenant d’autres secteurs sont peu fréquentes sauf si cet ingénieur détient une com­pé­tence rare, n’existant pas en interne, par exem­ple dans le domaine du digital. 

Segmentation des métiers

Les métiers peu­vent être seg­men­tés en trois grandes familles : les métiers clas­siques, les métiers spé­ci­fiques et les nou­veaux métiers. 

Les métiers clas­siques sont les métiers « sup­port » fonc­tion­nels tels que achats, com­mer­cial, finances, com­mu­ni­ca­tion, ressources humaines et les métiers « sup­port » tech­niques tels que HSSE (sécu­rité, sûreté, envi­ron­nement, très impor­tants dans le secteur de l’énergie) ou les sys­tèmes d’information pour leur com­posante exploita­tion traditionnelle. 

Les métiers spé­ci­fiques sont des métiers liés à l’activité de l’entreprise, par exem­ple ingénieur dans le domaine du for­age ou des géo­sciences chez Total, ingénieur d’exploitation dans une raf­finer­ie ou sur des réseaux d’Enedis, ingénieur de main­te­nance dans une cen­trale nucléaire chez EDF ou ingénieur d’exploitation dans un ter­mi­nal méthanier chez Engie. Il s’agit égale­ment des métiers d’ingénieurs dits « procédés » ou process qui réalisent des études tech­niques pour opti­miser la per­for­mance d’une installation. 

Il existe égale­ment d’autres métiers tels que le trad­ing d’énergie qui requiert des com­pé­tences en math­é­ma­tiques et finances com­binées à une bonne con­nais­sance du marché de l’énergie ou l’asset man­age­ment qui con­siste à opti­miser l’exploitation et la main­te­nance des instal­la­tions ou l’ingénieur dis­patcheur pour le pilotage du réseau élec­trique chez RTE ou GRTgaz. 

Focus sur les nouveaux métiers

Les nou­veaux métiers sont prin­ci­pale­ment liés au dig­i­tal et à la tran­si­tion énergé­tique avec pour cette dernière les éner­gies renouvelables/alternatives et les smart grids (réseaux locaux intel­li­gents et plus seule­ment pro­duc­tion d’électricité centralisée). 

L’indispensable compétence en digital

Les pro­fils ayant une triple com­pé­tence sont par­ti­c­ulière­ment recher­chés par exem­ple une com­pé­tence en élec­tromé­canique clas­sique, une com­pé­tence pro­pre au secteur de l’énergie et une com­pé­tence dig­i­tale dans le domaine des data ou des infra­struc­tures infor­ma­tiques dans le cloud. Les ingénieurs qui allient une expéri­ence con­crète d’un process lié à l’énergie et la capac­ité à réalis­er des sim­u­la­tions sur son avatar virtuel sont très appré­ciés. Les com­pé­tences trans­ver­sales en cyber­sécu­rité ou data pro­tec­tion sont bien sûr égale­ment recher­chées mais n’ont rien de spé­ci­fique au secteur. 

Dans le domaine de la main­te­nance, le dig­i­tal change la nature des métiers avec l’impact de l’intelligence arti­fi­cielle sur le traite­ment des don­nées, les rap­ports de main­te­nance, le diag­nos­tic et la main­te­nance pré­dic­tive et cela est vrai pour tous les types d’installations : élec­tric­ité, gaz ou pét­role, aus­si bien pour les opéra­teurs d’énergie que pour leurs prestataires de ser­vices. Le méti­er d’asset man­age­ment cité précédem­ment évolue égale­ment pour les mêmes raisons. 

Développement durable et renouvelables

L’importance gran­dis­sante du développe­ment durable ren­force le besoin en ingénieurs effi­cac­ité énergé­tique. Les ingénieurs smart grids sont de nou­veaux postes qui exis­tent dans dif­férentes entre­pris­es : pro­duc­tion d’énergie con­ven­tion­nelle ou renou­ve­lable ou dis­tri­b­u­tion (Enedis par exem­ple recrute dans ce domaine). Dans le domaine des éner­gies renou­ve­lables, un jeune ingénieur peut se voir con­fi­er la respon­s­abil­ité d’un pro­jet de ferme éoli­enne, ce qui requiert des com­pé­tences tech­niques, finan­cières, d’encadrement d’équipe et régle­men­taires. Dans un autre reg­istre, des postes de chercheurs sont ouverts au sein de l’Institut pho­to­voltaïque récem­ment créé à Palaiseau, résul­tat d’un parte­nar­i­at entre l’X, le CNRS et des entre­pris­es comme Total, EDF et Air Liquide. 

L’essor des start-up

Il con­vient de men­tion­ner une évo­lu­tion très intéres­sante : les grandes entre­pris­es du secteur dévelop­pent un écosys­tème de start-up inno­vantes sous dif­férentes formes : prise de par­tic­i­pa­tion dans une start-up externe, incu­ba­teur interne, pos­si­bil­ité pour une start-up créée en interne de se dévelop­per comme une société autonome avec d’autres clients que l’entreprise d’origine. Cela per­met à un jeune ingénieur de vivre une aven­ture entre­pre­neuri­ale tout en béné­fi­ciant, au moins pour un cer­tain temps, du filet de sécu­rité de la grande entreprise. 

Enfin, de manière prospec­tive, compte tenu de l’importance crois­sante du data man­age­ment, on peut se pos­er la ques­tion de l’irruption éventuelle de nou­veaux acteurs comme Google (pilote récent lancé à Total autour du traite­ment d’images sis­miques) dans la chaîne de pro­duc­tion, trans­port, trad­ing et dis­tri­b­u­tion de l’énergie, ce qui créerait des besoins en ingénieurs dans des métiers qui restent à définir précisément. 


Avec la con­tri­bu­tion de Bernard Sal­ha (81), EDF – Fabi­en Der­re­al (97), Engie – Vin­cent Saube­stre (79), Total –
Hip­poly­te Djizanne (D2016), Andra – Cather­ine Greiveldinger (83), ex-RTE.

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