Tempête de ciel bleu sur la Ville rose

Dossier : La météorologie partie 2Magazine N°748 Octobre 2019
Par Thierry BAUCHET (92)

Les condi­tions météo­ro­lo­giques peuvent avoir une grande inci­dence sur la vie quo­ti­dienne des habi­tants. Pour pré­ve­nir ces situa­tions et en limi­ter les impacts, au fil des sai­sons, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, dans la concep­tion de la cité ou dans la ges­tion opé­ra­tion­nelle des évé­ne­ments, les col­lec­ti­vi­tés sont mobi­li­sées au ser­vice des populations.

Il aura sans doute fal­lu des crises comme la grande et meur­trière inon­da­tion de juin 1875 à Tou­louse pour que les dis­po­si­tions prises se ren­forcent tant dans la régle­men­ta­tion que dans le déve­lop­pe­ment d’investissements ou de dis­po­si­tions organi­sationnelles pour mieux pro­té­ger les popu­la­tions, pré­ve­nir le risque, en limi­ter les impacts, et gérer les situa­tions de crise. Aujourd’hui les docu­ments d’urbanisme intègrent les consé­quences pos­sibles de ces risques, tenant compte des sys­tèmes d’endiguement et de leur risque de rup­ture pour régu­ler l’expansion de la ville dans les sec­teurs exposés.


REPÈRES

Tou­louse est située sur un coude de la Garonne qui, pro­ve­nant des Pyré­nées, s’oriente vers l’océan Atlan­tique. C’est sur ce car­re­four natu­rel des voies de com­mu­ni­ca­tion que les pre­miers hommes à l’origine de cette ville se sont implan­tés. Au fil des siècles l’urbanisation aura lar­ge­ment occu­pé l’espace en proxi­mi­té du fleuve, amé­na­geant ses berges, déve­lop­pant ses ports, le cana­li­sant, contrai­gnant ain­si de plus en plus le cours d’eau, met­tant en place des dis­po­si­tifs d’endiguement, mais ren­dant aus­si la ville vul­né­rable à la bru­tale mon­tée des eaux.


Gérer la montée des eaux

La Garonne n’est pas un long fleuve tran­quille : épi­sodes plu­vieux consé­quents en amont, fonte des neiges dans les Pyré­nées sont autant de rai­sons de débor­de­ments de la Garonne. Ces situa­tions ne sont pas rares et peuvent sur­ve­nir tant au prin­temps qu’en été. Ils sont donc sur­veillés conti­nuel­le­ment. Des dis­po­si­tions très opé­ra­tion­nelles ont été déve­lop­pées pour gérer la mon­tée intem­pes­tive et par­ti­cu­liè­re­ment rapide du niveau de la Garonne, pro­té­ger les popu­la­tions et les biens dans ces situations.

Les pré­vi­sions et indi­ca­tions météo­rologiques, en com­plé­ment des don­nées issues du ser­vice de pré­vi­sion des crues, sont par­ti­cu­liè­re­ment utiles pour voir venir les situa­tions à risque et mobi­li­ser au plus tôt les équipes et moyens d’astreinte de la sécu­ri­té civile et des ser­vices tech­niques (per­son­nel, poids lourds, engins de levage, groupes et pompes mobiles…), puis mettre en œuvre selon les niveaux d’alerte les actions qui s’imposent : fer­me­ture de portes étanches, mise en place de batar­deaux, fer­me­ture de vannes pour évi­ter des remon­tées d’eau dans les réseaux sépa­ra­tifs d’eau plu­viale qui se déversent dans la Garonne, opé­ra­tions de pom­page des eaux de ruis­sel­le­ment pour les reje­ter dans la Garonne en cas de pluie simul­ta­née à la crue, fer­me­ture des accès aux berges, mise en place de péri­mètres de sécu­ri­té, réor­ga­ni­sa­tion des cir­cu­la­tions dans les zones exposées.

Ain­si pour les habi­tants, grâce à ces dis­po­si­tions, la vie conti­nue comme à l’ordinaire et ces évé­ne­ments, pour­tant assez fré­quents, passent presque inaperçus.

Tou­louse, crue de la Garonne en 1875.

