Patick FLEURY (55) en Grand uniforme de l'École polytechnique

Patrick FLEURY (55), un chercheur atypique

Dossier : TrajectoiresMagazine N°732 Février 2018Par : Henri VIDEAU (63)

Il effectue ses pre­mières recherch­es et sa thèse sous la direc­tion de Bernard Gré­go­ry (38) puis de Fran­cis Muller (44). Le sujet en est l’étude des inter­ac­tions de pio­ns sur le deutéri­um avec la cham­bre à bulles de 81 cm con­stru­ite à Saclay. 

Dans le même temps, il con­stru­it au Cern un fais­ceau de K de 3,5 GeV, ce qui lui per­met d’acquérir la tech­nique des comp­teurs Tcherenkov, qu’on retrou­ve tout au long de son activité. 

Il sou­tient sa thèse en jan­vi­er 67 puis décide de quit­ter les cham­bres à bulles pour s’orienter vers les tech­niques de détec­tion électroniques. 

UN PARTISAN DE L’AUTOGESTION

À cette fin, il obtient une bourse au Cern, mais c’est 1968 et Patrick aban­donne le Cern. Il y revien­dra six semaines plus tard, pour par­ticiper à Paris à la « révo­lu­tion ». Le sou­tien aux actions de 68 est essen­tiel pour ce physi­cien aux ten­dances anar­chistes, il en sera pro­fondé­ment marqué. 

Il porte les cheveux longs et la barbe longue, et, devenu directeur du lab­o­ra­toire, il y intro­duit l’autogestion.

À LA TÊTE DU LPNHE‑X

Bernard Gré­go­ry, directeur du Cern de 65 à 70, prend la suc­ces­sion de Lep­rince-Ringuet au lab­o­ra­toire qui devient le LPNHEX mais, nom­mé directeur du CNRS en 73, il remet le labo à Fleury qui le dirige jusqu’en 84. 

Dans ce rôle, Fleury mon­tre son tal­ent d’entrepreneur, lançant des pro­jets et lut­tant avec fougue. C’est l’époque du trans­fert à Palaiseau où la recherche à l’École prend une nou­velle ampleur sous la houlette de Pierre Vasseur (50).

Patrick et Pierre lan­cent la réal­i­sa­tion du Cen­tre de cal­cul vec­to­riel de l’X équipé d’un ordi­na­teur Cray (1980). Patrick engage aus­si le lab­o­ra­toire dans le développe­ment de cir­cuits inté­grés VLSI (Very Large-Scale Integration). 

DE GENÈVE À STANFORD PUIS SACLAY

Dans les années 80, il s’intéresse à l’expérience Del­phi, sur le Lep du Cern, où il con­tribue à un autre détecteur Tcherenkov, le Ring Imag­ing Cherenkov. En 84, quit­tant la direc­tion du lab­o­ra­toire, il s’exile quelques mois au SLAC (Stan­ford) puis revient tra­vailler à Saclay auprès de l’accélérateur Saturne. 

Il mesure avec pré­ci­sion la masse du méson η et exper­tise aus­si le LNS. En 90, il pré­side le comité sci­en­tifique d’évaluation de Vir­go et, avec une clarté de vue qu’il eut sou­vent, sou­tient très forte­ment le projet. 

ASTRONOMIE GAMMA

Mais l’accomplissement le plus remar­quable de Fleury est le développe­ment de l’astronomie gam­ma de haute énergie en France. La méthode est l’observation du ray­on­nement Tcherenkov pro­duit par les par­tic­ules chargées créées dans l’interaction du pho­ton avec l’atmosphère.

Patrick FLEURY en 2002

Il se famil­iarise avec la tech­nique à l’Observatoire Whip­ple, cher­chant à mesur­er le flux d’antiprotons grâce à l’ombre de la Lune (Artémis) puis engage le lab­o­ra­toire et une large com­mu­nauté française dans la con­struc­tion d’une série de téle­scopes Tcherenkov : dans un pre­mier temps CAT et Celeste puis HESS en Nami­bie et CTA en projet. 

Mais ces obser­va­toires ne sont effi­caces qu’à très haute énergie (TeV) et pour élargir la fenêtre aux éner­gies plus bass­es, Fleury asso­cie le lab­o­ra­toire (devenu Lab­o­ra­toire Lep­rince-Ringuet, LLR, en 2001) à un pro­jet SLAC­Nasa, le satel­lite Glast lancé le 11 juin 2008. 

Ce pro­jet a con­nu de nom­breuses péripéties qui ont éclairé sous des angles divers la per­son­nal­ité hors du com­mun de Fleury, et il a apporté une mois­son de résultats. 

PHYSICIEN ET ENTREPRENEUR

Patrick Fleury nous laisse l’image d’un physi­cien grand entre­pre­neur, clair­voy­ant, pas­sion­né tou­jours, foi­son­nant sou­vent, mais aus­si d’un homme généreux, et son héritage est impor­tant pour toute la com­mu­nauté qu’il a rassem­blée autour de pro­jets sou­vent visionnaires.

Poster un commentaire