Réguler les activités en temps réel

Les cotes d’alerte se mesurent à la hau­teur d’eau au niveau du Pont-Neuf et engagent des actions qui vont cres­cen­do jusqu’à l’évacuation des popu­la­tions si la situa­tion le néces­si­tait. Les dis­po­si­tions à prendre sont minu­tées et répondent à un ordon­nan­ce­ment pré­cis repo­sant sur la ciné­tique de mon­tée des eaux retrans­crit dans des plans d’urgence régu­liè­re­ment mis à jour avec les retours d’expérience.

Les don­nées météo en conti­nu sont par­ti­cu­liè­re­ment utiles aus­si pour assu­rer le déclen­che­ment des mesures de retour à la nor­male et de net­toie­ment dès que pos­sible sans mettre en dan­ger les agents ni ris­quer la dégra­da­tion des engins d’intervention.

Pré­ve­nir les épi­sodes plu­vieux est aus­si par­ti­cu­liè­re­ment indis­pen­sable pour garan­tir la sécu­ri­té du per­son­nel ou des entre­prises sus­cep­tibles d’intervenir dans les réseaux en évi­tant qu’ils ne soient sur­pris par leur mise en charge. C’est une infor­ma­tion utile éga­le­ment pour opti­mi­ser les périodes d’arrosage et d’entretien des stades ou assis­ter les équipes en charge de la pré­pa­ra­tion d’événements festifs.


Gel et dégel

Après une longue période de grand froid, Tou­louse Métro­pole s’appuie sur les don­nées recueillies par la sta­tion météo-rou­tière qu’elle pos­sède à Bla­gnac, à par­tir de laquelle elle sur­veille la pro­fon­deur de gel dans la chaus­sée (Indi­ca­teur de pro­fon­deur de gel par tranche de 5 cm). Ce dis­po­si­tif per­met de mettre en place, si néces­saire, des bar­rières de dégel pour pré­ve­nir de défor­ma­tions de la chaus­sée. Dans ce cas, des arrê­tés de limi­ta­tion de ton­nage des cir­cu­la­tions peuvent être pris.


Gérer les périodes de très forte chaleur

Pour la pro­tec­tion des popu­la­tions (fra­giles ou non), les épi­sodes cani­cu­laires de cet été ont mon­tré l’intérêt de mettre en place des dis­po­si­tions spé­ci­fiques : dis­po­si­tifs de vigi­lance pour les per­sonnes iso­lées, mise en ligne de cartes per­met­tant aux habi­tants de repé­rer des zones de plus grande fraî­cheur dans la ville, avec indi­ca­tion des horaires adap­tés pour les cir­cons­tances : parcs et espaces verts, fon­taines, musées, pis­cines muni­ci­pales, biblio­thèques ou autres équi­pe­ments publics dont les horaires de fer­me­ture ont pu être adap­tés en mobi­li­sant le per­son­nel à par­tir des indi­ca­tions météo­ro­lo­giques reçues et régu­liè­re­ment mises à jour.

Développer et tempérer la ville

À une échelle de temps plus longue, c’est un tra­vail plus ambi­tieux qui est conduit, avec une conscience ren­for­cée de l’intérêt d’identifier et de limi­ter les îlots de cha­leur urbains et d’atténuer l’effet d’albédo (rap­port de l’énergie lumi­neuse réflé­chie sur l’énergie lumi­neuse inci­dente) : cette dimen­sion est inté­grée dans les évo­lu­tions conti­nues des docu­ments d’urbanisme et de pro­gram­ma­tion urbaine et doit natu­rel­le­ment être prise en compte dans les pro­jets d’aménagement de l’espace public (sec­teurs en cours d’urbanisation, opé­ra­tions d’aménagement, réfec­tion des espaces publics, implan­ta­tion d’équipements publics, etc.).

L’identification des îlots de cha­leur urbains est cer­tai­ne­ment une pre­mière étape essen­tielle : un tra­vail de recherche sur la base de don­nées de tem­pé­ra­ture recueillies en temps réel per­met de modé­li­ser et car­to­gra­phier à une maille très fine, à l’échelle de la ville de Tou­louse, les dif­fé­rences de tem­pé­ra­ture entre les sec­teurs et leurs évo­lu­tions dans le temps. Les pro­jets urbains se déter­minent avec cette conscience que le choix des maté­riaux, l’organisation des espaces, le déve­lop­pe­ment de la nature en ville sont des dimen­sions non pas seule­ment esthé­tiques ou fonc­tion­nelles au sens de l’usage qui en est fait, mais aus­si qu’elles ont une fonc­tion essen­tielle de régu­la­tion thermique.

La nature en ville, un patrimoine sensible aux éléments

Une grande place pour la nature en ville, c’est aus­si un patri­moine à entre­te­nir régu­liè­re­ment avec atten­tion. Pour autant, celui-ci demeure vul­né­rable aux évé­ne­ments extrêmes ou vio­lents que peuvent repré­sen­ter tem­pêtes ou orages. La tem­pête de 1999, mais aus­si la sur­ve­nue d’événements dra­ma­tiques plus ponc­tuels auront contri­bué au ren­for­ce­ment de la juris­pru­dence, de la régle­men­ta­tion et des mesures à prendre par anti­ci­pa­tion. Ain­si, les mes­sages de vigi­lance trans­mis sur des échéances de un à neuf jours et remis à jour en temps réel par Météo-France pour pré­an­non­cer des épi­sodes de vents forts avec indi­ca­tion de la direc­tion et de la vitesse pos­sible, d’orages ou de grêle, per­mettent d’organiser l’évacuation et la fer­me­ture des parcs et jar­dins dès l’annonce de vents supé­rieurs à 60 km/h.

À titre pré­ven­tif, les alertes météo­ro­lo­giques reçues, si elles ne per­mettent pas d’éviter les consé­quences d’événements très loca­li­sés (accu­mu­la­tion de grêle, feuilles d’arbres hachées, ava­loirs ain­si obs­trués, tré­mies rou­tières inon­dées, routes bar­rées, chute de branches voire d’arbres…), du moins per­mettent-elles de mobi­li­ser les équipes d’astreinte et leurs moyens d’intervention de jour comme de nuit pour déga­ger les voi­ries et l’espace public avec réactivité.

“Il faut identifier
et limiter les îlots
de chaleur urbains”

Circuler en toutes circonstances

Tou­louse Métro­pole entre­tient et exploite 3 300 km de routes. La veille hiver­nale est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tante pour garan­tir la sécu­ri­té des mil­lions de dépla­ce­ments rou­tiers quo­ti­diens. En hiver, lorsque les tem­pé­ra­tures sont très basses, sur la base des pré­vi­sions météo­ro­lo­giques recueillies de façon pré­cise sur les dif­fé­rents tron­çons du réseau, des opé­ra­tions de patrouillage per­mettent de confir­mer ou d’affiner sur le ter­rain les infor­ma­tions notam­ment à des points stra­té­giques (ouvrages d’art, points du réseau par­ti­cu­liè­re­ment expo­sés, etc.) pour ne déclen­cher les opé­ra­tions cura­tives (salage…) qu’en cas de réel besoin, non seule­ment pour des rai­sons éco­no­miques et envi­ron­ne­men­tales, mais parce que le salage entraîne la remon­tée d’eau et néces­site ensuite des inter­ven­tions continues.

Les infor­ma­tions recueillies portent prin­ci­pa­le­ment sur la puis­sance et la direc­tion du vent, la tem­pé­ra­ture de l’air, de la chaus­sée, ain­si que la tem­pé­ra­ture de rosée, et per­mettent de défi­nir les mesures à prendre dans les 24 heures sui­vantes. Les dif­fé­rents dépôts et centres d’exploitation répar­tis sur le ter­ri­toire per­mettent aux équipes d’intervention une grande réac­ti­vi­té pour prendre les dis­po­si­tions pré­ven­tives à la for­ma­tion de ver­glas ou en cas de chute de neige et inter­ve­nir dès que nécessaire.

Mobilisation permanente

Ain­si toute l’année, au fil des sai­sons, l’exploitation de don­nées météo­ro­lo­giques en conti­nu par une col­lec­ti­vi­té per­met une opti­mi­sa­tion de l’action publique pour anti­ci­per les situa­tions à risque, prendre les dis­po­si­tions pré­ven­tives adap­tées, mobi­li­ser les équipes d’intervention avec réac­ti­vi­té au plus près des évé­ne­ments, pro­té­ger les popu­la­tions et leur assu­rer le meilleur confort.

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